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Avant-propos

LE NAMAN-NKANI

Le Naman Nkani entre sur scène
Il demande de ses yeux tout écarquillés
et de sa longue bouche
ÉKIÉ! (exclamation, il fait semblant d’être exaspéré) laissez-moi vous raconter le Nkana, le conte
Dis! Dis-nous le Nkana!
[en chœur ]

Ékié!Ékié! me voici
Au début était une équation de réalité. il cherchait d’abord une équation de réalité. Puis est allé à
la recherche de la ville-équation; au passage, a rencontré un mausolée des Nameless. Pour
finalement s’abreuver à l’innocence théorique d’un sentiment calligraphique. Qui est « il »?
la foule éberluée ne savait pas que c’est ici que commençait l’aventure de l’axiome.

Il y avait des lettres mortes, il y avait des lettres agitées. Le saviez-vous?
[la foule s’étonne. On se regarde]
Les lettres mortes, ce sont nos perceptions ustensilaires du langage, comme un balai, une bêche,
un outil. On se les fabrique, du moins c’est ce que nous disons, on se les transmets. Elles
traduisent dans des filets de relations plus ou moins enchainées, notre vision domestique du
monde. C’est l’étable culturelle du signe. Avant de vous parler des lettres agitées, laissez-moi
vous dire encore, ce n’est pas comme
[c’est qui ça encore?]

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[shuiiiit!]
À MAN, À MAN, la mer, loin loin, loin là-bas

STATEMENT, LE NAMAN-NKANI, LA VERTU COMMENTÉE D’UN CONNAISSANT

Je veux ramener l’écriture, la littérature
= à l’oralité

Il me faut une cour,
mes gens
mon décor
les énigmes
les relâches,
les fatigues,
tout ce qui fait l’économie d’une écoute, d’une expérience, assis ou couché, à rêver,
tout ce qui fait la vie. Ainsi, on est devenus des humains, dans la communauté des hommes.

Par cette stratégie d’écriture, qu’il s’agisse de la bibliographie commentée ou de l’aventure
globale, je veux respecter que « je » n’est pas « je ». « je » est une parole distribuée et redéfinir
philosophiquement le statut de celui qui parle, qui écrit. C’est là que se situe le creuset de ma
métaphysique. Qui parle est une vertu d’absence pour le déploiement des joies collectives.

Le Naman-Nkanni, la vertu commentée d’un connaissant, c’est sur ce modèle que sera construit
la bibliographie commentée qui est une section du doctorat. Le commentaire critique est plus
qu’un enjeu heuristique sur la fondation savante du discours doctoral. C’est un enjeu sur le sens
de la littérature et du savoir pour la métaphysicienne que je suis, issue d’abord d’une tradition de
l’imagination par l’écoute. Il se pose un véritable enjeu de traduction entre une forme aplatie du

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langage, l’écriture sèche si je puis dire, celle d’une civilisation de l’écriture, matrice dans laquelle
j’écris et qui a construit le canon méthodologique de la démonstration d’un corpus; et de l’autre
une écriture plus mouvante, dont le socle épistémique repose dirions- nous, sur une
contemplation par l’oreille sans désir de ma part d’une réduction. Seulement, étant donné que ce
doctorat porte sur le faire même du langage et ses conditions de littératie à travers les récits de
connaissance que nous nous racontons en notre qualité de motif et de forme du réel, la
bibliographie commentée devient un enjeu de la fiction du dire d’un connaissant à un autre qui
l’écoute.

TITRE : SÉMIOIA OU LE PROBLÈME DE LA RÉALITÉ DANS LA SPÉCULATION D’UN

PINCEAU

PLAN

INTRODUCTION

ORIGINE DU QUESTIONNEMENT ET ÉTAT DE LA QUESTION
LE RÉALISME SÉMIOIA. HYPOTHÈSES ET ARGUMENT

PROJET DE CRÉATION

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SÉMIOIA
OU

LE PROBLÈME DE LA RÉALITÉ DANS LA SPÉCULATION D’UN PINCEAU

INTRODUCTION
Imaginons qu’un pinceau fasse une expérience spéculative radicale pour aller à la rencontre du
réel. Ce pinceau se demande comment se fait-il qu’il puisse tracer des lignes avec de l’encre. En
soi, il ne connait pas les toutes les formes, il ne connait même pas son propre visage, mais il se
demande si une manufacture existe en amont de lui qui lui dicte les formes qu’il peut s’imaginer,
peut-être également qu’il existe en arrière de lui un clavier secret des impossibles à rencontrer, à
deviner, même les yeux fermés; comment se fait-il qu’il se fasse toujours surprendre, comme si
une main dansait indépendamment de sa volonté, l’énigme de l’énonciation. Derrière la main qui
vibre, s’installe de plus en plus la difficulté de voir les images de ses hypothèses, comme s’il
atteignait un seuil de ses spéculations, « c’est peut-être là, dans ce seuil de l’image qui s’éteint
que se trouve mon secret, je suis un pinceau qui n’a pas d’yeux, mais ma conscience semble
distinguer des formes, mes mèches tracent des lignes calligraphiques qui me surprennent, que je
n’anticipe pas, comme une vérité qui est au-devant de moi, me contemplant devant mes yeux
clos. Comment puis-je être sans connaitre ma manifestation? Tel est mon problème.
Ce problème, c’est celui de l’immémorialité de l’écriture en pensée, celui de l’autonomie du
signe comme réalité sémiotique fondant l’être de la fiction et le maitre de la fiction. C’est le
problème de la filiation de « JE » devant l’entité « réel », où se pose banalement la question: le
réel est-il un auteur? À la conséquence de cette question, le dessin d’une gestation, celle du fictif
humain « JE » dans l’enfantement du signe par lui-même, calculant ses probabilités d’existence.
Parlons d’une métaphysique de l’Exister sémiotique, parlons de la captation des murmures du
monde dans la blessure du trait, l’écriture oublie d’où elle vient, peut-être parce qu’elle n’est pas
encore née. Et lorsque « Je » s’interroge dans les tourments de sa cognition, il rencontre les
blessures de l’Exister, sa propre blessure à lui-même de s’être oublié comme conscience
calligraphique dans la géométrie du dire de tous les autres exister, blessure portée à la profondeur
du réel dans laquelle il puise la substance de tous ses récits, cette écologie muette qui le regarde
de son alphabet qui saigne. Encore faut-il encore savoir s’étonner; encore faut-il encore savoir
s’émerveiller. La réalité humaine est un syntagme qui s’articule dans la manufacture de nos
axiomes : J’existe n’est pas une certitude et l’écriture nous le rappelle.
Quand la pensée se fait pinceau, c’est tout le vivant mondain, le signe dans l’autorialité de sa
geste épique qui éclate en une multitudes de visages merveilleux inférant sur l’indigénéité
J’EXISTE. Le réel est sémiotiquement compétent, mais il n’est pas encore né. Voici la grande
fable épistémologique d’un pinceau qui cherchait somme toutes, à composer l’équation de sa

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réalité, alors que la danse de son trait précarisait la rencontre avec la forme. C’est l’épopée d’un
syntagme, d’un calligramme cru, déchaussé de sa civilisation qui s’oublie dans la rêverie de la
pensée rencontrant la pensée. C’est l’épopée d’une rencontre avec l’Exister, dans le design
lointain d’une actualité qui s’accouche. C’est l’épopée d’un chant. Le chant du pinceau qui
chante le canon d’inexistence de sa probabilité d’être. Il est le moudre de tous les alphabets, il est
le résidu prépositionnel de tous les textes, la localité -de qui se cherche (d’où vient-il?). Il est la
cendre mythologique de tous les textes, son levain, l’Exister. Sa coïncidence, l’écriture dans une
vertu d’absence. Son principe de connaissance, une indigénéité vide : l’Équation humble. La
philosophie du texte.

