EXTRAIT D’UN ARTICLE «LES SEMEURES DE CONTES»
ISABELLE CREPEAU
lurelu 2014
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POUR LE DOCTORAT
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Le baluchon rempli
Ce soir-là, sous les voutes de la maison Chevalier,
l’accueil est vibrant. Une ultime fois,
André présente ses compagnons. La grande
Françoise, qui faisait partie des doyens de
l’aventure, fait la lecture du mot que Gilles
Vigneault leur a laissé au départ. La toute
menue Geneviève présente le bâton de marche
dont elle a hérité. Un bâton de marche
(et de parole) qui lui a été transmis par
Pierrot Rochette, le conteur vagabond, lors
de la soirée précédant le départ. Le parcours
peu commun de cet ancien copropriétaire du
cabaret les Deux Pierrots, qui a tout laissé
pour parcourir les routes, a impressionné les
Semeurs qui ont choisi d’en faire le parrain
d’honneur de leur grande virée. Il a choisi
de confier le bâton chargé de sens à la plus
jeune du groupe, parce qu’elle incarnait la
relève… Ce dernier soir, elle en parle avec
une gravité et une émotion particulières.
Le poids du bâton est venu enrichir sa
symbolique tout au long du parcours : c’est
Yves Robitaille, doyen du groupe, le sage
au pas tranquille, qui a aidé Geneviève en
portant le lourd objet pour elle, d’une étape
à l’autre. Benoit «Bison» Davidson, à qui
il reste toujours cette fabuleuse étincelle
d’énergie pour taper du pied ou entonner
une chanson, ouvre la soirée et gagne, en un
clin d’oeil, la complicité des auditeurs.
Chacun leur tour, les huit conteurs
viennent sur scène. La douce Alice Abélia
captive l’auditoire québécois. Le jeune
Mathieu Riendeau, un conteur à surveiller,
touche tout le monde en invitant son fils à
le rejoindre sur le banc du conteur pendant
son histoire : «C’est à lui que ça demandait
le plus de courage, nous explique-t-il. À
lui qui est resté derrière sans vraiment
comprendre pourquoi je faisais ça.» La
belle Carine Casparian, lumineuse, envoute
l’auditoire à son tour. La fatigue du voyage
ne pâlit en rien sa grâce lumineuse, elle
la met en relief! Chacun des Semeurs de
contes offre une prestation toute personnelle
et chargée d’émotions. La vulnérabilité
dans laquelle les place leur état de
fatigue extrême les rend désarmants de
vérité. Les histoires partagées ce soir-là
prennent un sens spécial pour ceux qui les
content et pour le public — rejoint, touché,
ému — qui réserve une longue ovation
méritée aux Semeurs de contes.
Ces huit conteurs ont usé leurs bottes
pour faire faire au conte un pas de géant!
Et j’ai entendu raconter qu’ils songent peutêtre
déjà à un prochain départ!
À suivre… si vous en avez les mollets
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