Edgar Morin- Le principe «hologrammique»
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Le principe «hologrammique»
Le principe «hologrammique» est une des bases de la pensée complexe développée par Edgar Morin, avec le principe de la récursion organisationnelle et le principe dialogique. Ces trois principes sont interreliés. Le principe «hologrammique» met en relief l’impossibilité de connaître le tout sans connaître ses parties, mais aussi l’impossibilité de connaître les parties sans connaître le tout, l’un étant par l’autre. Morin illustre ce principe par l’ADN, patrimoine génétique complet présent dans chaque cellule d’un être humain. D’un point de vue plus social, il dira que l’individu est à la fois partie constituante de la société, qui elle-même, est partie constituante de l’individu. La société est présente en lui du fait qu’elle le construit à travers son interaction avec lui par son influence culturelle.[1] Morin avance que le principe «hologrammique» s’applique aussi aux particules qui se seraient formées dans les premiers instants de l’univers. Ces particules seraient encore aujourd’hui dans les atomes qui nous constituent. C’est à partir d’elles que le monde s’est créé et elles ont la possibilité de le recréer. Ainsi, nous sommes des parties du monde, mais le monde est en nous. Morin fait souvent référence à cette phrase de Pascal pour expliquer le principe hologrammique : « Je tiens pour impossible de connaître les parties sans connaître le tout, non plus que de connaître le tout sans connaître particulièrement les parties.» (Pascal, 1998-1999)
Pour comprendre le principe «hologrammique», il est utile de comprendre l’hologramme. Décrit par Morin dans La connaisance de la connaissance, le troisième tome de la Méthode.(Morin, 1986 : p. 101), l’hologramme est une image physique qui apparaît dans l’espace en donnant une impression de relief et de couleur, un peu comme une photo à trois dimensions. L’image est formée d’une multitude de points laser contenant chacun l’image elle-même dans une densité moindre. Les images des points laser interfèrent entre elles pour créer une grande image plus dense et plus claire. Si on enlève quelques points laser, l’image reste quand même, mais devient moins clair. L’hologramme est formé de points qui contiennent chacun l’objet représenté en entier ou presque. «Ainsi, la complexité organisationnelle du tout nécessite la complexité organisationnelle des parties, laquelle nécessite récursivement la complexité organisationnelle du tout.»(Morin, 1986 : p. 102) Les parties constituent elles-mêmes un tout. C’est là toute la richesse du principe hologrammique, selon Morin. Les parties se distinguent du tout par leur unicité tout en possédant des caractères spécifiques au tout. Les parties sont donc relativement autonomes et peuvent interagir entre elles et s’influencer, ce qui a forcément un impact sur le tout. Enfin, le tout étant dans les parties, ces dernières ont la possilibé de régénérer le tout. D’un point de vue sociologique, on dira qu’on ne peut comprendre le macro sans comprendre le micro car le micro est dans le macro et le macro dans le micro. (Mercure, 2005)
Ce principe s’appliquant tant à la nature qu’au social, il contribue non seulement à modifier la façon d’aborder le monde, mais aussi de l’enseigner. Pour Morin, la pensée complexe doit mener à une réforme de la pensée et par conséquent, à une nouvelle pédagogie. Le principe «hologrammique» comme élément constituant la pensée complexe, a un impact majeur. Il touche à la connaissance, au processus d’études, de compréhension et nécessairement d’apprentissage du monde. Suivant ce principe, non seulement on doit comprendre les parties pour comprendre le tout et le tout pour comprendre les parties, mais on doit prendre conscience du «tout» et des «parties» qui habitent notre pensée et qui l’influencent.
Pour développer la pensée complexe dont la base est le principe de récursivité, le principe dialogique et le principe «hologrammique», Morin s’est inspiré de la théorie de l’information, de la cybernétique, de la théorie des systèmes et de l’auto-organisation. La théorie de l’information amène l’idée d’extraire du nouveau, de l’information, à partir de l’ordre et du désordre en interaction. Elle est attribuée principalement au mathématicien Claude Shannon qui cherche à modéliser l’information en s’inspirant des lois du bruit, de l’entropie et du chaos. Ce dernier s’est toutefois inspiré des travaux d’Alan Turing, de John Von Neumann et de Norbert Wiener.[2] Le concept de cybernétique, théorie des machines autonomes, est d’ailleurs attribué à Wiener, qui a introduit l’idée de rétroaction, en lien étroit avec celle de récursivité. La rétroaction et la boucle causale rompent avec le principe de causalité linéaire, comme nous l’avons vu plus haut. La théorie des systèmes s’inspire quant à elle de la cybernétique. Selon Morin, elle jette les bases d’une pensée de l’organisation.[3] On y apprend que le tout serait plus que la somme des parties le constituant. Il y a donc rétroaction du tout sur les parties et des parties sur le tout. Dans la même logique, le tout serait moins que la somme de ses parties puisque ces dernières ont des propriétés qui seraient inhibées par le tout dans son ensemble. Un bon exemple qu’utilise Morin pour illustrer cette théorie est celui de l’eau et de ses constituantes, les molécules d’hydrogène et d’oxygène. Ces dernières forment ensemble un tout très différent des deux molécules séparées et retrouvent leurs caractéristiques propres lorsqu’on les aborde séparément. Quant à l’idée d’auto-organisation, elle est non négligeable dans le développement conceptuel qui mènera à la pensée complexe. Morin l’associe aux travaux de Von Neumann, Von Foerster, Atlan et Prigogine.[4] Von Neumann s’est intéressé à la propriété qu’a le vivant de pouvoir se régénérer, contrairement à la machine artificielle qui ne peut se réparer elle-même. Von Foerster s’est intéressé quant à lui à la création d’ordre à partir du désordre. Atlan, avec le «hasard organisateur», théorise la dialogique ordre/désordre/organisation que l’on retrouve lors de l’émergence de la vie et en action constante dans les constituantes du monde tant biologique, humain que physique. Cette idée mènera à celle d’auto-organisation du vivant. En effet, Prigogine a proposé une approche différente de l’idée d’organisation à partir du désordre en parlant de l’autonomie du vivant capable de régénérer son énergie en allant la chercher dans son environnement et ainsi permettre la perpétuation du système. C’est ce que Morin appelle l’auto-éco-organisation. C’est donc à partir de ces notions qu’il a pu développer la pensée complexe constituée du principe hologrammique présenté ici, du principe dialogique et de celui de la récursivité. Le Moine souligne la contribution de la récursivité aux épistémologies constructivistes ainsi : «Cette hypothèse de la boucle récursive du sujet concepteur et de l’objet conçu, sujet se connaissant construisant la connaissance, définissait le statut gnoséologique, sur lesquelles se fondent les épistémologies constructivistes ; c’est elle qui fonde aussi le «Paradigme de la complexité» par lequel nous réélaborons notre connaissance de La nature de la nature, de La vie de la vie, de La connaissance de la connaissance, de L’écologie des idées, de L’identité humaine et de l’Éthique […].»(Le Moigne, 2007 : p. 104)
[1] Morin, Edgar. Pour une réforme de la pensée, ifrance, En ligne [http://college
heraclite.ifrance.com/documents/r_actuels/em_reforme.htm], page consultée le 23 février 2009
[2] http://fr.wikipedia.org/wiki/Th%C3%A9orie_de_l’information
[3] Morin, Edgar. Pour une réforme de la pensée, ifrance, En ligne [http://college
heraclite.ifrance.com/documents/r_actuels/em_reforme.htm], page consultée le 23 février 2009
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