I. ORIGINE DU QUESTIONNEMENT ET ÉTAT DE LA QUESTION
Je présenterai ici deux sources interdépendantes du problème de la réalité dans la conscience
spéculative d’un pinceau .
La première source, est celle de l’enchantement par la rencontre avec un objet qui m’a déraciné
de mon plancher de certitudes et a reconfiguré les contours de mon énonciation « JE » dans le
monde. Je parlerais du merveilleux comme proposition épistémique dans ma rencontre fabuleuse
avec la Dame Qui pense. Je compris qu’un objet pouvait me convoquer à moi-même, me
convoquer comme relation de pensée, pour rencontrer ma pensée et rencontrer la pensée. Un
réalisme de la parole s’est détaché de l’évidence de mon axiome JE, ce réalisme, c’est la
conversion du régime spéculatif de la connaissance en régime spéculatif du trait, une invitation
nouvelle à une pédagogie du regard : la transmigration de l’être à l’être-pinceau où le réel se
constitue en quête aussitôt que s’invente la ligne. La source première est celle de la mythologie
de la conscience calligraphique, la découverte de ma conscience calligraphique. L’origine de ma
gestuelle onirique comme les nuages dans le ciel enseignent les formes à ceux qui regardent.
C’est ma mythologie comme calligraphe, comment, moi qui ne savait pas faire un dessin décent,
je me suis convertie en ligne.
La deuxième source, est celle de la découverte d’une blessure calligraphique dans l’énonciation
JE à l’intérieur de 3 grands réalismes sémiotiques : l’anthropologique, le poétique et le
philosophique, qui comme moi convoquée, s’interroge eux aussi sur les contours de
l’énonciation. À la différence notable qu’ils sont eux, dans la crise du merveilleux, c’est-à-dire, la
crise du voir. Leur régime de connaissance est celui de la blessure engendrée par la facticité,
l’inauthenticité du monde naturalisée dans les rapports de pouvoir des processus d’énonciation.
Bien que les auteurs que j’ai choisi d’illustrer ici ne peuvent suffire à déployer un point de vue
exhaustif et à exprimer toutes les nuances du débat réaliste à l’intérieur de ces champs, ils ont la
vertu de me permettre d’illustrer une constance : celle de la conception du signe comme danger
dans l’immémorialité de l’écriture. C’est-à-dire de l’accouchement du réel dans le concept.

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Je l’aperçu d’abord dans une vitrine, mal coiffée, un cactus dans la tête. Ce fut une détonation.
Je ne pouvais détacher mes yeux de ce visage serein au cerveau ouvert. Quelle étrange idée, non,
quelle incongruité de lui avoir mis ce paysage vert qui ne lui allait pas. Elle avait l’air gauche,
comme pas à sa place exposée dans la vitrine de ce magasin chic bric à brac de livres et d’objets
déco qui constituait une des attractions tournantes de la station souterraine du métro Berri-
UQAM. Je n’étais alors qu’une passante. Mes yeux mangeaient furtivement la vitre au fil de nos
pas. J’accompagnais une amie-collègue qui avait de l’argent à dépenser dans je sais trop quoi.
Mon cerveau enregistrait, ce n’était pas normal. Je notai son buste rose, un autre bleu derrière
elle, un troisième sans doute : elle était exposée en série. C’était une horreur pour la vue, le
magasin avait manqué son coup. Étais-ce que je n’avais pas le temps ou que je n’arrivais pas à
succomber à la nécessité de m’enquérir d’elle? Je ne sais pas. Sans doute un peu des deux. Je
gardais son virtuel en tête comme si mes yeux n’avaient pas suffisamment vu. Nous nous
dépêchâmes. Nous étions sorties de la bouche de l’université juste en face du magasin Le
Parchemin, prise métro, centre commercial, je la revis cette fois dans une cohorte plus
nombreuse. Même histoire. Pas le temps. Et puis trop cher. Elle est supposée être un vase ?!
Retour au bureau. J’y passe la nuit comme j’aimais à le faire à méditer sur les concepts. Depuis
ma couche au sol, je ne pense qu’à toi étrange objet. J’ai rêvé de toi très certainement puisque
ma nuit est fiévreuse. J’ai hâte que le matin arrive. Il faut que je parle de toi à mon ami P.
vagabond, il arrive toujours à 6h. sais-tu comme je t’ai cherché?
P. est d’accord. Je dois avoir l’air folle. Il me la fait. Il me la faut. Mais on n’a pas un sous. Mais
on prendra ce qu’on a. C’est vraiment un ami.
Je la revis d’un œil radieux. Une étrange lumière baignait sur son visage de poterie blanc gris.
J’adorais la douceur de ses yeux clos. Les deux petites boules de fards roses sur ses joues et la
cambrure de ses lèvres qui semblait esquisser un certain sourire. Made in China. Laquelle je
devais choisir. Rien ne pouvait altérer le merveilleux de ce moment. En plus, elle sentait bon.
Elles étaient nombreuses, à s’y méprendre, identiques. Il y en avait en buste bleu, en buste rose,
mais il n’y en avait qu’une seule pour moi. Je choisis bien.
Je revenais d’un pas heureux, j’avais la certitude que j’avais rencontré pour la première fois, ma
pensée qui rencontrait la pensée. Sans hésitation, je l’appelai La Dame Qui pense. Et j’aimais
maintenant es cheveux. Le bouquet d’églantines artificielles qui embaumait son cerveau fut
rapidement remplacé par mes pinceaux. Mais pour moi, dans la justesse des formes, c’est tout un
cosmos d’idées qui s’ouvrait et je ne pouvais que les remercier de m’avoir convoqué par leur
parfum.

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Une fièvre s’était emparée de moi. Comment pouvais-je coïncider avec ma table de travail? Je me
souviens de nuits merveilleuses, de matins aux cent traits, car tracer était devenu ma nouvelle
condition d’apprentissage. Moi qui n’avait jamais su dessiner une ligne droite, j’entamais un
périple dont je n’avais aucune idée de l’issu. Tracer, tracer, tracer. Du matin au soir, tous les jours,
jusqu’à ce qu’une ligne parle. Définir une épaisseur, comprendre ses préférences. Pour cela, il
fallait retourner en arrière. Comment, pourquoi, ceux qui étaient tombés avant nous avaient
problématisé leur existence dans l’espérance de la ligne? Je découvris que les alphabets, le
syllabaires avaient des noms. Une ligne imaginé n’est jamais neutre. Elle est l’atome d’un
programme de vie. Je fis des voyages à travers des catalogues du trait. Il ne me fallait pas de
maître, je devais apprendre à voir. Humer des densités. Un alphabet ce n’est pas qu’une prothèse
technique à des fins d’ustensilité domestique, ni même une esthétique ampoulée. C’est un
paysage, c’est une peinture de la vie. Tracer, toujours tracer. Entre le fossile et nous, il n’y a
aucune distance. Pour qu’une ligne parle, il faut être sincère et appliqué. La ligne c’est le tracé de
ton cœur. Déjoue l’intention, abdique. Je développai une préférence pour le monochrome parce
qu’il réveille les couleurs intérieurs de l’esprit. J’eu des nuits difficiles et des matins sans vie dans
l’impératif de mon JE. Ma main avait pris le pas sur ma raison et je revenais au signe. Il y a une
raison calligraphique. Illumination : la main trahit la pensée et l’esprit s’étonne. Une enfant est
née des cendres du temps. De vieux dieux semblaient s’agiter à peine : qui est là? Oups, un
concept passe dans le cerveau de ta contemplation. Il s’arrête « quelqu’un nous a vu », étonnant.
Non loin, un schème égaré s’ennui de sa promenade, il avait été un JE aux mille pattes, sous
l’arbre de son village, c’était le on de la collectivité métabolisée en discours. Quelque part dans le
temps, quelqu’un pleurait. Un vampire naissait dans le concept de nature. Mélancholie. Je
pouvais voir l’histoire de la modernité à l’échelle d’un cheveu. Le premier alphabet est toujours
la synthèse d’un savoir. Il a la force d’un vestige que l’on visite. Je rencontrai le vide pour la
première fois et il me sembla que ce « O » était une chance.
Dans ma langue 1 , il existe au moins deux façons d’exprimer le mot vide. Je m’y intéressai parce
que je remarquai que, plus j’explorai les espaces ouverts de ma pensée, les non-lieux, plus, j’étais
me semblait-il, prise d’une frénésie particulière, une envie de danser.Je coïncidai avec Rumi dans
l’épaisseur du mystère. La Dame Qui pense détenait ce secret qu’elle ne voulait pas me livrer.
Alors, j’interrogeai ma mère pour lui demander comme vide se disait dans notre langue. Je me
disais qu’en touchant au concept, j’aurai un début de réponse. Ma mère m’appris deux mots. Le
premier, Bilic, qui veut dire les « restes », les « vestiges ». Quand un village changeait de
demeure, son ancienne localité devenait un Bilic, un vide fossile. C’est un « ventre retourné » me
dit-elle, car il ne peut plus accueillir, pour comprendre ce qu’il fût, il faut rentrer dans le ventre.
Le deuxième mot fut Ndzemen, le néant. Lui, m’étonna tout autant, car je notais la ressemblance
phonétique du Ndzemen avec le verbe danser Adzem. Ma mère qui n’avait jamais fait le
rapprochement s’en étonna aussi. Puis naturellement elle me dit : « Bien sûr nous connaissons le
vide, l’être humain connait le vide, il n’est pas différent de lui. C’est pour ça nous dansons.
Quand nous dansons nous touchons le vide ». Émerveillée de sa sagesse, je la remercia. Dé-

