POUR LA PREMIÈRE FOIS, DES ASTROPHYSICIENS AMÉRICAINS ONT EU RECOURS À L’INTELLIGENCE ARTIFICIELLE (ia) POUR CRÉER DES SIMULATIONS TRIDIMENSIONNELLES COMPLEXES DE L’UNIVERS.

Une première simulation de l’Univers réalisée grâce à l’intelligence artificielle

Publié le lundi 8 juillet 2019 à 15 h 38

Alain Labelle

Pour la première fois, des astrophysiciens américains ont eu recours à l’intelligence artificielle (IA) pour créer des simulations tridimensionnelles complexes de l’Univers. Ce simulateur est si rapide et précis que son fonctionnement échappe même à ses propres créateurs. Explications.

Tenter d’établir le scénario qui aurait mené à la naissance de l’Univers et à son état actuel est un défi de taille pour les astrophysiciens en raison de son évolution dans le temps et de son immensité.

Repères
•L’Univers serait en expansion depuis une explosion primordiale, le big bang, qui serait intervenue il y a 13,7 milliards d’années;
•Le diamètre de l’Univers observable est estimé à environ 93 milliards d’années-lumière, ce qui correspond à 880 000 milliards de milliards de kilomètres;
•Il est peuplé de milliards d’étoiles structurées en milliards de galaxies et d’autres objets célestes tels les planètes, les lunes, les comètes et les astéroïdes.

L’IA au service de l’astrophysique

Depuis plusieurs décennies, les scientifiques ont recours à la modélisation informatique pour tenter de comprendre l’Univers.

Certaines simulations produites par ceux-ci correspondent un peu à ce que nous connaissons de notre Univers, mais d’autres s’en éloignent beaucoup, si bien que les astrophysiciens tentent toujours de trouver LE scénario qui expliquerait l’Univers dans lequel nous nous trouvons.

Or, les modèles traditionnels que les scientifiques utilisent encore aujourd’hui exigent une grande puissance de calcul et beaucoup de temps. Ainsi, pour réussir à mettre au point des scénarios et à les comparer, les chercheurs doivent exécuter une quantité astronomique de simulations en modulant les différents paramètres possibles. Ce travail représente des milliers et des milliers d’heures de travail.

Simuler l’impossible

Pour accélérer le processus, la scientifique Shirley Ho et ses collègues de l’institut Flatiron (Flatiron Institute’s Center for Computational Astrophysics) ont mis au point le simulateur D3M (pour Deep Density Displacement Model). Ce réseau d’apprentissage profond est capable de reconnaître certaines caractéristiques communes dans un ensemble de données et « apprend » à les manipuler.
Pour le mettre au point, les astrophysiciens ont utilisé 8000 simulations de l’Univers réalisées à partir des modèles informatiques traditionnels.

Lorsque D3M a intégré ces simulations, les chercheurs lui ont demandé de créer une toute nouvelle simulation d’un univers virtuel en forme de cube de 600 millions d’années-lumière de diagonale.

D3M a été en mesure d’exécuter cette simulation en se servant de l’ensemble de données qu’il avait intégré lors de sa formation. Au lieu des 300 heures nécessaires aux systèmes traditionnels pour la créer, il ne lui a fallu que 30 millisecondes y arriver.

D3M a également produit des résultats plus précis (un taux d’erreur de 2,8 %) comparativement aux modèles actuels les plus rapides (9,3 %).

Sa puissance, sa vitesse et sa précision de calcul ne sont pas ses seuls atouts, puisqu’il a également été capable de produire des simulations de l’Univers même lorsque ses créateurs introduisent des paramètres qui n’apparaissent pas dans sa base de données.

Par exemple, lorsque les chercheurs ont modifié la quantité de matière noire dans l’univers virtuel, D3M a été capable de gérer une simulation – bien qu’il n’ait jamais été formé sur la façon de gérer les variations de matière noire.

« C’est comme créer un logiciel de reconnaissance d’images incluant beaucoup de photos de chats et de chiens, mais qu’il devient capable de reconnaître les éléphants. Personne ne comprend comment il y parvient. C’est un grand mystère à résoudre. »

— Shirley Ho, Institut Flatiron

Cette grande capacité à gérer les paramètres qui ne se trouvent pas dans ses données de références en fait un outil flexible et utile.

L’équipe de Mme Ho espère maintenant mieux cerner le fonctionnement de ce simulateur, ce qui bénéficiera à l’avancement de l’intelligence artificielle et de l’apprentissage automatique.

« Notre simulateur pourrait bien représenter un laboratoire intéressant. Pourquoi notre modèle est-il capable d’extrapoler aux éléphants et ne se limite-t-il pas simplement à reconnaître les chats et les chiens? »

— Shirley Ho, Institut Flatiron

L’équipe espère découvrir pourquoi dans les prochains mois en variant d’autres paramètres dans le D3M, en observant comment des facteurs comme l’hydrodynamique, ou le mouvement des fluides et des gaz, peuvent avoir façonné la formation de l’Univers.

Le détail de ces travaux est décrit dans les Proceedings of the National Academy of Sciences(Nouvelle fenêtre) (en anglais).

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