Publié le 19 juin 2018 à 08h21 | Mis à jour à 08h21
Charles-Édouard Bouée: l’IA va supplanter les géants du numérique
Charles-Édouard Bouée, PDG du groupe international de conseil… (Photo François Roy, La Presse)
Charles-Édouard Bouée, PDG du groupe international de conseil en stratégie Roland Berger, était de passage dans la métropole la semaine dernière pour participer à la Conférence de Montréal, où il est venu discuter d’intelligence artificielle et des ambitions technologiques de la Chine.
Photo François Roy, La Presse
Jean-Philippe Décarie
La Presse
L’hégémonie des géants du numérique, tels que Google et Facebook, tire à sa fin et leur modèle économique basé sur la publicité et l’utilisation des données personnelles de leurs utilisateurs sera supplanté par l’avènement de l’intelligence artificielle portative, anticipe Charles-Édouard Bouée, PDG du groupe international de conseil en stratégie Roland Berger. La 4e révolution technologique est en marche et c’est la Chine qui pourrait le plus en bénéficier.
L’arrivée de l’intelligence artificielle portative va reléguer loin derrière les modèles économiques de Google et de Facebook, croit Charles-Édouard Bouée, PDG du groupe international de conseil en stratégie Roland Berger.
Charles-Édouard Bouée était de passage dans la métropole la semaine dernière pour participer à la Conférence de Montréal, où il est venu discuter d’intelligence artificielle et des ambitions technologiques de la Chine.
Le PDG de Roland Berger est installé depuis 12 ans à Shanghai, où il a été responsable du premier bureau du groupe conseil en stratégie en Chine. Aujourd’hui, l’entreprise est présente dans 5 villes chinoises, où elle compte 350 consultants.
Depuis qu’il est devenu PDG, il y a quatre ans, Charles-Édouard Bouée partage son temps entre Shanghai et Munich, qui abrite le siège social de la firme internationale qui compte 2500 consultants dans 35 pays.
Depuis quatre ans, les experts de Roland Berger se penchent sur les transformations prévisibles que va induire l’utilisation grandissante de l’intelligence artificielle, un développement que Charles-Édouard Bouée décrit comme la 4e révolution technologique.
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« La première révolution technologique est née avec l’avènement de l’ordinateur et des logiciels et a donné naissance aux géants américains IBM et Microsoft. La 2e révolution a été l’apparition des téléphones portables qui a été dominée par les grands opérateurs européens, Vodafone, Deutsche Telekom, Orange.
« Dix ans plus tard, l’arrivée du téléphone intelligent a bouleversé l’ordre établi en reléguant l’ordinateur loin derrière. La création des géants du numérique Apple, Google, Facebook, Amazon a éclipsé IBM et Microsoft.
« Le développement de l’intelligence artificielle et particulièrement l’utilisation massive de l’intelligence artificielle portative viendra bousculer fortement les modèles d’affaires des géants d’aujourd’hui », constate Charles-Édouard Bouée
DE TÉLÉCOMMANDE À COMMANDE
L’arrivée de l’intelligence artificielle portative va reléguer loin derrière les modèles économiques de Google et Facebook. Grâce à l’implantation d’une simple puce d’IA, le portable va se transformer en outil de recherche permanent, privé, qui ne passera plus par des applications qui génèrent de la publicité. On va passer d’un modèle centralisé à un autre beaucoup plus personnalisé et privé.
« Le portable est une espèce de télécommande. On télécharge des applications qui conduisent vers des sites qui choisissent à notre place et qui nous imposent des pubs.
« Avec l’IA portative, on va avoir le plein contrôle sur nos recherches et notre vie privée. Le portable ne sera plus une télécommande, mais une commande qui va faire de nous des humains augmentés », anticipe Charles-Édouard Bouée.
Aujourd’hui, les consommateurs n’ont pas accès à la meilleure information, mais à celle qui a été payée pour être référencée. L’IA portative va permettre de réaliser des choix, selon les vrais goûts et besoins des utilisateurs.
Pendant la nuit, l’IA va faire des recherches pour vous présenter ses résultats le matin. Elle pourra même réaliser des achats à votre place et gérer vos rapports avec Facebook ou Google et réussir, par exemple, à récupérer toutes vos données personnelles accumulées par ces géants du numérique.
LA CHINE EN BONNE POSITION
Contrairement aux cycles technologiques précédents, Charles-Édouard Bouée est d’avis que l’entreprise qui développera cette intelligence artificielle portative pourrait fort provenir de l’extérieur des États-Unis, probablement, selon lui, de l’Europe ou de la Chine.
« On parle ici d’un modèle émergent totalement nouveau. Ce ne sont pas les joueurs existants qui sont dans leur modèle et qui le perpétuent qui vont arriver avec cette innovation. » – Charles-Édouard Bouée, PDG du groupe international de conseil en stratégie Roland Berger
« La Chine a récemment annoncé qu’elle allait consacrer 150 milliards pour développer l’intelligence artificielle. C’est là que pourrait naître la prochaine compagnie qui va valoir un jour 1000 milliards », estime le PDG de Roland Berger.
La Chine, explique-t-il, travaille sur des cycles de 300 ans. Le cycle actuel a débuté en 1830 par l’humiliation. Durant 100 ans, l’empire du Milieu a subi les invasions de tout le monde : France, Angleterre, Allemagne, Japon. Cette première étape a pris fin en 1930.
Depuis 1930, la Chine est dans sa phase de renouveau et ce cycle devrait durer encore jusqu’en 2030. De 2030 et 2130, la Chine prévoit entrer dans la phase qu’elle a définie comme son âge d’or.
La Chine va être alors devenue la première puissance économique mondiale et c’est de bon augure, selon le stratégiste. « C’est la seule nation-civilisation au monde et la culture entrepreneuriale y est très forte », souligne-t-il.
LE PARCOURS D’UN GLOBE-TROTTER
Avant de se joindre au groupe Roland Berger, en 2001, à titre d’associé, Charles-Édouard Bouée a d’abord travaillé à Londres comme banquier d’affaires à la Société Générale.
Cet avocat de formation, titulaire d’une maîtrise en droit et d’un MBA de l’Université Harvard, a habité les États-Unis et il a aussi travaillé pour une firme américaine de consultation à Paris.
En 2006, Roland Berger l’a envoyé en Chine pour que la firme participe au décollage économique de cette puissance en devenir. « Soit je fermais le bureau ou on repartait en force. En six ans, on a multiplié par sept notre activité là-bas », explique-t-il.
Arrivé le mardi à Montréal, en provenance de New York, Charles-Édouard a quitté la ville le mercredi soir pour gagner Berlin pour une série de rencontres avant de faire un saut à Munich et retourner à Shanghai.
« Je suis souvent en déplacement, on a des clients dans tous les secteurs d’activités et partout dans le monde. Évidemment, si on suit la tendance économique, c’est en Chine que nous aurons bientôt le plus d’effectifs ; 90 % de nos consultants sont chinois », précise le PDG de Roland Berger.
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