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L’ÎLE DE L’ÉTERNITÉ DE L’INSTANT PRÉSENT
CHAPITRE 2: LE VIEUX MONTRÉAL
Roman de Pierre Rochette. Poète et Chansonnier
www.enracontantpierrot.blogspot.com …
Bande annonce du documentaire MON AMI PIERROT, LE DERNIER HOMME LIBRE
Véronique Leduc
veroniqueleduc@hotmail.com
et
Geneviève Vézina-Montplaisir
genevievevm@hotmail.com
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COUPLET 1
dormir
sous le pont de Gatineau, une nuit froide de neige
même pas de sac de couchage, du noir au beige
gémir
en p’tit bonhomme, les g’noux dans l’manteau
le nez sous l’gilet, là ou c’est chaud
grandir
contre le mur de ciment se faire si petit
que son coeur en devient firmament
s’ennoblir
au point ou l’on devient soi-même
un immense pays entre deux océans
REFRAIN
la bonté l’humilité, l’humanité
comme vêtement de vie
lève-toi pèlerin
même si t’as froid même si t’as faim
ensemence ton pays d’un rêve
pour les jeunes de demain
ta guitare à la main
marche marche les chemins
ne triche pas ton rêve en douce
en faisant du pouce
quand un jeune t’embarque
écoute le jusqu’au matin
parce que son rêve à lui commence
là où finit le tien
COUPLET 2
manger
quand on t’a ramassé pour t’emmener souper
dans l’espoir d’une belle soirée
par ta guitare endimanchée
s’laver
la route c’est accepter
d’ètre sale en dehors
d’ètre propre en dedans
en s’guettant
s’coucher
avoir honte de ses peurs
quand y a tellement d’êtres humains
qui ont pas l’choix d’avoir peur
s’éveiller
soudain en pleine nuit
s’enfuir sans faire de bruit
après avoir écrit merci
COUPLET 3
vaciller
dans un café internet, recevoir un courriel
d’un ami de jeunesse, qui veut t’immortaliser
d’un geste bien intentionné
créer
une chanson chaque nuit
parce que la veille ce que t’écris
semble s’être évanoui
dessiner
entre ta voix et tes lèvres
tous les cris des humains
qui ont choisi d’aimer
même s’ils sont mal aimés
rêver
qu’après sa mort peut-être
de milliers de jeunes en mal d’être
reprendront ton épopée
vers ce pays oeuvre d’art à créer
FINALE
la bonté, l’humilité, l’humanité
comme vêtement
d’aimer
Pierrot
vagabond céleste
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À
Pierre Rochette, Michel Woodard
Aujourd’hui à 13 h 15
Bonjour Pierrot le vagabond,
Bonjour Michel le concierge
Cela ne me surprend par de ce qui est arrivé comme impact avec la merveilleuse chanson de Michel.
Ce n’est pas le fruit du hasard si parmi tout le répertoire des chansons de Michel, j’ai sélectionné « Je te demande pardon ».
Si tu te rappelles bien, au tout début du spectacle j’ai lu le texte de Ramtha intitulé : La joie, l’état d’Être suprême ».
Les chansons « La beauté du monde » et « Je te demande pardon » ont entré en résonance avec le texte initial sur la joie.
J’ai donc atteint l’objectif que je m’étais fixé : celui de mettre un fond spirituel où les gens vont ressentir une joie profonde et non seulement des émotions de surface.
Je me réjouis que ce spectacle et particulièrement la prestation de Michel vont ont permis d’orienter votre doctorat différemment et pour le mieux…
Bonne continuation dans votre projet tout à fait original, passionnant et d’une portée universelle.
Raymond-Louis
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réponse de Pierrot
Tu sais, Raymond-Louis…. monter sur scène fut toujours difficile dans ma carrière parce que je voyais les visages des gens dans la salle et que j’étais trop sensible pour ne pas souffrir avec ceux ou celles qui étaient en détresse profonde (deuil, maladie, dépendance..etc…) … telle est la question dont découle
Mais quand tu m’as demandé.. Pierrot: peux-tu m’aider à réaliser mon rêve? je me suis senti convoqué à plus grand que moi malgré mes flashs la nuit qui m’assaillent encore sous forme de cauchemar
Mais, jusqu’à la dernière minute…je me suis senti surtout aspiré par la très belle chanson de Michel le concierge et je voulais voir des coulisses le visage des gens quand Michel chantait «je te demande pardon»
Tous les matins, à notre conseil d’administration de la créativité, j’assiste à la très grande humanité de cet homme qui chante la condition humaine si humblement et surtout à la dévotion au quotidien qu’il porte à Marlene, son amour œuvre d’art.
J’ai d’abord chanté a capella LA BEAUTÉ DU MONDE avec ma feuille dans ma main… puis je suis resté dans les coulisses.
Et là j’ai vu l’effet Michel Woodard, le même qu’il avait au café St-Vincent il y a presque 50 ans quand je le regardais chanter dans la salle.
JE TE DEMANDE PARDON, je savais , comme toi d’ailleurs, que c’était un hymne humaniste à la condition humaine… mais ce soir-là… grâce à toi, j’ai vu clairement pendant que Michel chantait que le public qui l’applaudissait venait de signer le titre de notre doctorat…
Un homme est venu me voir pour me dire que la chanson de Michel lui faisait devoir de demander pardon à sa femme…
Ce matin.. j’ai dis Mike… TU VIENS DE SIGNER LE MANIFESTE DU PAYS OEUVRE D’ART
Merci Raymond-Louis
tu as vu 2 coups d’avance
Pierrot vagabond
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Dans un clip filmé par Marlene Auld , sa talentueuse compagne depuis 35 ans …Michel Woodard , qui fut un brillant chansonnier-magicien de la iere année des Deux Pierrots, se fait complice aujourd’hui et cela depuis 14 ans maintenant, dans notre équipe de recherche (Auld, Woodard, Rochette) de notre doctorat sur la vie personnelle oeuvre d’art, le pays oeuvre d’art et la nano-citoyenneté-planétaire et dont le titre sera celui de SA CHANSON-MANIFESTE….. JE TE DEMANDE PARDON… qu’il chante ici lors de notre prestation commune au collège Jean-de-Brébeuf … sous la présentation d’un grand rêveur RAYMOND-LOUIS LACQUERRE.
Notre doctorat … JE TE DEMANDE PARDON ….a pour objectif de faire de notre équipe de recherche (Auld, Woodard, Rochette) …. des artistes en résidence à l’institut d’intelligence artificielle du Québec pour créer par le biais de milliards de téléphones cellulaires l’INSTITUTION DE LA NANO-CITOYENNETÉ-PLANÉTAIRE SUR TERRE … ( Sur google …. nano-citoyenneté-planétaire)
RÉSUMÉ DE NOTRE DOCTORAT EN 300 MOTS
JE TE DEMANDE PARDON…, à toi qui, comme des centaines de millions d’enfants-errants-fantomatiques, se meurt, jour après jour, de faim ou de blessures de guerre, et cela, au nom des 193 états hobbiens onusiens qui, sous la féodalité de monarchies nucléaires, font passer la course aux armements, les guerres et les paradis fiscaux avant TON DROIT MULTIVERSIEL à une vie personnelle œuvre d’art par un rêve big-bang.