1 Le beti éwondo

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savoir pour toucher la ligne, le vide est une danse, une vibration et un nouveau ciel de
conceptualité s’ouvrait à moi dans l’apprentissage de l’alphabet comme géométrie du dire. La
Dame Qui pense souriait. Mais qu’est-ce que j’étais donc pour elle et qu’est-ce qu’elle était à
moi? Le stylet a succédé au pinceau, a commencé à cohabiter avec lui. Descartes pouvait se
coucher. Enfin. Je crois que lui-même était déçu de n’avoir pas rêvé jusqu’au bout le cogito.
Dans l’idéalité de l’objet, une liberté nouvelle m’était donnée dans la privation de la certitude
J’EXISTE. Quel était donc ce réel qui m’amenait à réimaginer le réel? Les pas de la question me
menèrent à Je rencontrais Tchouang Tseu qui m’éblouit dans la similitude de l’expérience de
pensée qu’il posait. La problématique s’engageait :
« Zhuangzi rêva qu’il était papillon, voletant, heureux de son sort, ne sachant pas qu’il était Zhuangzi. Il se réveilla soudain et
s’aperçut qu’il était Zhuangzi. Il ne savait plus s’il était Zhuangzi qui venait de rêver qu’il était papillon ou s’il était un papillon
qui rêvait qu’il était Zhuangzi. La différence entre Zhuangzi et un papillon est appelée transformation des êtres. » (Zhuangzi, ch.
De L’unification, p. 19).
Je pouvais en effet me poser la question de savoir si c’est moi Gaëlle Étémé, qui rêvait qu’elle
était la Dame Qui pense ou si c’était la Danse Qui pense qui rêvait qu’elle était Gaëlle Étémé.
Dans les deux cas, émerge le radical cognitif d’un réel : lequel de ces 2 réels pensent? Et
pourquoi exclure la possibilité d’une simultanéité? Il y avait dans cette hypothèse, l’idée d’une
communicabilité des mondes non pas possibles, mais en instances d’observation qui, dans leur
solipsisme, pouvaient se fasciner l’un à l’autre. La convocation était suffisamment sérieuse pour
récuser dans un premier temps, la conclusion de Tchouang Tseu (ou Zhuangzi). Il est vrai que
Tchouang Tseu évoque la théorie de la métamorphose à l’intérieur de la spéculation daoiste
(initiée par son maitre Lao Tseu) de la génération des êtres par le vide archaïque innommable,
fabricant de la fiction mondaine. Mais avant de faire le saut dans le vide, qui me semblait déjà
d’une grande richesse épistémologique, il me semblait qu’il y avait au moins deux paliers
épistémiques de ce réalisme de coïncidence avec l’objet qu’il fallait investiguer : a) la mondanité
des corps qui se déploie et se révèle dans le trait calligraphique. La calligraphie est œil. Elle
impulse le regard des aveugles, ceux qui ne se conçoivent pas encore comme des objets devant
d’autres objets, c’est-à-dire, étymologiquement, « ce qui est placé devant ».
L’humain est motif devant l’objet, objet de l’objet, motif parmi d’autres motifs, dans la variabilité
de tous les motifs qui constituent l’écoumène, c’est juste un motif d’abord, un design sans
détermination à lui attribuer; b) l’idéalité des cognitions suspendues en fascination réciproque
dans un ciel improbable, celui de l’étonnement de s’être rencontré. Ces idéalités, scènes mentales
de l’apparition, sont elles-mêmes des schèmes calligraphiques, sortes de schèmes égarés (ne
sachant d’où ils viennent et quelle est leur destination) qui se perçoivent dans le rêve d’un
pinceau. Ainsi, le réel est une pensée qui se distribue dans des territoires singuliers dont les lignes
de traverses semblent porter la marque de leur autonomie sémiotique.
C’était comme si, en apprenant à fabriquer des lignes d’alphabet d’un monde à réinventer pour
me saisir dans ma pelure face à l’objet, j’intuitionnais la force signifiante du réel. Si un objet,
dans la douance de sa réalité pouvait me convoquer à moi-même dans la rencontre de ma pensée
avec la pensée, n’avais-je donc pas d’abord à me demander si réel est sémiotiquement
compétent? La question était inévitable, car elle renvoyait désormais à la carrière du langage, son
origine, son étendue, à travers l’ensemble des tribulations que forment la généralité appelée motif.

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Abandonnant momentanément l’idée de ne trouver réponse que dans mon geste, je m’en allai
m’enquérir de la question dans la littérature orale et écrite. J’observai d’abord leurs contours, la
distribution de leur régime de localité. La première est un long flux dans le réel domestique. Elle
y puise son encre, ls substance de son dire, y établit son théâtre. La deuxième est une cour
particulière; un encadré dans lequel l’écriture prophétise, récuse, médiatise dans la tourmente, la
substantialité du réel domestique et la relation de celui-ci à l’écriture.
Lorsque Stendhal et Balzac prirent des individus quelconques de la vie quotidienne, saisis dans la contingence des évènements
historiques, pour en faire les objets d’une représentation sérieuse, problématique et même tragique, ils rompirent avec la règle
classique de la distinction des niveaux stylistiques selon laquelle la réalité quotidienne et pratique ne pouvait trouver place en
littérature, que dans le cadre d’un style bas ou intermédiaire, c’est-à-dire d’un divertissement soit grotesquement comique, soit
plaisant, léger, élégant et bigarré. (Auerbach, 2015 P.549-550 )
Véritable terrain de combat, d’une lutte à mort, Compagnon commente :
En conflit avec l’idéologie de la mimèsis, la théorie littéraire conçoit donc le réalisme non plus comme un « reflet » de la réalité
mais comme un discours qui a ses règles et ses conventions, comme un code qui n’est ni plus naturel ni plus vrai que les autres.
Le discours réaliste n’en a pas moins été l’objet de prédilection de la théorie littéraire, depuis que sa caractérisation formelle
indépassable a été donnée par Jakobson. P.124. (…). Parce que le réalisme était la bête noire de la théorie littéraire, elle n’a parlé à
peu près que de lui. (Compagnon, 1998, P. 125)
De l’autre côté, dans la littérature orale, à travers les épaisseurs chtoniques, cosmologiques, les
expérimentations en « genres » que son dire se donne dans la virtuosité de sa manifestation
mémorielle, métabolique et spirituelle, consacre toujours le réel domestique comme ancre de vie
puisqu’il est la condition de son jaillissement; comme si, par de-là ses personnages, ses loi
coutumières, comme si le réel était vivant, même par de-là la mort. Dans la littérature orale, le
réel ne peut pas mourir, parce que cela signifierait, la mort de la parole. La parole non pas comme
être, mais comme chose dans sa densité ontologique. Diop rappelle : Les morts ne sont pas morts
Écoute plus souvent/Les choses que les êtres,/La voix du feu s'entend/Entends la voix de l'eau/Écoute dans le vent/Le buisson en
sanglot :/C'est le souffle des ancêtres./Ceux qui sont morts ne sont jamais partis/Ils sont dans l'ombre qui s'éclaire/Et dans l'ombre
qui s'épaissit,/Les morts ne sont pas sous la terre/Ils sont dans l'arbre qui frémit,/Ils sont dans le bois qui gémit,/Ils sont dans l'eau
qui coule,/Ils sont dans l'eau qui dort,/Ils sont dans la case, ils sont dans la foule/Les morts ne sont pas morts./Ceux qui sont morts
ne sont jamais parti (Diop, 1960 )
Je retrouvais dans cette expérience de l’oraliture une coïncidence naturelle avec l’objet qui a
pourtant rendu Simondon ( 1989) fou. Il n’est pas nécessaire d’établir la genèse technique des
objets dans le faber humain, pour comme comprendre leur mode spécifique d’existence. C’est par
ce moyen-là, réifier l’objet et s’aliéner à sa condition sémantique. Un objet ne « parle » pas, n’a
pas à nous parler nécessairement parce que nous le voulons. Qu’à cela ne tienne, pour la
littérature orale, le monde parle, il est le substrat du récit, la condition de détermination du
pronom JE comme chose du monde, d’où me semble-t-il, cette précaution à laquelle invite Diop :
« écoute plus souvent les choses que les êtres » comme si les êtres ne pouvaient véhiculer le
souffle de la vie. La vibration de la vie se trouve paradoxalement dans le frétillement des choses
inanimées pourtant vivantes, « le buisson en sanglot », « l’eau qui dort ». Les choses se passent
comme si, la mort était un alphabet de signes vivants. Les lettres mortes, sont des lettres agitées.
Et peut-être, il n’y a-t-il pas de distinction entre vivants et mortels. Comme si, et c’est ce que je
découvrais comme calligraphe (contemplant la forme oraliture), le réel mondain est un
PEUPLEMENT D’ALPHABETS dans le truchement des formes, qui se composent et découpent
en syntagmes dans les mouvements de la vie et de la mort. Que, même le MOTIF HUMAIN, motif

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parmi les motifs est une LETTRE AGITÉE qui se déplace dans le CLAVIER MONDAIN D’UNE
PENSÉE NOMMÉE RÉEL.

