A LA RECHERCHE DE PLANÈTES
POUVANT SERVIR D’AVANT-POSTES
DE L’HUMANITÉ
Vie extraterrestre : l’humanité s’approche lentement de l’ultime frontière
Sommes-nous seuls dans l’Univers? La question nous taraude depuis que nos lointains ancêtres ont levé la tête vers le ciel. Et comme l’expliquent l’astrophysicien David Lafrenière et la journaliste scientifique Marie-Pier Élie, s’il n’est pas toujours possible d’offrir des réponses claires à cette interrogation, l’humanité accomplit régulièrement des bonds de géant dans cette quête immémoriale.
En entrevue à l’émission Médium large, sur les ondes d’ICI Radio-Canada Première, le professeur David Lafrenière, membre de l’Institut de recherche sur les exoplanètes de l’Université de Montréal, estime que des formes de vie extraterrestre seront découvertes d’ici « 15, 20, 25 ans, peut-être », en raison des technologies et outils mis au point ces dernières années par la communauté scientifique.
Avec un petit rire, M. Lafrenière reconnaît qu’« on souhaite toujours que cela soit avant la fin de notre carrière ».
Concrètement, nous avons déjà des missions planifiées pour les prochaines années, et nous allons bâtir là-dessus.
De son côté, Marie-Pier Élie est partie à la recherche de vie dans l’un des endroits les plus inhospitaliers de notre planète : dans le désert d’Atacama. C’est pourtant là, dans une partie reculée du Chili, que l’on peut trouver des conditions similaires à ce qui pourrait exister sur d’autres planètes.
« C’est l’environnement le plus aride de la Terre […] et qui ressemble le plus à la planète Mars », précise-t-elle. Des équipes de l’agence spatiale américaine, la NASA, s’y rendent pour tester les prochains robots d’exploration et d’autres appareils devant être déployés dans de futures missions.
C’est aussi là qu’il est possible de trouver des formes de vie extrêmophiles, capables de s’adapter aux chaud et froid excessifs, à l’aridité du sol et à la carence en nutriments, voire en oxygène. Ce sont d’excellents sujets d’étude pour les chercheurs espérant trouver des organismes similaires ailleurs dans l’univers.
Où sont-ils?
Voilà d’ailleurs la forme de vie extraterrestre qui pourrait être découverte par les scientifiques, ou encore par des astronautes : pas des petits bonshommes verts, mais des microorganismes primaux. Est-ce à croire que la vie intelligente n’existe pas ailleurs?
« Déjà, une bactérie [extraterrestre], ce serait immense, mais ce n’est pas de la vie intelligente », reconnaît Mme Élie, avant de préciser que des recherches sont en cours depuis plusieurs années pour tenter de découvrir une civilisation au moins aussi avancée que la nôtre.
« On sonde le cosmos à la recherche de signaux radio qui pourraient provenir d’une civilisation intelligente. Jusqu’à maintenant, on ne trouve rien du tout, mais on n’a pas sondé grand-chose par rapport à l’immensité de l’Univers. »
Aux yeux de David Lafrenière, les probabilités de découvrir une civilisation capable de voyager dans l’espace sont peu encourageantes, ne serait-ce qu’en raison de l’immensité de l’Univers, et de la relative courte durée de la vie intelligente.
Mieux vaut se rabattre sur la recherche de bactéries proliférant dans un autre environnement extraterrestre, dit-il. « Il semble que le processus [d’apparition des bactéries] soit assez facile à mettre en œuvre, une fois que les bons ingrédients sont rassemblés. »
Dans la même foulée, pourquoi se cantonner à la recherche de formes de vie ressemblant à ce que nous trouvons sur Terre, et qui nécessiteraient des planètes aux caractéristiques apparentées à celles de la planète bleue?
