Tom Lapointe 1953-2025 Le départ d’un rêveur
PHOTO ROBERT MAILLOUX, ARCHIVES LA PRESSE
Sur cette photo de 2007, le journaliste Tom Lapointe présentait son autobiographie Mes mille et une vies.
De son propre aveu, Tom Lapointe a toujours eu des « rêves de géant », une expression que l’on retrouve en quatrième de couverture de sa biographie Mes mille et une vies, parue en 2007.
Publié le 14 juinPartager
Richard Labbé
Richard Labbé
La Presse
Au bout du compte, celui qui rêvait de hockey, jadis comme joueur, mais ensuite comme journaliste parce que trop petit, aura fait sa marque de plusieurs façons, avant de s’éteindre à 73 ans le 14 juin 2025, a annoncé sa famille sur sa page Facebook. Aux prises avec un cancer de la prostate désormais généralisé aux os, il avait été admis à la Maison de soins palliatifs de la Rivière du Nord, à Saint-Jérôme, il y a quelques semaines.
Dans le monde du hockey, encore à ce jour, le nom de Tom Lapointe est associé à l’un des évènements les plus renversants de l’histoire de la Ligue nationale de hockey (LNH) : l’échange de Wayne Gretzky, en août 1988.
PHOTO TIRÉE DE LA PAGE FACEBOOK DE TOM LAPOINTE
Tom Lapointe
Alors journaliste pour La Presse, c’est Lapointe qui avait obtenu la primeur au sujet de cet échange, véritable séisme dans le monde du hockey. En 1988, Gretzky était un joueur déjà légendaire chez les Oilers d’Edmonton, et il se préparait à un déménagement qui allait secouer le monde du hockey.
C’est Lapointe qui a raconté cette histoire en premier, grâce à ses contacts dans le monde de la LNH.
« Je planais sur un nuage, a-t-il expliqué dans une entrevue avec La Presse en 2000. Moi dont le père était un humble cordonnier, j’étais peut-être devenu une trop grande vedette, bien trop vite. Je côtoyais Wayne Gretzky, j’étais chum avec Mario Lemieux. Je flottais… »
PHOTO ARCHIVES LA PRESSE CANADIENNE
L’ancien propriétaire des Oilers Peter Pocklington et Wayne Gretzky annonçant le départ de ce dernier pour les Kings de Los Angeles, le 9 août 1988
Tom Lapointe racontera plus tard que c’est au hasard de folles soirées et de longues discussions avec des gens du monde du hockey qu’il en viendra à cette nouvelle, le fait d’armes de sa carrière dans le monde des médias. C’est dans la foulée de cette histoire au sujet de la transaction de Wayne Gretzky chez les Kings à Los Angeles que la carrière de Tom Lapointe a véritablement pris son envol.
Sur une lancée, Lapointe ne s’arrêta pas là. Quelques jours plus tard, c’est lui qui fut aussi derrière un autre immense scoop : le retour au jeu de Guy Lafleur, retraité du Canadien de Montréal depuis 1984. Lafleur choisira de revenir chez les Rangers de New York, et pour Lapointe, il s’agira d’une primeur, une autre, obtenue au petit matin dans un bar de l’est de Montréal. Un autre scoop qui le mènera vers d’autres sommets.
Dans la foulée de ces deux exclusivités, Tom Lapointe est désormais très demandé, et son étoile ne cesse de rayonner. Il devient ensuite chroniqueur au Journal de Montréal, et décide de laisser ce poste pour en accepter un autre, celui de directeur des sports à la station radiophonique CKAC.
PHOTO TIRÉE DE LA PAGE FACEBOOK DE TOM LAPOINTE
Tom Lapointe au micro de CKAC 73AM
Mais après une querelle à l’interne, il remet sa démission de manière précipitée, une décision qu’il finira par regretter plus tard.
Ensuite, les moins bons moments sont arrivés, et il y a eu des rumeurs à son sujet. Des mauvaises fréquentations, des problèmes d’ordre financier, et aussi des rumeurs au sujet d’un problème de jeu.
« J’ai joué, mais pas d’une façon si maladive, a-t-il confié à La Presse en 2000. Faut comprendre que je jouais en espérant gagner assez pour payer mes dettes et me libérer de mes créanciers. Mais c’était encore trop pour mes moyens, c’est évident. J’ai peut-être perdu 20 000 $ en jouant. Mais quand tu ne touches pas de salaire, perdre 20 000 $ que tu dois déjà à des prêteurs usuraires, c’est terrifiant. »
PHOTO ROBERT MAILLOUX, ARCHIVES LA PRESSE
Tom Lapointe a publié en 2007 une autobiographie dans laquelle il raconte sa fulgurante ascension et ses moments de vie plus difficiles.
Le Tom Lapointe rêveur n’allait toutefois pas s’arrêter là. Il s’est ensuite retrouvé en France, en Californie, toujours à la recherche du coup de circuit, toujours à la poursuite d’un autre rêve, plus beau que le précédent. Au fil des années, il planchera sur de multiples projets, qui souvent ne se réaliseront jamais : la télé et la chanson, entre autres.
C’est aussi lui qui mènera un long combat afin que la LNH accepte de créer un trophée en l’honneur de Maurice Richard, ce qu’elle fera finalement en 1999.
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Tom Lapointe a eu l’initiative de lancer un trophée en la mémoire de Maurice Richard, en 1998.
Mais pour Tom Lapointe, les années d’après la grande primeur ne furent pas de tout repos.
Ce que j’ai vécu pendant ces 10 ans, c’est assez pour se pendre, avait-il expliqué en 2000. Je travaillais, je vivais chez ma mère et tout mon argent servait à payer mes créanciers. J’arrivais quand même à survivre jusqu’en août 1999. CKVL a fermé ses portes, je ne recevais plus de salaire pour payer les intérêts de mes emprunts et là, c’est devenu l’enfer.
Tom Lapointe
Tom Lapointe reviendra au Québec toujours la tête pleine de projets, mais le mauvais sort s’acharnera une fois de plus : en janvier 2024, il annonce sur sa page Facebook qu’il est atteint d’un cancer de stade 4.
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Tom Lapointe
Ce qui ne l’empêchera pas de continuer à rêver, comme il l’a toujours fait.
« J’aurai essayé. J’ai essayé, dira-t-il à Réjean Tremblay dans une chronique publiée sur Punching Grace le 9 mai dernier. J’ai essayé sans abandonner. J’ai essayé en journalisme et je pense avoir réussi. J’ai essayé en radio et télé, et j’ai réussi. J’ai essayé aussi fort en production, mais je n’ai pas réussi. Mais je peux dire qu’il n’y a personne qui me cherche sur mon lit d’hôpital même si les investissements n’ont pas rapporté ce qu’on espérait. J’ai vraiment essayé. »