GRAND DICTIONNAIRE DE LA PHILOSOPHIE
P.786
PERSONNALISME
Doctrine articulant une morale et une politique sur la dimension éthique absolue d personne, par opposition à l’individualisme.
Bien que la question philosophique de la personne remonte à l’antiquité, le terme PERSONNALISME est créé par Schleirmarcher en 1799. En tant que courant philosophique particulier, le personnalisme est fondé au tout début du xxeme siècle par Max Scheler, disciple de Husserl. Il se constitue comme une réaction face à l’axiologie néokantienne, qui tente de fonder les valeurs dans la raison pratique, considérant que la valeur morale provient d’une intension dépendante de la volonté et qu’il est possible de procéder à une déduction transcendantale de la valeur.
Pour Scheler, cela conduit à ne pas différencier la volonté de la raison , et réduit de ce fait la notion de personne en la plaçant dans la dépendance de la raison pratique.
Or, l’essence axiologique de la personne outrepasse l’université rationnelle de la valeur, et ne peut être ENVISAGÉE INDPÉPENDAMMENT DE LA COMMUNAUTÉ ET DU MONDE*****
Ce n’est ni dans la raison pure, ni dans la liberté de la volonté que se situe L’ESSENCE DE L’EXISTENCE HUMAINE, MAIS DANS LA SPHÈRE ORIGINAIRE DU COEUR.
De ce fait, l’amour possède sa propre logique, différente de celle de la raison faisant que l’expérience de la valeur éthique EST UNE ÉMOTION PURE A PRIORI., donnée par un jugement immédiat D’ÉVIDENCE PRÉFÉRENTIELLE.
Le courant personnaliste s’est développé aux États-Unis dès le début du xxème siècle avec des auteurs comme Borden Parker Bowne, fondateur de la Boston School of Personalism, ou Edgar S. Brightman et Walter C. Muelder, avec lesquels Martin Luther King a étudié.
Le personnalisme a été introduit en France par Charles Renouvier , mais c’est surtout Emmanuel Mounier , fondateur de la revue Esprit (1932), qui en fait un courant philosophique à la fois moral et politique, dans lequel s’inscrivent des auteurs comme Gabriel Marcel, Jacques Maritain ou Emmanuel Levinas.
Cette philosophie s’oppose radicalement À L’INDIVIDUALISME LIBÉRAL ET À TOUTES LES FORMES DE TOTALITARISME. Alors que la notion d’individu pose un être rationel abstrait , séparé de la communauté des hommes, CELLE DE LA PERSONNE CHERCHE À PENSER L’UNITÉ AVEC AUTRUI. saisi par une sympathie permettant de percevoir en l’autre un absolu, témoignage de l’absolu de la Personne divine.
Cependant, bien que la majeure partie des personnalistes soient des croyants, le courant personnaliste ne suppose pas l’idée de Dieu pour se constituer. Il se fonde sur la primauté et l’irréductibilité de la notion de personne , qui se constitue dans l’immanence d’un monde dans lequel elle est à la fois corps et esprit, en n’étant réductible ni au matérialisme, nu au spiritualisme.
LA PERSONNE TRANSCENDE LA NATURE PAR UNE DYNAMIQUE CRÉATRICE QUI DOIT ÊTRE PENSÉE COMME UN RESPECT DE L’AUTRE, devant se déposséder de l’enfermement en soi afin de pouvoir devenir disponible à autrui dans un mouvement qui OUVRE SUR LA POSSIBILITÉ ***** D’UNE PERSONNALISATION UNIVERSELLE. *****
Si chaque personne est porteuse de valeurs ultimes, essentielles et relevant du sens de la vie, celles-ci ne l’enferment pas dans l’individualité mais sont intégrées au monde et à l’ensemble de la communauté humaine qui les partage.
Héritier de la pensée bergsonnienne, le personnalisme de Mounier s’inscrit dans une critique du cogito cartésien par Maine de Biran , en vue de reconstituer la communication de l’esprit et de l’être universel qui EST UN FAIT PSYCHOLOGIQUE ET NON UN ACTE DE FOI, ouvrant sur une pensée de l’engagement qui est une troisième voie face À LA PHÉNOMÉNOLOGIE HEIDEGGERIENNE ET À L’EXISTENTIALISME SARTRIEN.
« La démarche essentielle d’un monde de personnes (…) n’est pas la perception isolée de soi (cogito) ni le souci de soi égocentrique, MAIS LA COMMUNICATION DES PERSONNES…la communication des existences, l’existence avec autrui, il faudrait écrire la comexistence.
La personne ne s’oppose pas au nous, qui la fonde et la nourrit, mais au on irresponsable et tyrannique. Non seulement elle ne se définit pas par l’incommunicabilité et le repliement, mais de toutes les réalités de l’univers, elle est la seule qui soit proprement communicable, qui soit vers autrui et même en autrui, vers le monde et dans le monde avant d’être en soi.