L’explication est simple, indique M. Lafrenière. « Nous ne présumons pas que la seule façon de faire apparaître de la vie est celle développée par la Terre. Par contre, c’est la seule forme de vie que nous connaissons. »
« Des scientifiques effectuent des recherches très poussées pour déterminer d’autres agencements de molécules pouvant créer la vie. Mais pour chercher la vie, il faut savoir quoi chercher, ce qui rend la quête plus facile », ajoute l’astrophysicien.
D’où cette préférence accordée, pour l’instant, aux planètes rocheuses ne se trouvant ni trop près ni trop loin de leur étoile, et possédant une atmosphère et de l’eau liquide en surface.
Accélération des découvertes
Les 20 dernières années ont d’ailleurs été le théâtre de progrès très importants dans le domaine de la recherche de vie extraterrestre. Des télescopes et d’autres outils plus précis ont permis de détecter des exoplanètes, soit des planètes situées à l’extérieur de notre système solaire.
Aujourd’hui, on en compte plus de 3700 : principalement des géantes gazeuses, des planètes hostiles à la vie à l’image de Jupiter ou Saturne, mais aussi quelques mondes rocheux aux allures de la Terre.
Entre ces deux genres, l’Univers déploie un florilège de variations parfois extrêmes, comme cette planète de diamant, découverte il y a quelques années.
Pour maximiser les chances de découvrir des planètes pouvant accueillir la vie (ou pouvant servir d’avant-poste de l’humanité), la NASA travaille à mettre au point le télescope spatial James Webb.
Cet appareil, dont le lancement est maintenant prévu en 2021, remplacera le télescope Hubble, vieillissant, dont les images ont déjà entraîné une révolution en astronomie.
Dans le cas où des formes de vie seraient bel et bien découvertes, les distances littéralement astronomiques pourraient freiner l’enthousiasme de l’humanité.
Il y a à la fois quelque chose d’exaltant et d’un peu frustrant.
Une autre solution, souligne-t-elle, consiste à rechercher des traces de vie extraterrestre dans notre voisinage immédiat.
Il y a Mars, bien sûr, la planète rouge, au cœur d’une myriade de récits de science-fiction. L’humanité y a déjà dépêché plusieurs robots et prévoit y envoyer des humains dans un avenir rapproché.
Pourquoi cette fascination? « Parce que l’on peut s’y rendre, d’abord », explique David Lafrenière. Les lunes des géantes gazeuses, comme Io et Europe, pourraient aussi être de bonnes candidates à la présence de vie, ajoute Mme Élie.
La quête se poursuit, donc. Et les réponses pourraient venir plus rapidement qu’on le pense.
Comment le Canada contribue à la recherche de vie extraterrestre
Une course contre la montre est lancée pour recueillir un maximum d’informations sur les exoplanètes de la Voie lactée d’ici la mise en service du télescope spatial James-Webb en 2018. Le but ultime de cette opération? Trouver de la vie extraterrestre. Tour d’horizon d’un projet d’envergure historique, auquel le Canada est fortement associé.
Or, la technologie actuelle ne permet pas de détecter la présence simultanée de ces trois éléments sur les exoplanètes, c’est-à-dire les planètes qui se situent en dehors du système solaire. Pas encore, du moins.
La mise en orbite du télescope James-Webb (JWST), qui doit être lancé sur une fusée Ariane V à partir d’une base de l’Agence spatiale européenne en Guyane française, marquera une étape importante dans la recherche de vie sur les exoplanètes de la Voie lactée, notre galaxie. Le projet est évalué à plus de 8 milliards de dollars.
Le JWST – qui succédera au télescope Hubble, lancé en 1990 – permettra notamment de mieux analyser le rayonnement infrarouge émis par les exoplanètes. Sachant que cette lumière peut être décomposée pour savoir quels types de gaz se trouvent sur ces planètes, les scientifiques pourront plus facilement déterminer l’existence ou non d’atmosphère.
Leurs recherches se concentreront sur la présence d’oxygène, d’ozone, de dioxyde de carbone, de méthane et de monoxyde de dihydrogène liquide, soit… de l’eau.
