L’ORIGINE DE DIEU…. JULIAN JAYNES…. LA NAISSANCE DE LA CONSCIENCE DANS L’EFFONDREMENT DE L’ESPRIT (1976)

Carlo Rovelli
Anaximandre de Milet
ou la naissance de la pensée scientifique
p.154-156
extraits…

Certaines thèses parmi les plus fascinantes, malgré leur aspect hypothétique et controversé, concernent l’évolution historique de la pensée religieuse. Dans les années soixante-dix, un très beau livre de Julian Jaynes (la naissance de la conscience dans l’effondrement de l’esprit, 1976, a suscité beaucoup de discussions.

Contre l’idée de l’origine antique de la divinité, Jaynes suppose que l’idée de Dieu est née AU COURS DE LA RÉVOLUTION NÉOLITHIQUE, il y a environ 10,000 ans.

Les groupes humains sont initialement de dimension familiale, et sont guidés par UN MÂLE DOMINANT qui commande directement aux membres du groupe avec qui il est en rapport personnel. C’est la structure que l’homme partage avec les autres primates.

Avec la révolution néolithique, le développement de l’agriculture, la croissance démographique et l’installation des premiers villages sédentaires, ces groupes croissent et s’étendent  tant et si bien QUE LE MÂLE DOMINANT n’est plus en contact direct avec chacun des membres du groupe. La civilisation est l’art de vivre dans des villes de dimensions telles que leurs habitants ne se connaissent pas tous entre eux.

Selon Jaynes, la solution qui a permis d’éviter la désagrégation du groupe est une  INTROJECTION DE LA FIGURE DU MÂLE DOMINANT, dont la «voix» qui commande est «entendue» par les sujets même en son absence. La voix du souverain continue à être entendue et répétée après sa mort physique. On cherche à conserver le plus longtemps possible son cadavre encore «parlant», qui évolue en STATUE DU DIEU, adorée sur la place centrale de la cité.

La maison du souverain, qui est la maison de la statue du Dieu, évolue en temple, qui devient le cœur de la cité. Ce système se stabilise au cours des millénaires et détermine la structure sociale et psychologique des civilisations antiques.

Dans ces civilisations, le dieu est donc directement le souverain, le père du souverain ou l’ancêtre du souverain. LES DIEUX SONT LA MÉMOIRE TOUJOURS ACTIVE DES SOUVERAINS DU PASSÉ. Les voix des dieux sont omniprésentes; c’est par elles que la psychologie antique affronte toute situation impliquant une décision, comme on le voit par exemple dans l’Iliade. les hommes ne disposent pas d’une conscience complexe de soi dans le sens moderne, c’est-à-dire UN VASTE ESPACE DE NARRATION INTÉRIEURE où se représenter les conséquences possibles de l’action.

Ils ont , par contre, introjecté un ensemble de règles qui reflètent des normes sociales de comportement, le pur vouloir des dieux. Les dieux ne sont donc pas «des inventions de l’imagination». ILS SONT LA VOLITION MÊME DU PREMIER HOMME SOCIAL.

selon Jaynes, le système entre en crise autour du ier millénaire avant J.C., une période marquée par de très violents bouleversements politiques et sociaux. Il s’effondre sous la pression des grandes migrations, du développement du commerce, et par la formation des premiers grands empires multi-ethniques.

Dans la confusion toujours plus grande qui secoue les différents groupes humains, la «voix» du Dieu, avec laquelle les héros conversaient encore régulièrement, et qu’entendaient encore distinctement Moïse et Hammurabi, DEVIENT TOUJOURS PLUS LOINTAINE, et on finit par ne plus l’entendre du tout, sinon quelques pythies, et enfin seulement Mahomet et les saints catholiques. LES DIEUX S’ÉLOIGNENT CHAQUE JOUR UN PEU PLUS DANS LES CIEUX.

L’homme est laissé seul À LA MERCI D’UN MONDE EN RÉVOLUTION…

à suivre

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