Étrangement, la contemplation du virtuel littéraire dans ses disputes théoriques, me faisait l’effet
d’un soldat tombé dans les arrière-mondes du signe. C’est véritablement comme si, la théorie
littéraire quant à elle, est le territoire du vestige, plus spécifiquement du motif humain dans sa
fracture avec le monde. Il y a un « qu’est-ce qui s’est passé? » qui est constamment rejoué à
travers les dramaturgies spéculatives. Il y a une BLESSURE DANS L’ÉNONCIATION
CALLIGRAPHIQUE DU JE qui est incapable d’habiter le monde. Il n’y voit jamais de
merveilleux. C’est un drame écologique, cosmologique, qui dénonce une duplicité et un crime
inavoué comme si le crime avait été fait au réel (insaisissable) lui-même. Depuis Platon, c’est le
même cri et c’est la tragédie de la mimèsis; paradoxe d’être à la fois l’emblême d’une
condamnation : le signe humain, expulsé du royaume du signe (Les Idées), et la seule issue d’une
réglementation, le politique. La République, est une machine à fabriquer les images vraies. Les
choses se passent comme si, la querelle des axiomes de vérité en littérature est le procès
continuel d’une blessure mythologique qui cherche une réponse à l’énigme de la relation du
signe humain virtualisé, au signe réel, anticipé.
La mimèsis fait passer la convention pour la nature. Prétendue imitation de la réalité tendant à occulter l’objet imitant au profit de
l’objet imité, elle est traditionnellement associée au réalisme, et le réalisme au roman, et le roman à l’individualisme, et
l’individualisme à la bourgeoisie, et la bourgeoisie au capitalisme : la critique de la mimèsis est donc in fine une critique de l’ordre
capitaliste. (…) La crise de mimèsis, comme celle de l’auteur, est une crise de l’humanisme littéraire, et à la fin du XXe siècle
l’innocence ne nous est plus permise. Cette innocence relative à la mimèsis était encore celle de Georg Lukács, qui se fondait sur
la théorie marxiste du reflet pour analyser le réalisme comme montée de l’individualisme contre l’idéalisme. (Compagnon,
idem.P. 122-123)
Les partisans de la mimèsis, s’appuyant traditionnellement sur la Poétique d’Aristote, disent que la littérature imitait le monde; les
adversaires de la mimésis (en gros les poéticiens modernes), mettant l’accent sur la Poétique comme technique de représentation,
répliquaient qu’elle n’avait pas de dehors et pastichait seulement la littérature. Les renvoyant dos à dos, la réhabilitation de la
mimèsis entreprise dans les deux dernières décennies passe par une troisième lecture de la Poétique. On ne revient pas sur la mise
en question, opérée par les poéticiens modernes, du modèle visuel ou pictural imposé, des avant Aristote, par l’usage platonicien
du mot, et resté prégnant malgré l’inclusion aristotélicienne de la diègèsis dans la mimèsis. En revanche, on fait valoir que pour
Aristote, à la différence de Platon qui y voit voyait une copie de copie, et donc une dégradation de la vérité, la mimèsis n’était pas
passive mais active. Suivant la définition du début du chapitre IV de la Poétique, la mimèsis constituait un apprentissage. (Idem,
P. 147-148)

Qui plus est, en prêtant attention à la citation ci-dessus, il sied également à dire que l’écriture est
le lieu d’une révolte contre le réel dans le continuum latent du triangle idéologique (déjà pointé
par Lévi-Strauss) liant l’écriture, État et science. En d’autres termes, liant écriture et violence
légitimée par un paradigme de connaissance. Paradoxalement, l’écriture n’est jamais au repos,
elle est toujours en guerre, elle n’est pas l’objet de la contemplation et du contentement du cœur,
c’est le territoire de la morsure des cœurs, la perte d’innocence que souligne Compagnon.
Quelques soient les chemins d’interprétation donnés à l’ordre de réalité du texte, soit partisans ou
non de la mimèsis, c’est-à-dire adepte de l’imitation d’une réalité idéale en dehors du texte et de
la contingence humaine, supporter d’une idéalité sans dehors ou comme le suggère aussi une
troisième exégèse, celle de soutenir la mimésis comme apprentissage du réel, l’écriture est

l’inquiétude d’un mouvement autour du « vrai ». Même la réflexion de la copie sur la copie
n’évacue pas la terreur, au centre se trouve toujours le soupçon d’une duplicité, la trahison
humaine et des dieux, insupportable au noyau individualiste. Par définition, la ligne serait une
cassure. Il est alors étonnant que jusqu’ici, le texte ne soit jamais sorti du texte, carsi rien n’est
vrai et que tout est monde, le texte, telle une créature chimérique curieuse, pourrait alors sortir du
texte-livre et intégrer le réel domestique, dans la phénoménalité de l’écoumène en se moquant du
sérieux de la subjectivité, en se déchaussant du moi. L’écriture se redécouvrirai comme acte de
contemplation, entre mobilité et stationnement. Elle pourrait aussi bien flâner, s’accélérer comme
s’asseoir et s’oublier, sans avoir peur de l’oubli. Cette hypothèse n’est jamais envisagée. Elle
n’est jamais envisagée parce qu’elle est de nature ontologique. Elle engagerait d’évacuer la
mimésis au profit d’une ontologie de la lettre. Un être du signe doué d’une autonomie onirique.
Dans ces divergences, il me semblait intéressant de chercher à élargir le spectre des réalismes de
la théorie littéraire et de l’oraliture, non pas en les opposant, mais en OUVRANT UN PORTAIL
entre ces deux schèmes de conceptualité. J’intuitionnais que le pinceau pouvait me permettre de
le faire. Il fallait pour cela, que le signe chimère sorte du texte livresque et aille flotter en
curiosité dans l’univers des alphabets de l’écoumène mondain. Je venais de franchir un palier
d’exploration épistémologique avec le pinceau pour théoriser. le réel phénoménal.
Sur le chemin de mes rayures (je continuais de tracer des alphabets inlassablement comme pour
m’ensauvager, pour me mettre à l’écoute des formes du monde. Je souffrais et je m’enchantais.
Tracer c’est difficile. Pendant 2 ou 3 ans j’étais exclusivement au stylet. Je voulais rencontrer la
raideur de la ligne. Sa cassure. Je ne le savais pas encore à ce moment-là. Je savais que
l’épaisseur d’un trait pouvait contenir l’art de la guerre. D’ailleurs, à cette époque, j’achetai un
tableau noir en tissu épais comme une peau que j’épinglai au mur. Il y avait là dans cet objet
obscur qui retenait les traces de ma craie blanche, l’impression de faire face tantôt à la nuit
conceptuelle d’un champ de bataille, tantôt au virtuel d’un cosmos qui s’ordonne. Il fait partie de
mon laboratoire), je rencontrai Merleau-Ponty, le premier philosophe qui vraiment, se trouva au
seuil de la conscience calligraphique. Voici quelques une de ses fulgurances extraites de sa
phénoménologie de la perception.
Les mots ne peuvent être les « forteresses de la pensée », et la pensée ne peut chercher l’expression que si les paroles sont par
elles-mêmes un texte compréhensible et si la parole possède une puissance de signification qui lui soit propre. Il faut que, d’une
manière ou de l’autre, le mot et la parole cessent d’être une manière de désigner l’objet ou la pensée, pour devenir la présence de
cette pensée dans le monde sensible, et, non pas son vêtement, mais son emblème ou son corps. (Merleau-Ponty, 2012, p.222 )
Je réponds oui en autant qu’il ne faille pas distinguer dans un premier temps, le monde, les mots,
la parole. Parce que je conçois le graphe, la ligne, la tâche, la vibration comme des mots, il me
serait impossible de les distinguer en essence dans un découpage conceptuel. Ce sont toutes des
densités liquides aujourd’hui, demain autre chose, mais certainement des présences de la pensée.
C’est par mon corps que je comprends autrui, comme c’est par mon corps que je perçois des « choses ». Le sens du geste ainsi
« compris » n’est pas derrière lui, il se confond avec la structure du monde que le geste dessine et que je reprends à mon compte.
P.226. Le geste linguistique, comme tous les autres, dessine lui-même son sens. Cette idée surprend d’abord, on est pourtant bien
obligé d’y venir si l’on veut comprendre l’origine du langage, problème toujours pressant, bien que les psychologues et les
linguistes s’accordent pour le récuser au nom du savoir positif. (Idem, p. 226-227).