JE TE DEMANDE PARDON… au nom de notre équipe de recherche (Auld, Woodard, Rochette) qui, depuis plus de 14 ans maintenant, cherche à répondre à la question suivante : AU 21EME SIÈCLE, QUELLE INSTITUTION FAUT-IL INVENTER POUR QUE SUR TERRE, PLUS AUCUN ENFANT NE MEURE DE FAIM OU DE BLESSURES DE GUERRE ?
JE TE DEMANDE PARDON… au nom de notre équipe de recherche (Auld, Woodard, Rochette) qui S’ACHARNE à déployer concrètement L’INVENTION DE LA NANO-CITOYENNETÉ-PLANÉTAIRE, dans le but de contribuer à la déshobbiation de l’O.N.U. Par la mise en algorithme de milliards de téléphones intelligents « wow-t=2.7k? » , si possible avec la complicité de l’institut de l’intelligence artificielle du Québec) , nous validerons politiquement la création d’une cour suprême nano-citoyenne-planétaire composée de deux assemblées des justes (39 femmes et 39 hommes) élues ville par ville et village par village, et cela par tirage au sort, dans le but de représenter incontournablement et éthiquement toi et les centaines de millions d’enfants-errants-fantomatiques qui souffrent de la même criminalité étatique banalisée que toi.
Dans ce doctorat, PAR UNE MÉTHODOLOGIE DES DÉBRIS DE LA MÉMOIRE DU CŒUR (ier chapitre), le premier à te demander pardon sera moi, Pierrot vagabond (2eme chapitre le rêve big bang), puis mon ami et partenaire de recherche Michel le concierge (3eme chapitre la non-tricherie), pour enfin laisser la parole à sa compagne œuvre d’art, Marlene la jardinière (4eme chapitre, ses jardins coups-de-coeur œuvre d’art).
Pourquoi nos trois archétypes hologrammiques veulent-ils tour à tour te demander pardon? Parce que notre équipe de recherche (Auld, Woodard, Rochette) veut parler au cœur de l’humanité (5eme chapitre) et non à sa raison. Par le biais d’une CHANSON – MANIFESTE, nous affirmons que l’invention de la nano-citoyenneté-planétaire doit s’accompagner d’un « JE TE DEMANDE PARDON » , en corollaire de la décision de ne plus tricher par chaque vie-personnelle-œuvre-d’art consacrée à l’ultime question :
COMMENT NOS RÊVES PRENNENT-ILS SOIN DE LA BEAUTÉ DU MONDE? (4eme et dernier chapitre).
Marlene Auld , de notre équipe de recherche (Auld, Woodard, Rochette), qui par sa vocation de créatrice en art de la mode et de pédagogue-enseignante …. prend soin de la beauté du monde …. tout comme sa vie personnelle oeuvre d’art en jardine LE RÊVE EN ACTION ….. avec la même pureté de k-oeur que L’HOMME QUI PLANTAIT DES ARBRES ……. DE GIONO,
2579,
February 3, 2019 Pierrot le Vagabond Chercheur
Quel magnifique conseil d’administration de la créativité nous eûmes ce dimanche matin (Auld, Woodard, Rochette).
Après avoir passé plusieurs années à réfléchir sur deux archétypes hologrammiques (Michel le concierge et Pierrot vagabond), nous voilà maintenant outillés par des concepts théoriques qui nous permettront d’architectoner l’archétype le plus important de nous trois, celui de Marlene la jardinière.
Marlene nous apparaît la démonstration même au quotidien (à l’exemple même de l’homme qui plantait des arbres de Giono) que la création d’un axe entre une personne (Marlene Auld) et son archétype (Marlene la jardinière) libère l’existentiel de son propre poids ontique, créant ainsi un champ constellaire , bruit de fond même d’un rêve big bang comme l’est le 2.7k? pour le multivers.
à suivre…
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Pierre David, et Pierre Rochette, les deux Pierrots sur scène
C’est grâce au talent d’orchestrateur exceptionnel de Robert Ruel, PROPRIÉTAIRE CRÉATEUR DES DEUX PIERROTS …. que la chimie entre nous deux a pu s’harmoniser DÈS LES PREMIERS INSTANTS DE LA FONDATION AU PRINTEMPS 1974 …. dans l’euphorie d’un rêve vécu à trois (Robert, Pierrot David, Pierrot Rochette)
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ROBERT RUEL …. Le plus grand et le ier des TROIS PIERROTS parce que LEUR maître d’oeuvre durant 46 ans , sa tendre compagne LISE et leur passionnée fille MARIE-LOU qui a grandi dans l’âme de notre rêve à nous trois …. (Robert Ruel, Pierrot David et Pierrot Rochette) …. Marie-Lou qui, ces dernières années. a pris talentueusement la relève à la direction artistique au quotidien de la boîte à chansons LES DEUX PIERROTS dans le Vieux Montréal. Sa relation professionnelle avec l’équipe des chansonniers-animateurs fut réellement appréciée de chacune et chacun… bien appuyée par Jean-Marc Lavoie, bras droit d’une infinie loyauté franche des belles années avec Robert… dont je me dois de célébrer ici la personnalité des plus rassembleuses.
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Le roman de Pierre Rochette …..L’ÎLE DE L’ÉTERNITÉ …. retrace la période des boîtes à chansons au Québec à partir du cheminement de l’auteur. ( Claude Demers …… www.demers.qc.ca)
Pierre Rochette
L’ÎLE DE L’ÉTERNITÉ DE L’INSTANT PRÉSENT (PIERRE ROCHETTE)
Chapitre 2 – LE VIEUX MONTRÉAL
l’île de l’éternité de l’instant présent
Je n’avais jamais encore réveillé mon père en pleine nuit. Mais ce gardien des légendes à genoux déclarant son amour, ce canot glissant sur le lac en brume, cette brillance traînant, par après, dans les yeux de tous, enfants comme adultes, tout ça m’avait ébranlée. Ce n’était pas du théâtre. Mais qu’était-ce donc ? C’est au dortoir que je me rendis compte de la magie tournoyant d’un lit à l’autre. Anikouni permettait à ces enfants démunis de s’évader peut-être ? Non, il y avait une autre chose que je ne comprenais pas et qui me rendait follement amoureuse de lui. Une absence présente ou une présence absente, comment dire, comment dire ?
Mon père se leva, enveloppé d’une doudou bleu et jaune et s’installa dans sa berceuse, soutirant quelques bouffées de fumée de sa pipe. Il avait développé avec moi cet art de n’être qu’oreille quand, dans ma bouche, le flot des sentiments ou humeurs devenait trop confus.
Papa, depuis hier soir, je me meurs enfin d’amour.
