MICHAEL J. SANDEL
JUSTICE
Éditions Albin Michel, 2016
extrait
p.126
« La grande majorité de ceux qui ont porté les armes pour ce pays en Irak appartiennent aux communautés les plus pauvres des quartiers défavorisés et des zones rurales, autant d’endroits où des bonus d’engagement pouvant aller jusqu’à 40,000 dollars et des formations valant plusieurs milliers de dollars sont particulièrement séduisants. Pour des jeunes gens qui ont la possibilité d’aller à l’université, ces conditions – en contrepartie desquelles on accepte de mettre sa vie en danger – ne sont pas grand-chose (Rangel).
Ainsi la première objection adressée au recours à la logique du marché pour la constitution d’une armée pose-t-elle à la fois le problème de l’injustice et celui de la contrainte – l’injustice d’une discrimination de classe et la coercition qui peut en résulter si les circonstances économiques défavorables obligent les jeunes gens à risquer leur vie en échange d’une ÉDUCATION SUPÉRIEURE et d’autres avantages.
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extrait
p.158-159
L’accent que met Kant sur la dignité humaine sous-entend les idées contemporaines DE DROITS HUMAINS UNIVERSELS. Plus important encore, sa conception de la liberté figure en bonne place dans la plupart des discussions contemporaines à propos de la justice.
Dans l’introduction de ce livre, j’ai distingué trois approches de la justice.
La première, celle des utilitaristes, considère que, pour définir ce qu’est la justice et déterminer quelle est la bonne décision à prendre dans telle ou telle circonstance, il faut se demander ce qui maximisera le bien-être ou le bonheur collectif de la société envisagée comme un tout.
La deuxième approche établit un rapport entre justice et liberté. C’est celle défendue par les libertariens, qui estiment qu’une juste répartition des revenus et de la richesse résulte DES LIBRES ÉCHANGES DE BIENS ET SERVICES auxquels ont consenti les individus sur un marché sans contraintes. La régulation du marché est, pour eux, injuste parce qu’elle porte atteinte à la liberté individuelle de choix.
Selon la troisième approches, la justice réside dans le fait de donner aux gens CE QU’ILS MÉRITENT AU POINT DE VUE MORAL. Il s’agit autrement dit de répartir les biens pour récompenser et promouvoir la VERTU. Nous verrons, en nous tournant vers la pensée d’Aristote (chapitre 8) que l’approche fondée sur la vertu INSCRIT LA JUSTICE DANS UNE RÉFLEXION SUR LA VIE BONNE.
Kant rejette la première approche ( la maximisation du bien-être) ainsi que la troisième ( la promotion de la vertu) . Ni l’une, ni l’autre, pense-t-il, ne RESPECTENT LA LIBERTÉ HUMAINE. Kant se présente donc comme UN PUISSANT DÉFENSEUR de la deuxième approche, – CELLE QUI ASSOCIE LA JUSTICE ET LA MORALEÀ LA LIBERTÉ. Mais l’idée de liberté qu’il avance est exigeante – plus exigeante que la liberté de choix que nous sommes amenés à exercer quand nous accédons à un marché pour y acheter ou y vendre des biens.
Pour Kant, ce que nous désignons communément sous le nom de liberté de choix ou de consommation N’EST PAS LA LIBERTÉ VÉRITABLE parce qu’elle vise simplement la satifaction des désirs que nous N’AVONS PAS EN PREMIER LIEU CHOISIS.
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