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Il s’agit peut-être ici d’un de ses énoncé les plus émouvants pour moi, car il préfigure, il est le
seuil véritable de la conscience calligraphique. Dire que c’est par le corps que l’on perçoit, c’est
réveiller une évidence : le corps est pour moi comme pour autrui, une GÉOMÉTRIE DU DIRE.
C’est le fondement de l’axiome. Un axiome est une proposition considérée comme évidente,
admise sans démonstration. Or, cette proposition est admise, parce qu’elle visible. Sa géométrie
est incontestable, les contours de son exister sont accessibles aux contours de l’exister de
celui/celle qui perçoit. Voila encore une fois, pourquoi je parle de motif humain. Dire J’EXISTE,
c’Est se prononcer dans une géométrie, c’est la vibration de l’axiome sur laquelle nous déposons
nos contenus culturels et les illusions de nos devenirs. Or, de façon étonnante, l’axiome n’a pas
été considérée comme une lettre, c’est une case vide en littérature. Il faut au moins fabuler les
corps sociaux comme des lettres mortes, des lettres agitées pour le voir, pour les voir dans leur
géométrie du dire, sans y ajouter d’intériorité. Simplement, saisir, des caractères frêles.
On a toujours remarqué que le geste ou la parole transfiguraient le corps, mais on se contentait de dire qu’ils développaient ou
manifestaient une autre puissance, pensée ou âme. On ne voyait pas que, pour pouvoir l’exprimer, le corps doit en dernière
analyse devenir la pensée ou l’intention qu’il nous signifie. C’est lui qui montre, lui qui parle. (Idem,p. 239).
J’observe ici une maladresse. Le corps n’est pas en dernière analyse, il est le signe qui s’anticipe,
attrape la signification, étire la pensée dans l’illusion intériorité/extériorité. Le corps est une
pensée en simulation qui se voit déjà.
(..) la perception ne doit rien à ce que nous savons par ailleurs sur le monde (…). Elle ne se donne pas d’abord comme un
évènement dans le monde auquel on puisse appliquer, par exemple, la catégorie de causalité, mais comme une re-création ou une
re-constitution du monde à chaque moment. (P. 251)
Jusqu’ici, les indices que j’avais récolté me semblaient favorables à l’hypothèse d’une
compétence sémiotique du réel saisissable par la convocation de l’objet. Je ne cessais de me
demander : suis-je la Dame Qui pense? Est-elle moi? Sommes-nous nulles l’une à l’autre pour
que je puisse concevoir avec autant de force son individualité et la mienne? De quelles fibres de
discours suis-je composé vis-à-vis d’elle? Il en résultait toujours un flottement. Comme si la
présentification de la Dame Qui pense n’était que l’avatar d’une question flottante, une énigme
qui se déguise sous un masque, un réel qui regarde dans le costume dense d’un personnage, une
autorité, une animalité femelle. Je m’en allais donc voir du côté de Deleuze les notions de
personnage conceptuel et de plan d’immanence.
Dans Qu’est-ce que la philosophie? Deleuze essaye d’abord de montrer comment la pensée
fonctionne à travers 2 innovations conceptuelles que le personnage conceptuel et le plan
d’immanence. Ces derniers cherchent à mettre en exergue la poïesis de l’image de la pensée
appelée concept. L’enjeu est alors de comprendre comment la pensée philosophique, comment en
se fabriquant justement, elle s’est dotée d’outils qu’on appelle des concepts.
Le personnage conceptuel est ainsi défini :
Beaucoup de philosophes ont écrit des dialogues, mais il y a danger à confondre les personnages de dialogue et les personnages
conceptuels : ils ne coïncident que nominalement et n’ont pas le même rôle. Le personnage de dialogue expose des concepts (…).
Les personnages conceptuels en revanche opèrent les mouvement qui décrivent le plan d’immanence de l’auteur, et interviennent
dans la création même de ses concepts. (Deleuze & Guattari, 2014, p. 65)
C’est le destin du philosophe de devenir son ou ses personnages conceptuels, en même temps que ces personnages deviennent
eux-mêmes autre chose que ce qu’ils sont historiquement, mythologiquement ou couramment (le Socrate de Platon, le Dionysos

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de Nietzsche, l’Idiot de Cuse). Le personnage conceptuel est le devenir ou le sujet d’une philosophie, qui vaut pour le philosophe,
si bien que Cuse ou même Descartes devraient signer « l’Idiot », non moins que Nietzsche « l’Antéchrist » ou « Dionysos
crucifié ». (Idem,p. 66)
Le plan d’immanence quant à lui :
Le concept est le commencement de la philosophie, mais le plan en est l’instauration. (…). Précisément parce que le plan
d’immanence est pré-philosophique, et n’opère pas déjà avec les concepts, il implique une sorte d’expérimentation tâtonnante, et
son tracé recourt à des moyens peu avouables, peu rationnels et raisonnables. Ce sont les moyens de l’ordre du rêve, de processus
pathologiques, d’expérience ésotériques, d’ivresse ou d’excès. (Idem, p.45)

Le personnage conceptuel est un être de la parole, la parole même qui se cherche, se crée et se
renouvelle comme univers et singularité synthétique. En ce sens, il est avec le plan d’immanence
un prélude de l’imagination sémiotique du signe par lui-même. Toutefois, si le personnage
conceptuel est purement idéel et constitue le devenir du philosophe qui se subsume à lui, Deleuze
et Guattari auraient dû aboutir à la théorisation de l’autorialité du personnage conceptuel comme
un réel sublime auteur et indépendant. Soit dépasser la prescription de signature à laquelle Platon,
Descartes auraient dû se soumettre.
En effet, au dépend de cette logique :
1 e limite
Socrate ne dit jamais qu’il est Platon. Platon n’affirme jamais qu’il soit un signe. Socrate ne sort
jamais du texte. Socrate ne dit jamais « je sais que je suis un signe dans un texte ».
Car, lorsqu’une idéalité sémiotique est douée de liberté, d’une qualité vibratoire à tracer des
lignes comme le reconnaissent déjà Deleuze et Guattari, cette idéalité renverse toujours l’auteur
supposé en s’échappant de son geste. En écrivant, en calligraphiant, le signe s’émancipe en
défiant l’intentionnalité de la forme qui se dit auteur et transforme celle-ci.
Dans ma pratique, la main trahit toujours la pensée, et l’esprit s’étonne.

2 e limite
Les personnages conceptuels ne sont envisagés que comme des êtres de pensée, et non de
rencontre objective avec la chose. Il n’est jamais un être du dehors comme la Dame Qui pense
bien qu’on puisse attribuer à cette dernière des qualités de personnage conceptuel, mais avec
énormément de réserve, car ici, le schéma est inversée. Il serait peut-être plus juste de dire que
c’est la chose dans sa qualité d’idéalité qui en convoquant Gaëlle Étémé, fait de Gaëlle Étémé son
devenir à elle. Le personnage conceptuel est une expérimentation de la pensée par elle-même, en
expérimentation faible. C’est un réalisme qui s’ignore relativement. Il n’est que le prélude de
l’imagination sémiotique du signe par lui-même.