Je sus par la manière dont il mâchouillait le manche de sa pipe qu’il retenait des larmes de joie. Il aurait voulu me poser mille questions mais…. On n’arrose pas d’eau fraîche une fleur qui a besoin de soleil pour assécher ses craintes. J’ajoutai…
Cet amour me fait souffrir
Vous devez bien vous en douter
Y a des douleurs qui se racontent mal
J’ai trop de passions bouillant en dedans de moi
Pour que je me sente bien de les vivre à la maison
J’aimerais me louer un petit meublé demain
Si vous n’y voyez pas d’inconvénient.
Le ton était malgré moi un peu cassant. Mon père sentit qu’il ne souffrirait aucune contradiction. Quand il se leva pour boire un peu d’eau, je sus qu’il venait d’être touché en plein cœur. C’était sa manière à lui de me dire qu’il était d’accord même s’il aurait aimé que cela se passe autrement entre nous deux. Nous étions tellement différents au niveau des émotions. Lui admirait ceux et celles qui brûlaient de passion à la recherche du sens de leur vie. Mais il préférait pour lui-même le bel immobilisme heureux. Il me baigna d’une sorte de morale grand-père exprimée dans les mots suivants :
Il faut que jeunesse se passe.
Il est probablement bon que la tienne se passe ainsi
N’est-ce pas ?
Papa,
Il est possible que durant les prochains mois
Je vive des choses très difficiles
En mettant de côté le père qui vit en vous,
Y a-t-il des souffrances de vous
Qui pourraient me servir de guide
Si oui
Auriez-vous la bonté
De me les raconter ?
La lecture de l’encyclopédie nous avait permis à mon père, ma mère et moi de développer des formules de politesse du cœur, telle « auriez-vous la bonté de… » Quand mon père tombait amoureux d’un nouveau mot,, il en parlait pendant au moins une semaine. C’est ainsi que, dans notre vocabulaire familial, le mot « pitié » fut remplacé par « compassion », « bonheur » par « équanimité », « charité » par « bienveillance », « angoisse » par « abandon » et « obligeance » par « bonté ».
Papa, lui redis-je
Auriez-vous la bonté de me raconter
Vos souffrances ?
Il savait, je pense, qu’en reprenant ses propres formules, je retraverserais à l’envers le pont délicieux du cœur que lui-même avait construit entre nous deux, au fil du cœur des années de nous deux. De toute ma vie, je n’avais jamais vu une seule larme couler sur son visage. De fait je ne l’avais jamais vu souffrir ne fusse une seule fois. Alors personne ne m’avait enseigné la souffrance et j’avais si peur d’aller seule à sa rencontre.
Deux larmes lentes, rares, solides refusèrent de céder entre ses paupières.
Ce n’est pas parce qu’un père
Se retire discrètement devant la vie privée de sa fille
Que l’homme en lui
Se sent prêt à assumer son dire.
Il me dit simplement en signe de bénédiction paternelle
Heureux qui comme Ulysse a fait un beau voyage
Bon voyage amoureux ma fille
Cette phrase avait une réelle signification pour nous deux. Dernièrement, nous en avions discuté âprement. Imprudemment, j’avais avancé l’hypothèse qu’une si belle manière de dire ne pouvait provenir que de l’Odyssée d’Homère. Mon père, en chercheur assoiffé, parcourut l’encyclopédie et découvrit à la page 585 du livre dix de Larousse que de fait, cette phrase provenait du premier vers du sonnet XXX ! des Regrets du poète Du Bellay, peignant ainsi la nostalgie du pays natal. Le lendemain matin, je retrouvai donc l’explication écrite sur le tableau noir de mon enfance. Moi qui m’étais toujours demandé comment on pouvait faire un si beau voyage à traverser de si pénibles aventures, comme le racontait l’iliade, je venais d’avoir une hypothèse de réponse. Le voyage atteint sa beauté quand on a la chance de retourner au pays natal pour y mourir en paix entouré de ceux qu’on aime.
Donc mon père me signifiait surtout qu’il serait là à chacun de mes retours. Mais curieusement, la logique du propos me conduisit à lui poser une question fondamentale :
Papa
Vous ne m’avez jamais parlé
De votre pays natal ?
Je me rappelle, nous étions en train de dîner. Ma mère avait baissé les yeux et mon père, prétextant un retard, m’avait passé la main autour du visage pour que le silence soit moins difficile à accepter. Se pouvait-il que son pays natal n’eût été que celui de la souffrance ? Et qu’il n’y a aucun Ulysse qui retourne finir ses jours dans des lieux qui lui ont fait trop mal ?
Cette question n’avait jamais été réglée entre nous. Elle succédait donc à mes demandes d’auriez-vous la bonté de…. Jusque dans le fond de la pupille de mes yeux. Que j’aurais aimé qu’il se dévoile cette nuit-là, qu’il brise à jamais notre bulle de conte de fées. II me serra bien fort dans ses bras, me signifiant par cela qu’on ne demande pas à un conteur de souffler sur la seule chose qui fut magique dans sa vie, son château de cartes. Et nous retournâmes nous coucher.
Au réveil par contre, ce ne fut pas la même histoire avec ma mère :
On n’abandonne pas son cœur à un pur inconnu
On se renseigne un peu avant,
Miel
Ne m’appelle plus Miel
Maman
Plus jamais Miel entends-tu ?
Je fus surprise moi-même de ma colère. Plus la sienne montait de me voir rompre toute amarre, plus la mienne l’enterrait à coups de hache contre l’anneau du quai. Cette tension soudaine, entre nous, nous étonna toutes les deux. D’autant plus que nous avions cultivé, en famille, l’éducation que donne la beauté des mots quand on est passionné de la langue française.
Je t’interdis de lever le ton dans cette maison, répliqua ma mère.
Et moi je t’interdis de me traiter comme une enfant osai-je
On ne parle pas comme ça à sa mère.
On ne cherche pas à écraser sa fille de vingt et un ans.
Moi je cherche à t’écraser ? Mais tu perds la tête, Miel
Mon nom c’est Marie, Marie Gascon
Terminée l’enfance.
Puis si ça ne fait pas ton affaire…
Et je lui fis un doigt d’honneur qui me mérita une gifle. J’atteignis la limite du vulgaire. Au moins le mot défendu beaucoup plus pour la laideur que pour son côté provocateur, n’avait pas été prononcé. Et je me retins, je crois, juste par respect pour cette douceur de vivre que la lecture de l’encyclopédie nous avait permis durant toutes ces années, mon père insistant pour que le miel des mots parfume le palais du dire quand on ouvre la bouche.
Je faillis cependant lui sauter dessus. Mais je me rappelai que tout Ulysse pour faire un beau voyage doit pouvoir un jour retourner au pays de son enfance. Ma mère s’enferma dans sa chambre. Je remplis l’automobile de mes effets et partis avec l’impulsion colérique de ne plus jamais donner de nouvelles. Je venais de passer de vingt et un ans à dix-sept ans tout d’un coup. On ne saute pas d’étape dans la vie, je venais de m’en rendre compte pour la première fois, cassant le pot de Perrette, telle une vraie adolescente, pour que le lait réintègre le sein maternel.
