Michel s’est acheté un case de guitare… pour y déposer la même guitare avec laquelle il jouait et chantait sur la scène du café St-Vincent, il y a maintenant près de 50 ans… Moi je n’en joue plus, ayant jeté ma guitare dans le bois pour vagabonder la connaissance dans 4 universités…. Mais Michel en joue encore… et parfois je lui demande de me rechanter «le gros Bob d’à côté » de René Robitaille, ou «la butte» de George Langford… ou «j’ai souvenir encore» de Dubois ou «l’hymne au printemps de Felix Leclerc» … Je n’ai qu’à fermer les yeux et la poésie qui nous a unit jadis quand nous partagions la même petite scène revit en moi….
Le plus fascinant, c’était de réaliser que le rêve de la mère Martin, compagne du poète et homme de culture Paul Gouin fut un véritable rêve big bang ….
J’habitais chez ma tante Lucienne… je faisais partie d’un groupe de folklore… Nous revenions de l’exposition d’Osaka au Japon en 1970 après avoir gagné le trophée du meilleur groupe de folklore collégial en Amérique du nord …. Après avoir terminé un bacc en philosophie à l’université de Montréal, je faisais mon bacc en enseignement ou l’avais terminé, ne m’en souviens pas trop… et je vivais une scolarité de maîtrise en audio-visuel…..
J’avais réalisé un rêve poétique…. qui m’était venu quand j’avais passé l’été à Expo 67 avec mon passeport… Je me disais… je dois me rendre à Expo 70 … Et nous y fumes…. Il me semblait que le reste de ma vie serait inutile si je ne comprenais pas (aujourd’hui je dirais… si je ne découvrirais pas les règles du jeu du rêve qui m’avaient permis de réaliser mon rêve.
Seule la poésie d’un rêve m’intéressait…. Je n’étais attisé par aucune soif de carrière, d’honneur, de biens matériels, j’étais poésie…. Mon père avait eu un rêve… créer un poste de télévision sur cable à La Tuque… Il m’avait dit… J’ai un rêve… et il le réalisa… mes deux frères et moi étions caméramen à 12 ou 13 ans….
Mon grand-père Lucien, mon oncle Paulo, mon père…. La ville de La Ruque même par la musique et Aubert Montgrain… quand j’y pense… toute la ville de La Tuque avait appris à vaincre la lassitude du quotidien par le rêve… Un grand rêve… Nous étions perdus entre les montagnes à 100 kilomètres de Grand-mêre et à presque 100 kilomètres de Chicoutimi… Une rivière, la rivière St-Maurice, une route…. Pour vivre, IL FALLUT À NOTRE VILLE INVENTER U N RÊVE BIG BANG POUR LA COMMUNAUTÉ… le petit Lac St-Louis devint nos débris de la mémoire du cœur…
Assis sur la galerie… j’y voyais les jeunes couples de partout dans la ville venir tourner autour du lac main dans la main… la poésie… et de l’autre côté des hobos sauter du train… la poésie…
Je n’étais que poésie…. Je ne suis encore que poésie…
Alors imaginez quand, passant une audition au café St-Vincent, avec la chanson La Bohème, je fus engagé… l’événement … le cadeau qui me fut offert… fut de chanter pour Paul Gouin… poète…. poète au point il descendait parfois de son appartement en robe de chambre pour me dire… en s’approchant de moi au micro…« P’tit gars,,, c’est le peuple que je veux entendre chanter d’en haut» par toi et non pas toi…
Quelle leçon…. quelle leçon… Paul était poésie… la nuit… parfois… je le voyais à une table du père Leduc (une table lui était réservée) et il écrivait sa poésie…
JE M’ENFUIS DE CHEZ MA TANTE ET JE DISPARUS … MON PÈRE DUT FAIRE DES PIEDS ET DES MAINS POUR ME RETROUVER…. JE N’ÉTAIS QUE POÉSIE.. J’OUBLIAI LE RESTE… SANS DOUTE JE SUIS ENCORE CELA AUJOURD’HUI….
A L’époque… le Vieux Montréal était un village… les gens y vivaient depuis plusieurs générations… un tout petit village…. j’y dormais dans une chambre minable où je gelais…. Je gagnais peu… $45 par semaine je crois… et J’avais 15 dollars pour ma chambre, 15 pour manger et 15 à la banque … Et j’étais heureux… J’avais froid…
Quand je quittais ma chambre… pas de gants… pas de bottes… mais ma guitare… je m’en allais chanter au café St-Vincent… A l’époque, il y avait tellement peu de clients l’hiver que la mère Martin m’avait dit le tenir ouvert l’hiver pour que nous puissions manger… pour que ses p’tits gars mangent…
Tous les soirs, j’ai chanté la Bohème d’Aznavour…. tous les soirs….. je savais dans ma chair ce que c’était que le froid et la faim….. mais j’écrivais des chansons (Pierre Rochette chante le vieux Montréal) …. j’étais heureux…
Mais surtout… peu à peu.. des familles sont venues au café… des pères, des mères des grands-pères et des grand-mères… Nous chantonnions et les gens chantaient… nos folklores, nos grands classiques de la chanson française… nos chansons….
L’hiver c’était mal chauffé… seule une salle remplie le samedi soir mettait de la chaleur là-dedans… Deux mauvais micros, un mauvais système de son, mais de belles chansons… La nuit, je copiais mes chansons à la main dans un cahier… et soudain… arrivait le printemps… le porte de garage s’ouvraient… la ruelle des peintres se remplissaient et la rue St-Amable devenait carte postale renoirdienne d’une joie de vivre…
Je suis de nationalité québécoise française de Gauthier…. Je reviens che znous de Ferland… une boîte à chansons de George D’or…. Le premier qui dit la vérité de Béart….
Et de nous voir jeunes et heureux… Marcel Picard, Michel Woodard, René Robitaille et les autres…..
La poésie… la poésie… 7 soirs par semaine plus les samedi et dimanche après-midi… ça venait de partout à travers le Québec… et ce partout finit par ouvrir des boîtes d’animation et nous nous mîmes à visiter la poésie du Québec avec nos guitares…. Une guitare… àl’époque même pas électrique… quelques mots… le rêve devenant un château qui semblait ne jamais vouloir mourir….
Oui…. le café St-Vincent fut un événement magique et poétique de l’histoire du Québec….
C’est peut-être cela la nano-citoyenneté-planétaire… LE CAFÉ ST-VINCENT TOUT AUTOUR DE LA PLANÈTE OU DES MILLIONS D’ENFANTS CHANTENT LEUR VIE PERSONNELLE OEUVRE D’ART AU LIEU DE MOURIR DE FAIM OU DE BLESSURES DE GUERRE
Pierrot vagabond