ALEXIS LEMIEUX ET PIERROT ROCHETTE… DEUX CHERCHEURS SUR LE THÈME DE LA FLÂNERIE ET CE TEXTE COMME FONDEMENT DE LEUR DOCTORAT RÉCIPROQUE… MUSÉAL POUR ALEXIS ET NANO-CITOYENNETÉ-PLANÉTAIRE POUR L’ÉQUIPE (AULD,WOODARD,ROCHETTE)

Helen Hessel
la femme qui aima Jules et Jim
biographie
Marie-France Péteuil
p.200-203
extrait

A Paris, tout ne tourne pas seulement autour de Roché. Franz est en contact quasi quotidien avec Walter Benjamin. Ils ont commencé la traduction (en allemand) d’un premier livre de Proust, A L’OMBRE DES JEUNES FILLES EN FLEURS. (on est en septembre 1925)

L’amitié de Franz Hessel et Walter Benjamin est déjà ancienne et ils ont beaucoup de points communs: tous deux fils de banquiers, tous deux juifs berlinois, épris de littérature.

Cette traduction les plonge dans l’univers des détails urbains qui enchantaient déjà Franz en 1912. Franz, qui connait si bien Paris, emmène Benjamin voir in situ les lieux écrits dans LA RECHERCHE (Proust). Il fait avec lui comme il l’avait fait pour Helen, le tour de ses «endroits divins». Les baraques foraines, les passages, bien sûr, les marchés, les places, les bals musettes. Il retrouve la trace des personnages étranges qui l’avaient fasciné dans sa jeunesse, comme « la môme Existence», une femme qu’il avait déjà croisée en 1910. Il initie Benjamin à CETTE FLÂNERIE CONTEMPLATIVE qui constitue depuis longtemps, et de plus en plus, l’essentiel de sa vie.

Comme il l’a vécu pour Berlin, qui fut le cadre (et bien plus que le cadre) de ses livres, Paris lui apparaît comme UNE ENTITÉ VIVANTE qu’il explore sans relâche. Il fait lire à Benjamin LE PAYSAN DE PARIS D’ARAGON. Cette lecture le bouleverse tant qu’il avoue à Franz ne pouvoir en lire que quelques pages par soir, tant son cœur bat d’émotion.

Franz fait sienne tour à tour Berlin et Paris. La ville est devenue pour lui un grand ventre chaud et plein d’odeurs, qui l’abrite, le protège, l’apaise, l’accueille. Elle se donne à voir, à comprendre, à aimer. Elle lui offre les émotions que les femmes ne lui donnent plus, ou sporadiquement. Il décrit les villes comme des amoureuses, toujours avec délicatesse et suggestion. Les vitrines et les portes à tambour lui renvoient les reflets multipliés d’autres vies soudainement offertes, d’autres vues inattendues sur les femmes qui passent, sur les lumières, et chaque possible intensifie ses émotions. Son Paris est ainsi. Toujours présent, secret, lisible, offert et consolant. Ville, organe vivant, sans cesse en mouvement, baignant dans les mythologies, les passages d’une époque à une autre, les changements, les réminiscences, les dernières traces de ce qui fut, de ce qui arrive.

MAIS BENJAMIN EST D’UN TOUT AUTRE TEMPÉRAMENT. Celui qui, comme dit si bien Hannah Arendt, n’avait appris ni à lutter contre le courant, ni à nager avec, celui qui est mort sans avoir jamais réussi à ouvrir une fenêtre du premier coup, se jette dans UN DÉCRYPTAGE MOINS POÉTIQUE, BEAUCOUP PLUS INTENSE, RICHE ET PHILOSOPHIQUE. La ville capture sa pensée, qui s’y déploie. Elle va devenir SA GRILLE DE LECTURE DU MONDE, telle qu’on peut le lire dans PASSAGES. Et c’est pendant ces années-là, avec Franz, qu’il commence à élaborer vraiment sa réflexion. La ville est là, tentaculaire et ne demandant qu’à être décryptée, méritant toute son attention.

S’il observe la ville actuelle, Benjamin étudie aussi ses représentations passées. Il commentera ainsi longuement les photos d’Eugène Atget, qui montraient déjà en 1900 un Paris de rues, de maisons, de passages, comme des décors vidés de leurs habitudes et par cela d’autant plus lisibles et inquiétants. Il lit dans les pierres l’évolution des quartiers, des constructions, des structures d’échange. Il y voit L’HISTOIRE EN MARCHE, ET CROIT POUVOIR EN FAIRE ÉMERGER LE SENS.

Helen vient souvent les rejoindre le soir à la Closerie des Lilas. Elle aime beaucoup Benjamin, et déploie pour lui le charme de ses sourires….

… Ils ont tous deux une dévotion pour l’ange d’une aquarelle de Paul Klee, qu’Helen désirait beaucoup acquérir en 1921, après avoir touché un petit héritage. Roché était alors en contact avec Klee à Munich et lui avait demandé de faire les démarches pour acheter le tableau. MAIS C’EST BENJAMIN QUI L’ACQUIT. L’ange aux bras ouverts et au regard effrayé le suit partout, et Benjamin scrute et décrypte dans cette figure énigmatique ses propres obsessions. « Il existe un tableau de Klee qui s’intitule Angélus novus, écrira-t-il en 1940. « Il représente un ange qui semble sur le point de s’éloigner de quelque chose qu’il fixe du regard. C’est à cela que doit ressembler L’ANGE DE L’HISTOIRE. SON VISAGE EST TOURNÉ VERS LE PASSÉ. Là nous apparaît une chaîne d’événements. IL NE VOIT LUI QU’UNE SIMPLE ET UNIQUE CATASTROPHE, qui sans cesse amoncelle ruines sur ruines et les précipite à ses pieds. Il voudrait bien s’attarder, réveiller les morts et rassembler ce qui a été démembré. Mais du paradis souffle une tempête qui s’est prise dans ses ailes si violemment que l’ange ne peut plus les refermes. Cette tempête le pousse irrésistiblement vers l’avenir AUQUEL IL TOURNE LE DOS, tandis que le monceau de ruines devant lui s’élève jusqu’au ciel. CETTE TEMPÊTE EST CE QUE NOUS APPELONS LE PROGRÈS.

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