14
Mais ces deux concepts portent le paradoxe de l’historicité dans lequel se trouve la blessure dans
la figuration et l’énonciation JE
Dans les Milles plateaux, c’est spécifiquement le plan d’immanence qui est investigué comme
géologie de la domination du signe comme expression historique. Les Milles plateaux sont le
rapport d’une homonymie herméneutique entre la géologie stratifiée de la terre constituée de
strates, et l’épaississement historique du plan d’immanence par effet d’accumulation
conceptuelle, d’agrégation et d’ancienneté. De la même façon qu’on peut observer que les strates
telluriques sont des régimes sémiotiques extrêmement complexes, de la même façon on peut
comprendre l’enchevêtrement des plateaux de la pensée, des cieux d’idéalités formés par couches
historiques de signification qui commandent le virtuel cognitif des subjectivités car elles sont
devenues autorité et parole du monde. Elles ont force d’État.
Les strates sont des phénomènes d'épaississement sur le Corps de la terre, à la fois moléculaires et molaires (…) Chaque strate, ou
articulation, consiste en milieux codés, substances formées. Formes et substances, codes et milieux ne sont pas réellement
distincts. Ce sont les composantes abstraites de toute articulation. (Deleuze & Guattari, 1980, p. 628).
Le plan d’immanence est le terroir de la violence sémiotique de la tradition sur l’illusion de la
pensée du sujet dans sa tentative de subjectivation. C’est le geôlier d’un ordre de réel. Le réel
idéologique. C’est dire que, les plans d’immanence qui sont construits par les philosophes,
deviennent en fait, non seulement des images de vérité, mais surtout, deviennent les matrices
hégémoniques d’un seul réel connaissable.
La sociologie silencieuse que pratiquent Déleuze et Guattari, c’est le combat contre un
naturalisme douteux de la pensée. Mais c’est un constructivisme modérée : il y a naturalité : les
strates. Il y a une organicité des images de la pensée et elle engendre l’immanent. Ainsi, un plan
d’immanence, c’est un ensemble de réseaux d’écritures devenues vraies. C’est du signe. À
l’instar des poéticiens modernes, l’enjeu des Milles plateaux n’est pas de gloser sur l’origine du
texte, « tissus de citations » dont l’arkhè sémiotique est toutefois reconnue. Il s’agit davantage de
trouver une stratégie de contournement de l’efficace du plan d’immanence comme mémorialité
agissante. Il s’agit de contourner sa violence archaïque et divine pour imaginer la libération de
l’individu.
La stratification est comme la création du monde à partir du chaos, une création continuée, renouvelée. Et les strates constituent le
Jugement de Dieu. L'artiste classique est comme Dieu, il fait le monde en organisant les formes et les substances, les codes et les
milieux, et les rythmes. Aussi toutes les entreprises de déstratification (par exemple, déborder l'organisme, se lancer dans un
devenir) doiven t -elles d'abord observer des règles concrètes d'une prudence extrême : toute déstratification trop brutale risque
d'être suicidaire (…) tantôt s'ouvre sur le chaos, le vide et la destruction, tantôt referme sur nous les strates qui se durcissent
encore plus, (p. 628)
L’écriture est un chaos destructeur, une géologie de la ligne dont l’émancipation pourtant dépend
aussi de cet environnement tellurique. Tracer de nouvelles lignes dans la fuite du chaos.
Quel mouvement, quel élan nous entraîne hors des strates (métastrates) ? (…) Mais comment atteindre à ce « plan », ou plutôt
comment construire ce plan, et tracer la « ligne » qui nous y conduit ? Car, hors des strates ou sans les strates, nous n'avons plus ni
formes ni substances, ni organisation ni développement, ni contenu ni expression. Nous sommes désarticulés, nous ne semblons
même plus soutenus par des rythmes. Comment la matière non formée, la vie anorganique, le devenir non humain seraient ils
autre chose qu'un pur et simple chaos ? p. 626

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Hors de la strate c’est la mort. Le signe est une écologie du vivant de la violence de l’État, de
façon générale, du politique. Ce qui est extrêmement intéressant chez Deleuze, c’est l’écologie
dont il parle est une écologie vibratoire, dans l’organicité même de la ligne. L’exercice même
d’écriture est un exercice rythmique dans lequel le tracé se déguise comme mouvement. En ce
sens, Deleuze, pour des raisons différentes de Merleau-Ponty, se trouve lui aussi, au seuil de la
conscience calligraphique. Merleau-Ponty a intuitionné l’autonomie spéculative du signe dans la
perception des corps. Deleuze, atrophie l’origine dans la terreur du chaos mais entrevoit
subrepticement, une ontologie du trait potentiellement créatrice dans le chaos lui-même, dans les
élongations sauvages du rhizome :
(…) La seconde espèce est très différente, moléculaire et du type « rhizome ». La diagonale se libère, se brise ou serpente. La
ligne ne fait plus contour, et passe entre les choses, entre les points. Elle appartient à un espace lisse. Elle trace un plan qui n'a pas
plus de dimensions que ce qui le parcourt ; aussi la multiplicité qu'elle constitue n'est-elle plus subordonnée à l'Un, mais prend
consistance en elle-même. Ce sont des multiplicités de masses ou de meutes, et non plus de classes ; des multiplicités anomales et
nomades, et non plus normales ou légales ; des multiplicités de devenir, ou à transformations, et non plus à et éléments
dénombrables et relations ordonnées ; des ensembles flous, et non plus exacts, etc. Du point de vue du pathos, c'est la psychose et
surtout la schizophrénie qui expriment ces multiplicités. P. 631 (…) sans symétrie, les tiges de rhizome n'arrêtent pas de sortir des
arbres, les masses et les flux ne cessent pas de s'échapper, d'inventer des connexions qui sautent d'arbre et arbre, et qui déracinent :
tout un lissage de l'espace, qui réagit à son tour sur l'espace strié. Même et surtout les territoires sont agités de ces profonds
mouvements p. 632
Or, elles n’échappent jamais, aux risques de l’anéantissement. La théorie de la ligne chez
Deleuze et Guattari est une théorie de la blessure perpétuant ainsi le continuum d’une lutte
cosmologique du signe humain dans le chaos-signe pour se saisir comme virtualité.
Nous sommes donc faits de trois lignes, mais chaque espèce de ligne a ses dangers. Non seulement les lignes à segments qui nous
coupent, et nous imposent les stries d'un espace homogène ; mais aussi les lignes moléculaires qui charrient déjà leurs micros-
trous noirs ; enfin les lignes de fuite elles-mêmes qui risquent toujours d'abandonner leurs potentialités créatrices pour tourner en
ligne de mort, être tournées en ligne de destruction pure et simple (fascisme). P.632

En anthropologie, les expérimentations deleuziennes trouvèrent des échos dans la tradition
critique de l’anthropologie inversée également appelée perspectivisme anthropologique. Celui-ci
se construit sur le principe d’habiter le cognitif des altérités indigènes, penser à partir de leurs
concepts à eux, pour altérer la spéculation anthropologique sur la nature du réel. Le réalisme
sémiotique qui chercher donc à être dégager, ce serait celui d’une marge redéfinissant une autre
marge puisque du point de vu indigène, la marge, la limite, l’altérité c’est l’autre fait « blanc ».
L’anthropologue brésilien Vieveiro de Castro décrit ainsi ce processus d’expérimentation de la
pensée des réalismes dans son ouvrage Métaphysiques cannibales :
« L’expression « expérience de pensée » n’a pas le sens usuel d’entrée (imagainaire) dans l’expérience par la pensée, mais celui
d’une entrée dans la pensée par l’expérience (réelle). Il ne s’agit pas d’imaginer une expérience, mais d’expérimenter une
imagination, ou « d’expérimenter la pensée elle-même ». (…) La fiction consiste à prendre les idées indigènes comme des
concepts et de tirer les conséquences de cette décision : définir le sol préconceptuel ou le plan d’immanence que de tels concepts
présupposent, les personnages conceptuels qu’ils appellent à l’existence, et la matière du réel qu’ils posent. (De Castro, 159,
2017) »
Il précise :
Soyons clairs : Je ne pense pas que l’esprit des Amérindiens soit (nécessairement…) la scène de :
« processus cognitifs » différents de ceux de n’importe quels autres humains. Il ne s’agit pas d’imaginer les Indiens comme