Tout ce que je savais de mon coup de foudre, c’est que ce gardien des légendes chantait dans le Vieux Montréal, au café Saint-Vincent, sous le nom d’artiste de Renaud. Robert, le directeur du camp, l’avait engagé sous la recommandation d’Isabelle, éducatrice au camp Ste-Rose.
Je n’avais jamais entendu parler de la boîte à chanson le St-Vincent. J’avais conservé un article de journal mentionnant que, depuis l’Expo 67 de Montréal, toutes les boîtes artisanales où se produisaient ceux qui composaient leurs propres chansons et qu’on appelait chansonniers étaient tombées en désuétude à travers le Québec.
Parmi les plus connues : Le Cro-Magnon à Québec, le Grenier à St-Jean, L’Épave à Jonquière, l’Escale à Granby, l’Étrave à Percé, le Funambule à Chicoutimi, le Hibou à Hull, le Garage à St-Donat, le Pigeonnier à Côte St-Paul, le Pirate à St-Fabien, le Rakakas à St-Hyacinthhe, le Rupin-Noir à Trois-Rivières, le Sagittaire à Rouyn, le Tombeau à Berthierville, les Varveaux dans le Bas du Fleuve, l’Astrid aux Îles de la Madeleine…
Ne restait guère que les deux plus anciennes : la Butte à Mathieu à Val-David dans les Laurentides et le Patriote de Montréal. Je fréquentais le Patriote sur une base régulière, au milieu d’un noyau dur de féministes qui adoraient Clémence Desrochers créant et produisant ses revues à titre de locataire du deuxième étage. Mais le café St-Vincent du Vieux Montréal n’avait jamais été mentionné comme faisant partie du circuit. Comment on sait qu’on se retrouve dans un lieu où un jour, très bientôt, l’instant présent sera magique ? Une impression de marcher temporairement dans une matrice, je crois, d’un quelque chose à la veille de naître. Un parfum de contre-culture d’où est en train de surgir, à son insu, une nouvelle mode qui déferlera dans presque toutes les villes et villages du Québec sur une période de dix ans. Mais quand même, on sent qu’il se passe quelque chose…
Nous sommes le 30 juin 1973 vers 10 heures du soir. Tout est à louer dans une maison de la rue St-Paul. Étrange. Je me réserve une chambre. Je descends la rue Notre-Dame, ne rencontre personne. J’arrive à la Place Jacques-Cartier…. Quelques touristes. Je passe par la ruelle des peintres. Tous les artistes sont là grelottants un peu en cette soirée fraîche mais pas d’acheteurs pour leurs œuvres. De fait, je me dirige à l’oreille parce que j’entends chanter au loin… Au bout de la ruelle des peintres, deux portes de garage ouvertes…. J’approche…. Un chanteur sur un tabouret, guitare à la main, micro rudimentaire à la voix. La trentaine de personnes présentes reprennent en chœur chaque phrase de la chanson. Je suis bouleversée. Ici on ne chante pas, on vit tous la même chose à travers un chant qui aurait pu être n’importe lequel. Ce n’est pas comme au Patriote. Il n’y a pas un artiste en avant qui chante et un public qui écoute. Non, j’ai la sensation d’être partie prenante de quelque chose d’unique que je ne peux identifier, même si je suis la seule, à l’extérieur, les deux bras appuyés contre le bac de fleurs de la fenêtre ouverte des portes du garage.
Chanteur
Sur la rue du palais
Salle sur la rue du palais
Chanteur
Y a une bien belle fille lon la
Salle Y a une bien belle fille
Elle a tant d’amoureux (bis)
Qui lui donneraient la lune lon la
Qui lui donneraient la lune
C’est un p’tit québécois (bis)
Qui eut sa préférence lon la
Qui eut sa préférence
On dirait que chaque mot chanté plonge dans mes racines au plus profond de mes frissons de vivre et je nage en moi-même en chantonnant moi aussi, heureuse, si heureuse.
C’est en faisant l’amour (bis)
Qu’il parlât de mariage lon la
Qu’il parlât de mariage.
Marie si tu voulais (bis)
On habiterait ensemble lon la
On habiterait ensemble.
Je m’appelle Marie. Et Renaud qui m’aperçoit au moment même où il prononce mon prénom sans se douter que c’est exactement le mien. Il semble ne pas me reconnaître, mais que c’est délicieux d’être tous canotés par le même refrain, sans prétention, sans apparence, que de la magie dont je ne peux saisir la nature.
Un grand petit pays (bis)
Trois fois plus grand que la France lon la
Trois fois plus grand que la France
Aux quatre coins du pays (bis)
Quatre phares sur le monde lon la
Quatre phares sur le monde
Au cœur de ce pays (bis)
La terre est si profonde lon la
La terre est si profonde
Tous les Tremblay les Roy
Les Gagnon les Dubois
Pourraient y boire ensemble lon la
Pourraient y boire ensemble
Et nous ferions l’amour (bis)
Des savants des poètes lon la
Du beau monde
Et des fê…tes.
Et l’on applaudit comme je n’ai jamais entendu applaudir auparavant, comme si le monde se félicitait de vivre tant de magie avec presque rien, le chanteur n’y étant d’ailleurs pour presque rien. On aurait dit l’atmosphère des peintures de Renoir… des impressions… à la fois fugace et….
Une femme vint finalement me chercher. Elle se présenta à moi comme étant la propriétaire, Madame Martin. Elle me raconta, en riant, que le lieu fut jadis un salon funéraire et qu’on y chantait d’abord pour faire danser les morts, pour pas qu’on oublie de vivre pendant qu’on est encore vivant. Elle ajouta avec fierté qu’elle était la compagne du grand poète Paul Gouin et qu’ils vivaient ensemble au troisième étage, juste au-dessus des vivants et juste en dessous des morts.
Vous êtes mieux d’entrer en dedans ma belle
Le soir les morts se promènent dehors.
Nous passâmes à travers les tables. Elle me présenta à tous et chacun. J’aimais sa façon d’orchestrer l’atmosphère de son univers, avec fermeté et tendresse. Elle demanda à la bande de Clermont de se tasser un peu pour que je me sente bien accueillie à ma première visite dans le Vieux-Montréal.
Cette petite fille-là est toute seule
Prenez-en soin parce que vous allez
Avoir affaire à moi
Ma bande de maquereaux et de pucelles
Jamais je n’oublierai Clermont. Bandeau sur la tête pour cacher une calvitie précoce, barbe généreuse, il carburait à l’amitié. Il avait obtenu le privilège d’être toujours assis à la même table, sur la même chaise, entouré de ses amis. C’était un homosexuel discret et chaleureux qui adorait le monde des animateurs-chansonniers comme il les appelait pour les différencier de leurs aînés compositeurs de la première génération des boîtes à chanson, soit les Félix Leclerc, Pierre Calvé, Jean-Pierre Ferland, Claude Léveillée, Claude Gauthier, Pierre Létourneau, Gilles Vigneault et Raymond Lévesque. Pour ne mentionner que les plus connus.
