L’APPLICATION DE LA THÉORIE DES CORDES À LA COSMOLOGIE…. UNE PISTE POUR IMAGINER L’AVANT BIG-BANG

L’Univers avant le Big Bang

L’application de la théorie des cordes à la cosmologie suggère que le Big Bang ne constitue pas le début de l’Univers, mais l’aboutissement d’un état cosmique antérieur.

Gabriele Veneziano | 15mn| Publié le 30/11/1999 à 00h00|

Le Big Bang est-il le commencement du temps, ou l’Univers existait-il avant ? Il y a moins de dix ans, une telle question aurait eu des allures de sacrilège. Pour les cosmologistes, une telle interrogation n’avait tout simplement pas de sens. Imaginer une époque antérieure au Big Bang, c’était comme chercher un point au Nord du pôle Nord. Selon la théorie de la relativité générale, un Univers en expansion doit avoir commencé par un Big Bang, ce qui implique la finitude du temps, apparu simultanément avec l’espace et l’énergie-matière. Cette façon de voir s’est modifiée au cours des dernières années. Lors de sa naissance, l’Univers était concentré en une région si minuscule que les lois de la physique quantique devaient s’y appliquer. La relativité générale, qui n’est pas une théorie quantique, cesse d’être valide à l’échelle du Big Bang. La théorie des cordes, qui se développe depuis une trentaine d’années, est susceptible de prendre le relais en offrant une description quantique de la gravitation. Elle a récemment permis de concevoir deux modèles cosmologiques – le modèle pré-Big Bang et le modèle ekpyrotique – décrivant un Univers antérieur au Big Bang. Ces scénarios, où le temps n’a ni commencement, ni fin, pourraient avoir laissé des traces observables dans le fond diffus cosmologique, le rayonnement émis peu après le Big Bang et que l’on détecte aujourd’hui sous une forme fossile sur l’ensemble du ciel.

La volonté récente de prendre en compte ce qui pourrait s’être passé avant l’origine de l’Univers n’est que le dernier en date des revirements intellectuels qui se sont succédé durant des millénaires. Dans toutes les cultures, les philosophes et les théologiens ont été confrontés à la question du commencement des temps et de l’origine du monde. Notre « arbre généalogique » passe par les premières formes de vie, la formation des étoiles, la synthèse des premiers éléments et remonte jusqu’à l’énergie qui baignait l’espace primordial. Continue-t-il ainsi éternellement ou prend-t-il racine quelque part ? Les philosophes grecs ont longuement débattu de l’origine du temps. Aristote défendait l’absence de commencement en invoquant le principe selon lequel rien ne surgit de rien. Si l’Univers ne peut naître ex nihilo, il doit avoir toujours existé. Le temps devrait s’étendre éternellement dans le passé comme dans le futur. Les théologiens chrétiens ont défendu le point de vue inverse. Saint Augustin affirmait que Dieu existe en dehors de l’espace et du temps et qu’il est capable de les créer comme il a forgé les autres aspects du monde. Que faisait alors Dieu avant de créer le monde ? Selon saint Augustin, le temps lui-même faisant partie de la création divine, il n’y avait tout simplement pas d’avant.

Une étrange homogénéité

La théorie de la relativité générale a conduit les cosmologistes modernes à une conclusion très semblable. Dans ce cadre, l’espace et le temps ne sont pas rigides et absolus, mais dynamiques et déformés par l’influence de la matière. À de grandes échelles de distance, l’espace se courbe, s’étend ou se contracte au cours du temps, en emportant avec lui la matière. Au cours des années 1920, à la suite d’Edwin Hubble, les astronomes ont confirmé que notre Univers est en expansion : les galaxies s’éloignent les unes des autres. Une des conséquences de cette expansion est que le temps ne peut s’étendre indéfiniment vers le passé. En projetant le film de l’histoire cosmique à l’envers, les galaxies se rapprochent les unes des autres jusqu’à se rejoindre en un point infinitésimal, nommé singularité. Toutes les galaxies – ou plutôt leurs précurseurs – se retrouvent dans un volume nul. La densité, la température, mais aussi la courbure de l’espace-temps, deviennent infinies. La singularité est le cataclysme ultime au-delà duquel nous ne pouvons plus poursuivre de généalogie cosmique.

Ce déroulement soulève de nombreuses questions. En particulier, il semble peu compatible avec le fait que l’Univers apparaisse homogène, à grande échelle, dans toutes les directions. Pour que le cosmos ait le même aspect en tout point, il faut qu’une forme d’interaction se soit établie entre les régions éloignées de l’espace afin que leurs propriétés se soient homogénéisées. Or cela contredit les données de l’expansion cosmologique. La lumière a été libérée il y a 13,7 milliards d’années (c’est le fond diffus cosmologique observé aujourd’hui dans le domaine des micro-ondes). Dans toutes les directions, on trouve des galaxies distantes de plus de 13 milliards d’années-lumière. Il existe ainsi des galaxies, dans des directions opposées, qui sont séparées par plus de 25 milliards d’années-lumière. Par conséquent, ces régions n’ont jamais été en contact : elles n’ont pas eu le temps d’échanger de la lumière, ni a fortiori de la matière. Leur densité, leur température et autres propriétés n’ont pas pu être homogénéisées.

Pourtant, les propriétés de la Voie lactée sont à peu près les mêmes que celles de ces galaxies lointaines. Cette homogénéité pourrait être une c…

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