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pourvus d’une neurophysiologie particulière, qui traiterait différemment le divers. En ce qui me concerne, je pense qu’ils pensent
exactement « comme nous »; mais je pense aussi que ce qu’ils pensent, c’est-à-dire, les concepts qu’ils se donnent, sont très
différents des nôtres et donc le monde décrit par ces concepts est très différent du nôtre. En ce qui concerne les Indiens, je pense
qu’ils pensent que tous les humains et, au-delà de ceux-ci, bien d’autres sujets non humains pensent exactement « comme eux »,
mais que cela, loin d’exprimer une convergence référentielle universelle, est exactement la raison des divergences de perspective.
(Idem,p.160)
La grande originalité de Viveiro de Castro c’est d’avoir non seulement déplacé la théorie du point
de vue sur le réel et son idéalité, mais d’avoir eu recours spécifiquement pour y arriver à la
stratégie du cannibalisme métaphysique en se servant de l’idée de personnage conceptuel de
Deleuze. Il s’explique :
Or, le problème liminaire posée par toute tentative d’identification d’un équivalent amérindien à « notre » philosophie est celui de
penser un monde constitué par l’Ennemi en tant que détermination transcendantale. Non pas l’ami-rival de la philosophie grecque,
mais l’immanence de l’ennemi de la cosmo praxis amérindienne, où l’inimitié n’est pas simple complément privatif de l’amitié, ni
une facticité négative, mais une structure de droit de la pensée, qui définit une autre relation avec le savoir et un autre régime de
vérité : cannibalisme, perspectivisme, multinaturalisme. Si l’Autrui deleuzien est le concept même du point de vue, qu’est-ce
qu’un monde constitué par le point de vue de l’ennemi comme détermination transcendantale? L’animisme poussé à ses ultimes
conséquences comme seuls les Indiens savent le faire, est non seulement un perspectivisme, mais aussi u ennemisme. P.166
Autrement dit, parti du statut légitime du cannibalisme comme structure de droit et module de
connaissance (qui pourrait se résumer par manger Autrui c’est connaître) dans la cosmologie et le
droit pratique des Amérindiens, il a alors investi la forme conceptuelle immanente de l’Ennemi
comme personnage conceptuel pour tirer les conséquences du réalisme de l’ennemisme.
Dans un ouvrage antérieur (From the Ennemy’s Point of View : Humanity and Divinity in an
Amazonian society) que résume Descola dans Par-delà nature et culture (2005), Viveiro de
Castro abouti à cette conclusion sur le perspectivisme amérindien:
Les humains, en conditions normales, voient les humains comme humains, les animaux comme animaux et les esprits (s’ils les
voient) comme des esprits; les animaux (prédateurs) et les esprits voient les humains comme des animaux (des proies), tandis que
les animaux (le gibier) voient les humains comme des esprits ou comme des animaux (prédateurs). En revanche, les animaux et
les esprits se voient comme humains; ils s’appréhendent comme (ou deviennent) anthropomorphes quand ils sont dans les leurs
propres maisons ou villages, et vivent leurs propres usages et caractéristiques sous les espèces de la culture (p. 117)
Le point de vue décrit ici fait naturellement écho à un degré divers, aux contradictions que
j’évoquais déjà plus haut sur les différences de conception ontologique de la réalité sémiotique
entre la théorie littéraire occidentale et la tradition orale africaine.
L’approche de Viveiro de Castro ouvre la voie de ce que j’appelle un réalisme sémiotique divers.
Un élargissement de la conception du texte. En effet, c’est toute l’amplitude de la qualité
mondaine du signe à travers des mondes de parole qui, tout à coup, s’ouvre comme dimension
corporelle variée, les motifs, à la conscience humaine, qui peut avec plus de justesse saisir sa
qualité de motif supputé parmi les autres motifs, ces peuplement d’alphabets qui habitent le réel,
conditionnent les réels littéraire en les nourrissant de leur substance. C’est parce que nous faisons
l’épreuve de nos corps comme motifs dans le réel domestique que nous pouvons comprendre et
nous étendre comme modalité sémiotique en théâtre dans des univers de récits standardisés. Il
nous est alors possible de concevoir qu’un objet comme la Dame qui pense suivant cette logique,
puisse convoquer une individualité autre au parfum de sa différence.

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Le courant de la biosémiotique contemporaine participe de cet élargissement de la conscience
sémiotique. En effet, comme le souligne Jos de Mul (2021) dans son article The Living Sign.
Reading Noble from a Biosemiotic Perspective:
(…) while semiotics, building on the work of Peirce and Morris, originally found its applications mainly in the domain of
linguistic and other cultural signs, with the development of biosemiotics in the past decades, its focus has expanded to the
communication of information in and between living organisms as well (…) The term, introduced at the beginning of the 1960s,
has become an umbrella term that refers to a number of related, partly overlapping, partly complementary, and partly competing
approaches at the border of the natural sciences (the life sciences in particular) and the humanities (semiotics and hermeneutics in
particular), such as Darwinian semiotics, semantic biology, zoosemiotics, and biohermeneutics. P.107
Dans cette conception, 4 postulats sont développés pour penser la sémiosis des organismes
vivants :
(…) four postulates are shared by most biosemioticians (Barbieri, 2008; Kull et al., 2009; Plessner, 2019): 1. All life forms are
characterized by semiosis, that is: processes, activities or conduct which involve the production and interpretation of codes,
signals and signs. This means that the semiosic/non-semiosic distinction is coextensive with the life/nonlife distinction, i. e. with
the domain of general biology. 2. Life is a phenomenon characterized by a psycho-physical unity. This means that biosemiotics
rejects substance dualism, such as cartesian body-mind dualism, but defends a perspectivist dualism: life can be grasped both
from the outside (by observation) and from the inside (by understanding). 3. All semiotic elements, such as information, codes,
signals, signs, their decoding, reading and interpretation are natural phenomena. This means that biosemiotics both opposes the
reductionist physicalist naturalism of orthodox Neo-Darwinism (which rigidly equates nature with elementary matter) and the
metaphysical speculations about life, as found in nineteenth century vitalism and, more recent, creationism. 4. Life is
characterized by an emergent evolutionary history, in which the semiosis becomes increasingly more differentiated and more
complex. P. 107-108

Toutefois, la reconnaissance des modalités variables des consciences sémiotiques quelle soient
humaines ou non humaines, animales ou d’objet, reste assujettie au paradigme de la guerre, de la
blessure donc, de l’exercice de la violence du motif humain sur ses semblables et autres motifs
autour, entres autres, de la question idéologique de la nature de l’écriture et du sens du signe et sa
destination. C’est le problème que soulève Pierre Déléage (dans son ouvrage Lettres mortes.
Essai d’anthropologie inversée, 2017) qui cherche à répondre à la fameuse « leçon d’écriture » de
Lévi-Strauss rapportée dans Tristes tropiques. Tel était son projet :
Qu’est-ce que l’écriture? Un outil facilitant l’asservissement et l’exploitation des hommes apparu au moment où se formèrent les
cités et les empires; puis une technologie permettant de s’affranchir d’une conscience mythique, prisonnière d’une histoire
fluctuante, de développer une rationalité scientifique capable de cumuler les acquisitions anciennes et de progresser avec orgueil
vers un but assigné. C’est dans ces termes que Claude Lévi-Strauss caractérisa l’écriture dans Tristes tropiques. (…) L’originalité
de Lévi-Strauss, c’est qu’il redéployait le triangle idéologique liant écriture, État et science à l’occasion d’une anecdote tirée de
son enquête ethnographique chez les Nambikwara du Brésil central. P. 7. (…) je conçus le projet d’en faire la pierre angulaire qui
me permettrait d’étudier les conceptions que les Indiens d’Amazonie avaient élaborées à propos de l’écriture avant même d’être
alphabétisés. P. 8. Je découvris progressivement que les Amérindiens avaient eux aussi très souvent élaboré et propagé un triangle
idéologique associant l’écriture des blancs, le pouvoir de l’État colonial et le savoir technologique sous-jacent à la fabrication des
marchandises. (…) Je découvris également que l’écriture avait été inventée à plusieurs reprises en Amazonie.
De sa découverte de l’invention de l’écriture par les Amérindiens,
Non pas l’écriture telle nous l’entendons, la notation linéaire des sons et des mots, mais une écriture conçue comme technique
d’inscription de certains mots sélectionnés, dans des chants rituels, selon des procédés précis et universels. P. 9
Il souligne alors le rôle de la littérature sur les conséquences de « (…) cinq siècles de
colonialisme sauvage qui firent de l’écriture du blanc le symbole durable et multiforme de la
conquête, c’est-à-dire de la défaite temporaire mais désarmante de l’entendement. (P.11);

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notamment dans le roman d’aventure de William S. Burroughs La machine molle, dont le
personnage principal Joe Brundige est l’incarnation d’un colonialisme militant égalitaire. Celui-
ci, percevant le monopole de l’écriture par la « caste » des prêtres mayas comme la preuve de
l’asservissement du peuple par l’organe pouvoir politique et religieux, décide d’aller vivre avec le
peuple et de les initier à la révolte. L’ennemi c’était l’écriture, les lettres de la machine étatique,
les lettres contrôles. Le programme de Brundige était clair :
Détruire plutôt que lire, découper plutôt que déchiffrer, anéantir plutôt qu’accéder à la vérité. P.266
« Coupez les lignes mots, coupes les lignes musique, (…) brûlez les livres, tuez les prêtres, tuez, tuez, tuez ». Il ne prit pas la tête
d’un nouvel État juste et droit, il ne prit pas la place des prêtres: au milieu du peuple il brûla les lettres contrôle et assista à la
destruction de l’Empire maya. Il quitta un Yucatan sombré dans l’anarchie. P. 267