Clermont me raconta que Madame Martin avait imaginé une formule qui lui plaisait beaucoup. Trois animateurs-chansonniers se succédaient sur la petite scène, chantant des chansons de répertoire dont la fonction première consistait d’abord à permettre à tout le monde de fredonner ensemble comme si on était autour d’un feu de camp. On pouvait réentendre cinq fois pendant la même soirée « Mon vieux François de Laurence Lepage », « au chant de l’alouette des Karrick», ou « le petit bonheur » de Felix Leclerc, en autant que cela permette à chacun de brûler sa branche d’arbre dans le feu de leur joie de vivre.
Un nouvel artiste monta sur le tréteau. Petit de taille, à peine grassouillet, il m’apparaissait venu de nulle part et s’en allant nulle part. Clermont me dit :
Il s’appelle René Robitaille
Il y a tellement de légendes qui courent sur sa bohème
Le genre à vendre sa télévision et son système de son
Pour s’acheter un billet aller-retour Montréal-Paris
Juste pour aller entendre chanter Georges Brassens
Jamais saoul mais toujours entre deux cognacs
Il chante avec un détachement qui nous donne tous
La sensation d’être poètes.
C’est ainsi que j’appris que Clermont avait été le premier client lorsque la mère Martin avait décidé d’ouvrir. Et qu’il n’avait jamais manqué un seul soir, juste pour le bonheur de vivre ce qu’un jour, selon lui, tout le Québec connaîtrait à son tour. Une bohème se saoulant dans ses racines.
Ceux qui chantent ici, me confia-t-il
Composent juste quand ça déborde
Y en pas un qui travaille
Pas un qui sait ses chansons par cœur
Ils ont tous des cahiers
Quand ils chantent une de leurs chansons
C’est toujours la même
Parce que c’est la seule
Qui parle vraiment de leur vie entière.
René entonna d’ailleurs les deux seuls classiques de son ami Lawrence Lepage : « Monsieur Marcoux Labonté et « mon vieux François » puis celle de son frère Cyrille « Marie-Lou », puis celle de son ami Georges Langford des Îles de la Madeleine « La butte » Et soudain les cris surgirent de partout :
Le gros Bob d’a coté
Le gros Bob d’a côté
Et René de répondre Comme c’est la seule chanson que j’ai écrite
Je vais peut-être la chanter
Mais ça me prend mon cognac.
Trois autres cognacs arrivèrent sur la scène. Il les cala un après l’autre en faisant lever le coude à tout le monde. Puis, après avoir pris une éternité pour accorder sa guitare, d’ailleurs encore plus fausse qu’au début de l’opération, il s’enferma dans un grand silence de gars qui a soif.
Je m’en vais vous chanter…
La seule composition que je me rappelle
Quand je suis saoul….
Les rires fusèrent de partout.
Mais là il me semble que je ne suis pas encore assez saoul
Je risque d’oublier des paroles.
Trois autres cognacs arrivèrent sur la scène. Il cala à nouveau, raccorda sa guitare, faisant monter la tension. Mais comme c’était un rituel qu’il se plaisait à répéter de soir en soir, on en était parfois rendu à lui envoyer les cognacs avant qu’il ne les demande. Et René finalement de dire :
VOICI LA SEULE CHANSON
DONT JE ME RAPPELLE LES PAROLES
JUSTE QUAND JE SUIS SAOUL
LE GROS BOB D’A COTE
J’te vois r’venir chez nous…..par la porte d’en avant
Tu sonnes et je t’ouvre………pis j’descends lentement
Je te prends dans mes bras…..on remonte lentement
On ose pas parler…………….on en a trop à dire
REFRAIN
Si j’avais su t’aurais pu me dire que tu t’en venais souper
T’avais rien qu’à téléphoner chez l’gros Bob d’à côté
Y s’rait v’nu dans maison, y m’aurait dit bonhomme
Bonhomme vient donc répondre, y a quelqu’un là pour toé
De mon châssis chez nous……j’vois la porte d,en avant
Pour te voir arriver…………….c’est là que j’m’installais
Ce matin dans mon rêve………ce matin je croyais
Que tu me revenais……………que tu me revenais
REFRAIN FINAL
A toutes les fois qu’j’entends sonner chez l’gros Bob d’à côté
J’pense que c’est toé, j’pense que c’est pour moé
J’vas aller prendre une bière… Chez l’gros Bob d’à côté
Les applaudissements rejaillirent du bar à la scène. Trois autres cognacs retraversèrent la salle pour que René la rejouât et la rejoue immédiatement. Je demandai à Clermont qui était à côté de Renaud, debout à l’entrée des toilettes »
C’est le troisième chansonnier de la soirée
Le barbu
Marcel Picard
Tellement amoureux de la vie
Qu’il n’a qu’à gratter de sa guitare
Avec un rythme lent incomparable les copains d’abord de Brassens
Pour que la salle se lève debout en transe
Il est le seul à réussir cela.
Ne jamais bouger
Et que tout soit survolté devant lui.
C’est ainsi que le temps fila jusqu’à deux heures trente du matin. Renaud, le dernier à monter sur la scène, annonça la chanson finale de la soirée.
De Jean-Pierre Ferland
Les Immortelles
Vous avez nom que je voudrais, pour ma maîtresse
Vous avez nom que les amours devraient connaître
Mais elles vivront ce que vivent les roses
L’espace d’un vous savez quoi
Ne s’appelleront jamais immortelles
Ne seront jamais qu’un feu de joie.
Je me sentis exactement comme le modèle nu étendu sur le velours rouge pendant que le peintre Modigliani la peignait. Le corps gorgé de sensualité, le ventre gémissant d’espoir du jaillissement de sa verge entre mes reins tendus dans une union intime et parfaitement fondue de deux êtres amoureux.
Vous avez nom que je voudrais
Pour ma maîtres…es…se
La soirée prit fin sur une note veloutée de bohème attardée. Renaud déposa sa guitare dans son étui, serra son cahier dans sa valise, éteignit l’amplificateur.
La mère Martin, comme tous la surnommaient affectueusement, m’offrit un dernier cognac, comme pour me signifier qu’elle m’avait adoptée. Mais n’était-ce pas là son immense talent de tenancière qui faisait que chaque nouveau venu trouvait en ses lieux une famille et une mère de famille ? Lorsqu’elle apprit que je vivais dans une des petites chambres de la rue St-Paul, elle cria pour qu’on l’entende de loin :
Renaud., raccompagne la petite en passant
Y a pas de lumière dans ce coin-là
Elle ajouta aussi en parlant assez fort pour que Renaud l’entende : N’oublie pas de te faire respecter ma fille
Mes animateurs-chansonniers
Ce sont des ben bons gars
Trop bons pour que je n’avertisse pas mes filles
Qu’ils ont bien des manières d’être bons avec elles.