Le Canada joue d’ailleurs un rôle important dans la construction du télescope James-Webb en fournissant le détecteur de guidage de précision (FGS) ainsi que l’imageur dans le proche infrarouge et spectrographe sans fente (NIRISS), deux instruments conçus, construits et testés par l’entreprise COM DEV International à Ottawa et à Cambridge, en Ontario. Cette contribution garantit aux astronomes canadiens du temps d’observation après le lancement du télescope.
L’analyse de toutes les exoplanètes risque néanmoins de prendre un temps fou. Le dernier décompte officiel fait état de 2099 exoplanètes, un chiffre qui augmente à une vitesse exponentielle en fonction des nouvelles découvertes réalisées dans le monde de l’astronomie. Sans compter que l’utilisation du télescope James-Webb, qui ne servira pas uniquement à l’étude des exoplanètes, devra être partagée avec d’autres scientifiques.
Pour mieux orienter leurs recherches, les astrophysiciens doivent se concentrer sur les exoplanètes à forte densité, qui sont plus susceptibles d’être recouvertes d’un sol rocheux. Pour ce faire, deux informations sont nécessaires : la masse et le volume des exoplanètes.
Pour le volume, il y a déjà le télescope Kepler, qui fournit depuis 2009 des informations sur le rayon des exoplanètes. Celui-ci doit être remplacé en 2017 par le TESS (Transiting Exoplanet Survey Satellite), plus performant.
Quant à la masse des exoplanètes, elle est calculée grâce à divers instruments depuis 1995. C’est cette année-là que le Suisse Michel Mayor a découvert la première exoplanète, baptisée « 51 Pegasi b », située à 51 années-lumière du Soleil.
Or, le Canada participe actuellement au projet international SPIRou (« SpectroPolarimètre Infra-Rouge »), qui vise à doter le télescope Canada-France-Hawaï (CFH) d’un nouvel instrument permettant de mieux cataloguer la masse des exoplanètes. En raison de sa position géographique – l’île d’Hawaï – le CFH est toutefois limité à l’étude du ciel visible depuis l’hémisphère nord.
Pour une vue complète de la galaxie, le Canada fabriquera une copie de SPIRou, le NIRPS (Near Infra-Red Planet Searcher), qui sera installé sur un télescope de l’Observatoire européen austral, au Chili. Ce projet permettra d’observer le ciel à partir de l’hémisphère sud. La consolidation du financement de ce projet de 15 M$ devrait être annoncée prochainement. Le NIRPS doit être mis en service dans trois ans, en 2019.
Ce tour d’horizon de la recherche de vie extraterrestre sur les exoplanètes a été présenté samedi dans le cadre d’une conférence TEDx aux HEC de Montréal par l’astrophysicien Olivier Hernandez, directeur des opérations de l’Observatoire du Mont-Mégantic et coordonnateur de l’Institut de recherche sur les exoplanètes de l’Université de Montréal.
« [On assiste à] une course permanente à qui va trouver les bonnes cibles à donner au télescope James-Webb quand il sera en orbite pour pouvoir découvrir la vie », a-t-il résumé, après sa présentation.
Il prévient toutefois qu’il y a loin de la coupe aux lèvres, car « pour pouvoir avoir de l’eau liquide à la surface d’une exoplanète, il faut que l’exoplanète soit dans ce qu’on appelle une “zone habitable” » – une zone suffisamment proche, mais pas trop non plus » de l’étoile autour de laquelle elle gravite. Or parmi les 2099 exoplanètes recensées jusqu’à maintenant, une dizaine seulement se qualifient en vertu de ce critère.
À l’heure actuelle, aucune certitude n’existe quant à l’existence d’exoplanètes où seraient réunies les conditions nécessaires à l’émergence de la vie telle qu’on la connaît. Mais le travail acharné des astrophysiciens, qui développent constamment de nouveaux outils de détection et d’analyse, nourrit l’espoir d’une découverte marquante pour l’humanité.