Étonnamment, il n’avait pas fait le lien entre ma personne et le camp Ste-Rose. Faut dire qu’il faisait si noir sous le vacillement des chandelles et que mon chapeau de paille masquait probablement beaucoup plus ma chevelure. Nous descendîmes la rue St-Paul en échangeant très peu de mots :
Je m’appelle Renaud, toi ?
Marie
Ça fait longtemps que t’habites dans le coin ?
Je suis arrivée cette semaine
Tu vis en chambre ?
Oui, pas loin d’ici«
Tu n’as pas peur toute seule ?
Pas ce soir en tout cas.
Nous passâmes devant le restaurant du Père Leduc, ouvert jour et nuit. Les deux hommes se saluèrent. Puis nous marchâmes jusqu’au bout de la rue St-Paul. À droite nichait le café du port, mais nous bifurquâmes plutôt vers la gauche. Sous le pont de la rue Berri, qu’on avait toujours surnommé le pont des malheurs, Renaud me récita un de ses poèmes :
SOUS LE PONT DES MALHEURS
Et si ton corps était un beau ruisseau
Il coulerait lentement le long de la rue Berri
Se faufilant pour s’arrêter soudain, transi comme un voleur
Là ou gît la rue Notre Dame qui ne laisse passer
Que les poètes et les femmes
Passe, Passe, petit ruisseau… te dirait-elle,
Les créateurs ont faim
Ils t’attendent.
Donne-leur ton eau, de l’autre côté dans un tout petit café
Mystérieux, peu connu et c’est tant mieux
Pour les folies des amoureux
Petit ruisseau
Quand mes amis auront bien bu
Ils te jetteront ensuite dans le fleuve, heureuse,
Comme une vierge assouvie gémissant dans l’éternité
L’étrange décor du café du port.
La musique des mots fit de moi une belle au bois dormant, comme la princesse endormie dans les contes de mon père. Je sentis sa bouche approcher de mes lèvres. De mes deux mains, je fis reculer son visage. Puisqu’il m’avait déclaré son amour en Anikouni et qu’il ne m’avait même pas reconnue en Renaud, comment pouvais-je lui faire confiance ?
J’ai déjà rencontré l’homme de ma vie
Lui murmurai-je en le regardant droit dans les yeux
Il pencha la tête de résignation, sans dire un mot. Nous continuâmes notre chemin silencieusement. Rendus à la porte de ma maison de chambres, Renaud me dit en ricanant :
Cela veut dire qu’il faut oublier le café ?
Non mais deux verres d’eau et une chandelle par terre
Ça pourrait faire oublier le café ?
Cela le surprit. J’adorais mettre mon intelligence à la disposition de mes émotions, de ma sensibilité et de mon intuition. Improviser ma vie par compulsion m’avait toujours paru aussi talentueux que pouvaient l’être les personnages des meilleurs romans : Oser, sauter les temps non nécessaires à l’adrénaline de vivre, improviser, provoquer, besoin terrible de provoquer quitte à reculer.
Je servis les deux verres d’eau, allumai la chandelle, me couvrit d’un châle pour cacher la pointe de mes mamelons trop assoiffés de ses lèvres, couvrir la chair au-dessus de mon cœur trop à la recherche de ses bras.
Cela te fait quoi de mourir d’amour
Pour un homme, me lanca-t-il ?
Touchée, j’étais touchée, comme un bateau qui en pleine guerre reçoit une première torpille d’un sous-marin ennemi, les flancs soudain ouverts d’un désespoir innommable.
Es-tu déjà mort d’amour pour une fille ? Répliquai-je.
Le sous-marin replongea aussitôt en lui-même, de stupeur, je crois.
Deux fois, avoua-t-il.
Deux fois
Et je crus réussir en une seule phrase, à obtenir de Renaud ce que mon père avait toujours refusé de m’accorder : La confidence d’une vraie souffrance d’homme et non la magie d’une force imaginaire d’un héros des contes de mon enfance. Mais plus il racontait, plus je voyais dans ses yeux la reconnaissance qu’un tel moment d’instant présent fut possible sur cette terre. Et Renaud s’abandonna à son dire. Et j’en fus séduite, ayant été si assoiffée des mots toute ma vie.
« Elle s’appelait Lola, dit-il. C’était une fille d’une grande théâtralité dans sa bisexualité. Quand elle arrivait au St-Vincent, habillée en homme, elle paraissait en habit, chapeau, cravate et cigare. Les samedis soir, d’un seul regard, elle arrivait à déceler dans la foule laquelle parmi les filles avait des penchants lesbiens. En quelques heures, elle réussissait à harponner sa proie, partir à son bras pour en déguster les fruits durant la nuit. Par contre, quand elle se présentait habillée en femme, je ne connais pas d’homme solitaire et libre qui n’ait tenté, à un moment donné, de la séduire. Mais elle refusait de partir avec quiconque tout en appréciant cette cour désespérée de mâles quelquefois talentueux. »
Renaud ferma les yeux d’extase, je crois, comme on goûte et goûte encore et encore, juste par mémoire olfactive, un vin d’un cru si rare qu’il n’en vint jamais un autre de cette qualité.
Un soir, à minuit exactement
Elle apparut drapée d’une jupe magnifique
S’assit devant moi
Jambes toutes en poésie …. espacées
Exprimant toute la palette de ses sens
Ma voix vibrait à sa chair
Comme sa chair caressait les sons du fond de ma gorge
Il n’y avait que nous deux
Nos deux corps explosés en mille étincelles
À la fin
Elle se leva
Glissa un papier entre ma poitrine et ma guitare…
Et s’enfuit…
C’était son adresse.
Je courus chez elle
Elle m’attendait nue sous une robe de chambre
Dans une chaise berçante.
Je l’ai aimée tendrement
Avec la même musique
Qui a toujours modulé ma voix
Nous n’avons pas dit un mot
Une autre fille dormait dans sa chambre
Je suis reparti
Chacun des soirs qui suivirent sur la scène
Je me demandai :
Viendra-t-elle en homme ou en femme
Un soir
Elle s’est présentée en homme
Vécu un coup de foudre avec une nouvelle cliente
Et repartit avec elle.
Je n’ai jamais revu ni l’une, ni l’autre.
Je suis finalement retourné à l’appartement
Elle avait déménagé sans laisser d’adresse.
Ce moment unique me laissa dans l’âme
Un parfum incomparable d’infinité
Qui ne m’a depuis jamais quitté.
Plus Renaud racontait, plus j’étais odieusement jalouse intérieurement. Non seulement ne m’avait-il pas encore reconnue alors qu’il avait demandé ma main au camp Ste-Rose, mais il me semblait que je ne pourrais jamais égaler la signature de cette femme en ses sens.
Est-ce possible de mourir d’amour
Une deuxième fois lui demandai-je soudain ?
On devrait mourir à chaque fois me répondit-il. Je ne meurs que dans les bras de celles que j’appelle les bouleversantes ou les fascinantes, à l’intelligence presque géniale, aux bouches tristes avec des yeux qui n’en finissent pas de jouir de l’instant présent, uniquement l’instant présent. Au mois de mars de cette année, lorsque je sortis mon livre de poésie, une grande fille, immensément grande s’approcha de ma scène et me dit, ses yeux envoûtant les miens :
Renaud
Mon mari m’a offert ton livre de poèmes en voyage de noces
Comme il est en tournée d’affaires à travers le monde
Je suis venue réaliser un fantasme ;
Que tu me récites tes textes dans un endroit romantique.
Elle avait été modèle nu à l’Ecole des Beaux-arts de Montréal… Je l’emmenai sous le pont des malheurs, puis au café du port. Jean Marcoux, le joueur de violon, propriétaire, nous prêta sa chambre. Sous la poésie de mes lèvres, elle se rythma de la symphonie de ses doigts, avec une flambée de douceurs comme seuls les mots savent s’incliner devant les sens.
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LE BAL DU VIEUX MONTREAL (p.8)
tirée du livre de poésie, (Pierre Rochette chante le Vieux-Montréal)
Dominique au regard amoureux
qui vendait des bouquets pour les vieux
un poète est venu, Dominique est perdue
perdue dans le bal de la rue
un poète qui buvait sa raison
s’assoyait et vendait ses ballons
Dominique est venue, le poète est perdu
perdu dans le bal de la rue
REFRAIN
l’accordéon qui mélange les saisons
les entraîne dans un grand tourbillon
il lui crie ”viens danser”
viens tourner comme la vie
nous volerons toute la nuit
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et les vieux qui volaient les bouquets
les enfants les ballons s’amusaient
Dominique est si belle
le poète est perdu
dans les bras d’mademoiselle de la rue
Dominique avait beaucoup rêvé
la nuit comme les fleurs s’étaient fanées
le poète est perdu, Dominique est partie
car il n’y a plus de bal dans la rue
REFRAIN FINAL
l’accordéon mélangeait les saisons
entraînait dans un grand tourbillon
il criait viens danser
viens tourner comme la vie
dans le bal du Vieux-Montréal
écrit lors de la Saint-Jean
24 juin 1973.
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Les ruelles du Vieux Montréal accueillirent amant et amante, furieusement passionnés de la poésie de vivre l’instant présent. Puis un jour ce modèle nu me dit :
Merci de la belle vie de jeunesse
Vécue en ta compagnie
Je suis maintenant prête
À me consacrer à mon mari.
Et à fonder une famille
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Je ne la revis plus elle non plus.
Le silence surgit soudain entre nous coloré d’une jalousie subite de ma part. Je pris la chance de chanter :
Zum galli galli galli zum Galli zum
Non…. La princesse du camp Ste-Rose, dit-il estomaqué
Comme pour se faire pardonner, il sortit sa guitare et chanta :
Parle-moi, parle-moi, j’ai besoin de tendresse
Il n’en reste pas beaucoup, dans ce monde un peu fou
Ne m’en veut pas, ne rit pas
Je suis homme et enfant
Parle-moi, parle-moi
Doucement et longtemps
Renaud arrêta de chanter au beau milieu de la chanson, comme si tout avait été dit entre nous deux.
C’est magnifique lui soufflai-je
On dirait que c’est le plus beau de toi-même
que tu viens de m’offrir.
Il serra l’instrument dans son étui, se leva et juste avant de quitter me dit :
Il y a deux ans
à l’Eglise,
On a entonné cette chanson
Lorsque je me suis marié
Il sortit comme un vagabond étonné d’avoir commis une erreur dans sa vie, fasciné par le fait qu’une méprise représentât un bien mince prix à payer pour vivre d’instants en instants comme on chante les yeux dans un cahier pour mieux canoter le long de la rivière des mots.
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L’homme derrière le vagabond… Par Daniel Deslauriers
Fou ou génie? Une chose est sûre : ce vagabond-poète ne laisse personne indifférent. Son parcours de vie est à l’image des routes qu’il arpente jour et nuit : tortueux et imprévisible. Originaire de La Tuque, il a grandi à quelques rues du grand Félix Leclerc. « Mon père a été le premier, au Canada, à ouvrir une station de télévision communautaire dans les années ‘60 », explique cet ermite des routes. L’expérience a mal tourné. Ruiné et sans le sou, il confie son fils aux frères du Collège Jean de Brébeuf à Montréal. « Je peux me vanter d’avoir été le seul pauvre à étudier dans ce collège en échange d’un peu de travail », ditil avec un grand rire. Plus tard, il enseignera la philosophie au Conservatoire de musique de Montréal avant de se consacrer corps et âme à la musique. Il fonde le groupe Les Contretemps, puis ouvre la boîte Les Deux Pierrot dans le VieuxMontréal et chante un peu partout dans le monde (Afrique, Allemagne, France et Japon). « Je n’ai jamais manqué de travail », précise Pierre Rochette avec une certaine fierté. Libre comme l’air Mais, l’appel de la liberté le tenaille sans cesse. Et puis, à l’aube de ses 50 ans, en plein spectacle et au beau milieu d’une chanson de Jacques Brel, il quitte la petite scène de l’Auberge La Calèche à SainteAgathedesMonts en disant : Tabarnack, laissez-moi partir! « Il nous restait encore trois ans de contrat », explique l’imprévisible Pierrot. « Je ne suis jamais remonté sur scène. » Son partenaire de scène, Denis Lamarre, ne lui en veut pas. Ensemble, ils ont fait plus de 3 000 spectacles au Québec et chanté devant plus d’un million de spectateurs pendant les 18 ans de leur association. « Pierrot est un homme sans attaches », dit-il. « Il a toujours insistépour serrer la main de tous les spectateurs présents. C’est un homme généreux, tourné vers les autres, mais qui veut rester libre dans toutes les facettes de sa vie. » Il donne ensuite sa maison, ferme ses comptes de banque et distribue tout son argent. Il laisse derrière lui ses trois enfants, issus de trois unions différentes, et bon nombre d’amis dans son village d’adoption, ValDavid, où il a été conseiller municipal avant de faire la chasse aux gourous (Médecins du Ciel) dans une saga qui a alimenté les médias pendant plusieurs mois en 1995. Assoiffé de connaissances « J’ai quitté la maison en laissant la porte ouverte avec, comme seules possessions, les vêtements que je portais et ma vieille guitare Yamaha. » Il s’enferme ensuite, sept jours sur sept, dans une bibliothèque de Victoriaville pour « raffiner sa culture générale » et « trouver sa place dans la littérature mondiale. » Assoiffé de connaissances, il lit régulièrement une dizaine de livres en même temps en commençant toujours par la fin. Avec une maîtrise sur le rire en poche, il prépare maintenant un doctorat en intelligence collective. Le squatter, qui sommeille en lui, s’installe ensuite au soussol d’une librairie alternative de cette ville. Entouré de livres, il dort sur une table. Il termine alors l’écriture du premier tome (Monsieur 2.7K) de sa trilogie. Son œuvre compte plus de 3 000 pages. Depuis quelques jours, ce premier tome est disponible gratuitement sur le web à l’adresse qui apparaît plus bas. « Je suis un homme choyé. J’ai eu de bons parents et de bons partenaires de spectacle. Il insiste pour parler de son partenaire actuel, Michel Woodard, un vieil ami chansonnier qu’il a retrouvé après 35 ans de silence. Avec lui et sa conjointe Marlene Hall, ils ont décidé de réseauter tous les « rêveurs équitables » de la planète et organisent, de façon ponctuelle, des rencontres avec le public. Un site internet a été créé dans cette foulée ( www.reveursequitables.com). Vignette (Photo Pierre Rochette 3) Pierre Rochette : l’artiste et le vagabond sont indissociables.
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Pierre Rochette : l’ermite des routes allume les cœurs Par Daniel Deslauriers
Depuis trois ans, Pierre Rochette pourchasse les rêveurs partout où il passe. « Je suis comme l’allumeur de réverbères du Petit Prince », ditil. « J’allume la flamme enfouie dans le cœur des gens que je rencontre en les incitant à vivre leur rêve. Je vais là où il y a des rêveurs. Chaque fois que je rencontre quelqu’un, je lui demande : connaistu quelque part un grand rêveur? » Pour cet homme à l’allure singulière, chaque humain possède en lui une petite bougie qui mérite d’être allumée et nourrie. Par peur ou par conformisme bien souvent, les gens passent à côté d’expériences merveilleuses, selon lui. « Je suis assoiffé de contribuer à une nouvelle vision : un pays « œuvre d’art » où chaque citoyen, en rêveur équitable, prend soin de la vie privée de l’autre sans intérêt personnel caché. Imaginez la fête quand toutes ces chandelles illumineront le pays. » Tournant décisif Il n’a fallu qu’un seul regard, un simple sourire, pour le convaincre de tout abandonner encore une fois et de prendre la route. « Complètement édentée, c’est probablement l’une des femmes les plus laides que j’ai rencontrées, mais il y avait plus d’amour dans ce regard que dans tout ce que j’avais pu écrire. » De là est née l’idée de faire le tour du Québec à pied pour écouter les gens et les aider à réaliser leur rêve. Avec son bâton de pèlerin, sa vieille guitare et son sac à dos, le vieil homme à la barbe blanche a traversé le Québec plusieurs fois. Il a dormi sous des ponts, dans des fossés et sur des congélateurs. Il mange quand il le peut sans demander quoi que ce soit. « Je me nourris de toutes ces rencontres avec ces milliers de gens qui partagent leur histoire avec moi », ditil. « Un jour, j’ai rencontré un homme qui sautillait sur place et agitait les bras comme un fou. Je lui ai demandé pourquoi il bougeait sans arrêt et quel était son rêve. Il m’a répondu : je veux faire un métier qui va me permettre de bouger sans cesse. Je l’ai croisé à nouveau sur ma route, peu de temps après, il était devenu éboueur. Quel beau métier pour cet homme qui avait un rêve. » Documentaire Cette aventure a inspiré la production d’un documentaire de 50 minutes (voir démo au www.enracontantpierrot.blogspot.com). Avec des moyens de fortune, deux jeunes finissantes en journalisme de l’Université de Montréal, Véronique Leduc et Geneviève Vézina Montplaisir, l’ont suivi sur la route pendant deux ans. « Je l’ai rencontré par hasard en octobre 2007. Il avait dormi sur la galerie de la salle de spectacle de mon copain à Lavaltrie », explique Véronique Leduc. Au début, je l’ai trouvé bizarre. On a jasé un peu, puis il a sorti sa guitare. J’ai été captivé par son histoire et l’idée d’un documentaire a germé tout de suite. » « Bien sûr, Pierrot ne fait pas l’unanimité auprès de tout le monde », explique Véronique. « Son choix de vie, c’est un peu égoïste dans un sens, mais, en même temps, il est tellement tourné vers les autres. C’est un personnage très attachant. » Présenté en avantpremière au théâtre Le Patriote de SainteAgathe desMonts le 30 octobre, Pierrot : Le dernier homme libre s’amène au Café Qui fait quoi du 3428, rue StDenis, à Montréal le 4 décembre à 20 heures (entrée 10$). « À 61 ans, je suis hanté par le succès de ces filles. En même temps, je suis complètement déstabilisé parce que le film porte sur moi. J’ai besoin que la salle soit pleine, pour elles, mais j’aimerais aussi m’enfouir 10 pieds sous terre, par trop de fragilité. » Au service des autres Son aventure lui a inspiré plus d’une centaine de chansons depuis le début de son vagabondage. « Je me suis inspiré de la vie de tous ces gens que j’ai rencontrés au fil de mon voyage. » Pierrot le vagabond est formel : la souffrance est nécessaire pour remplir son coffre à outils. Plus on souffre et plus notre coffre à outils s’enrichit. « C’est aussi le message que je veux transmettre. En fait, si j’ai une seule crainte, c’est celle de ne pas avoir assez servi. Je ne suis pas libre parce que je travaille. Dans les épreuves comme dans l’abondance, il faut s’occuper du rêve des autres. » Et puis d’un seul trait, après deux heures d’entrevue, Pierrot range sa guitare et ses souvenirs. « Je dois reprendre la route », ditil sans prévenir. « Il y a d’autres rêveurs qui attendent… » Vignette (Photo Pierre Rochette 1 ou 2) Pierrot le vagabond arpente les routes du Québec depuis plus de trois ans.
1080-91 (un jeune homme de bonté), chap.1, 100 chansons
Un jour j’ai demandé
à un jeune africain
réfugié à Sept-îles
comment il voyait demain
ce jeune de 17 ans
m’a dit bien simplement
je rêve de retourner
dans mon pays maltraité
pour être reconnu
nationalement
comme un homme de bonté
REFRAIN
une chance qu’y pleuvait à sciau
sur ma guitare et mon chapeau
parce que mes larmes me lavaient l’corps
entre Sept-Iles et Bécomo
perdu dans l’parc
d’une route de bois
et d’orignaux
COUPLET 2
moi qui ai donné mes biens
qui marche mon pays
adoré des étoiles
et même de la pluie
il a suffi d’une phrase
d’un jeune noir en extase
pour que brille dans la nuit
sa clé du paradis
je me ferai mendiant
nationalement
pour chanter, ce jeune homme de bonté
COUPLET 3
y a très peu d’africains
qui demeurent à Sept-Iles
qui ont les yeux brillants
et bientôt 18 ans
qui marchent dans la rue
qu’on traite en inconnu
qui font l’ménage la nuit
dans une usine perdue
si vous le rencontrez
serrez-lui la main
en lui chantant mon refrain
Pierrot, vagabond céleste
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