À la différence de mon usage, les lettres mortes sont chez Déléage, le symbole du meurtre de
l’herméneutique coloniale sur le signifié des peuples autochtones. Signifié qui échappe à la stricte
codification phonétique ou picturale. Ironiquement, la violence de cette herméneutique s’est
justifiée elle-même comme l’acte de délivrance d’une domination sur les peuples indigènes.
Domination du religieux possesseur de lettres-contrôles.
Mais qu’est-ce donc que des lignes mots? Des lignes musiques? Comment, comme je le dis, en
échappant à la stricte codification phonétique de telles lignes constituent des paradigmes de
connaissance sur le signe, sa nature, sa constitution en texte, son réalisme et plus fondamentale,
comme épistèmè de la vie? C’est l’essence même de la calligraphie. Par calligraphie, il ne s’agit
pas du simple dessin plaisant des caractères de l’alphabet tel que c’est généralement entendu dans
la tradition Occidentale.
Je suis autodidacte. Ma calligraphie est un texte sans mots, c’est un voir dont moi-même ne
connait pas le secret. Je suis comme tout le monde, en situation d’apprentissage devant sa
manifestation. Je n’ai pas de maitre. Mon seul maitre c’est mon pinceau. Je progresse, je
rerégresse, mon pinceau est toujours au-devant, devant de moi. C’est le virtuel de mon cœur car il
faut être dans des états éthiques particuliers avec soi-même pour pouvoir calligraphier. Si
jusqu’ici, je me reconnaissais esthétiquement une connivence avec la calligraphie comme art du
Lettré dans les traditions orientales, un école a récemment attiré mon attention à la lecture de
l’article de Léon Léon Vandermeersch (2007). Je me suis reconnue dans un étrange dialogue de
similitudes tant dans le geste (au regard d’une de mes dernières expérimentations au pinceau) que
damns la po.étique explicative. Cette école c’est l’école de la calligraphie de l’ivresse. J’aurais
l’occasion dans une réflexion ultérieure de revenir sur cet improbable dialogue. Je tiens ici à
simplement en présenter les caractéristiques auxquels je n’ai accès pour l’instant qu’en source
secondaire sous l’éclairage de Léon Vandermeersch (2007). D’abord une brève présentation de ce
que c’est que la calligraphie en contexte chinois:
Pourquoi les Chinois confèrent-ils une si grande place à la calligraphie ? Parce que leur écriture est idéographique. C’est-à-dire
que cette écriture est faite, non pas d’un système de signes de signes comme les écritures alphabétiques – dont les lettres sont les
signes de phonèmes qui sont eux-mêmes signes oraux des mots –, mais d’un système de signes directs des mots, qui donne le
sentiment d’atteindre le sens des choses elles-mêmes ; (…) . Lu Ji (261-303), auteur du premier traité chinois de poétique,
explique ainsi que « la fonctionnalité de l’idéographie (wen) est d’avérer la raison de la multitude des raisons des choses, aussi
loin que s’étend l’espace, sans que rien ne l’arrête, et en traversant tous les siècles d’un seul flux ». Dans ce contexte, la

19
calligraphie, en tant que ressaisie de l’écriture au second degré, prend la valeur d’un moyen d’atteindre, au-delà du sens, la
quintessence du sens. P.195
Le grand peintre calligraphe Mi Fu (1052-1107) parle du « mouvement du pinceau comme feu illuminant la cendre du trait ». p.
196
Particularités de la graphie folle :
(…) le cas des graphies en écriture folle – plus précisément en cursive folle (kuangcao) –, qui ne sont guère lisibles que par celui
qui connaît déjà le texte traité par le calligraphe. C’est que celui-ci, dans son ivresse, se laisse posséder par une frénésie qui fait
sortir ses tracés de toutes les règles habituelles. Zhang Xu, rapporte le poète Li Qi (690-651 ?), après avoir bu, « se lève soudain
piqué par l’inspiration / poussant cris et hurlements / fait glisser son pinceau comme un météore / et éclabousse d’encre les murs
blancs ». Mais, si emporté que soit le pinceau qui les génère, ce qu’expriment les calligraphies (…) est le contraire du désordre :
un surplus de sens des choses mis en lumière à partir de leur nature profonde et qui dépasse le sens trivial des mots. P. 196 (…) à
l’opposé de la psychanalyse, le zen ne vise pas à ramener l’inconscient à la conscience, mais à éveiller la conscience à la
surconscience. Il opère, entre autres, en choquant le sens commun par un questionnement déstabilisateur dont l’argumentation fait
appel à ces sortes d’apories abracadabrantes appelées gong’an.(…) « De même qu’une fois le poisson pris, on oublie la nasse »,
dit Zhuang zi, « de même une fois le sens compris, on oublie les mots » ; encore n’est-ce que grâce au tremplin des mots que
s’opère le bond vers l’au-delà du langage. (…) Comme la maïeutique des gong’an joue sur le discours, l’écriture folle joue sur les
mots, mais sur les mots graphiques de l’idéographie, saisis dans leur dimension plastique. P.198

Élément de comparaison stylistique

Sémioias, planche 1 General and the Nameless, Étémé, 2022

Je rajouterai en conversation avec ces maitres que la calligraphie est une philosophie de
l’amplitude.
Le geste sémiotique que l’on exécute à l’échelle isolée (subjective) l’échelle domestique, a une
amplitude à l’échelle métaphysique. Cette amplitude nous convoque sur la manière dont, à
l’échelle d’une humanité qui peut se comprendre sur le prisme de l’histoire, la conscience
humaine s’est saisie comme motif, c’est-à-dire qu’elle a découvert que … ses cosmologies,
finalement ne sont que des AXIOMES DE MANUFACTURE : devant autrui, il y a toujours
l’économie d’un signe qui vient faire concurrence au nôtre… et inversement, remet le pari, LE

20
JEU SÉMIOTIQUE à zéro…tout le monde se remet à jouer, se remet à signer. Il y a déplacement,
du JE. La calligraphie est une loi de l’écart, dans le grotesque d’une prétention sémiotique, et si
la guerre, la blessure a une vertu, c’est bien cette mise à nue de ce grotesque : notre géométrie du
dire devient bouffonne vis-à-vis d’autrui quand l’universel de nos tracés devient des cosmologies
changeantes; les plateaux célestes tombent : il faut recommencer. Il faut repenser le réel et
s’inventer une pédagogie où quelques fois, nous oublions que nous sommes des motifs dans un
réel maintenant insaisissable, et dans lequel nous cherchons notre image. C’est le problème de la
fiction du pinceau que j’essaierai de résoudre dans cette thèse : comment puis-je être sans
connaître ma manifestation? C’est un problème qui ne peut se défaire que dans une
épistémologie de l’écart.
En effet, lorsqu’en début de cetexte, je commençai à réfléchir sur le problème de la réalité dans la
spéculation d’un pinceau, je commençais d’abord par la rencontre avec la Dame Qui pense, ce
moment de détonation sur l’hypothèse d’un réalisme indépendant saisissable par la convocation
(énigmatique) d’un objet. Je disais alors que si un objet, dans sa force sémiotique pouvait
convoquer une autre forme comme la subjectivité Gaëlle Étémé à la percevoir comme être de la
pensée en même temps que cet objet se surprend à se penser en face de cette subjectivité, c’est
qu’il y avait peut-être la marque d’un réalisme sémiotique indépendant de Gaëlle Étémé,
indépendant de la Dame qui pense, car Gaëlle Étémé, comme dans le papillon de Tchouang Tseu,
ne peut garantir si c’est Gaëlle Étémé qui rêve de la Dame qui pense, ou si c’est la Dame qui
pense qui rêve de Gaëlle Étémé. Qui plus est, l’expérience de pensée de Gaëlle Étémé est une
expérience de pensée augmentée, amplifiée. En comparaison, l’expérience idéelle de Tchouang
Tseu, elle est d’abord une rencontre en immanence, sur le plancher des finitudes. Il s’agit donc
d’une expérience abstraite en immanence abstraite.
Je décrivis surtout la force de cette rencontre fabuleuse par la conversion de la pensée dans le
trait. Comme si, la manifestation de la Dame Qui pense, était le symptôme d’une défaillance à
l’intérieur d’une théorie de l’Exister, une théorie du réel qui ne se pense plus ou pas comme
géométrie du dire. La Dame Qui pense m’apparaissait être le symptôme d’une facticité de nos
axiomes sur le texte parce que je me découvrais texte devant elle dans un réel qui parle, qui
infléchit ma volonté en me remettant à l’école de la ligne. Mon pinceau. Ma mythologie de
calligraphe s’était formée. Je devenais pinceau pour apprendre à être même sans me reconnaitre.
C’est la problématique du pinceau et ma question de recherche : comment puis-je être sans
connaître ma manifestation? Sur les sentiers de la réflexion, j’ai alors exploré trois grands
réalismes sémiotiques : anthropologique; poétique (dans les carrefours de divergences entre la
théorie littéraire et la tradition orale africaine) ; philosophique avec une attention particulière
portée à la phénoménologie de Merleau-Ponty et à la philosophie critique de Deleuze et Guattari.
Ce balayage conceptuel, arrimé aux réflexions que je me suis faite sur ma pratique de calligraphe
m’amènent aujourd’hui à développer des prolégomènes épistémologiques à la résolution du
problème. Ces prolégomènes, je les appelles les 3 écarts. Ces 3 écarts, ce sont les résidus
épistémologiques du pinceau dans la rencontre magique entre l’encre et la feuille, d’où la main,
défiant la pensée, renseigne, ré-enseigne le régime d’existence J’EXISTE d’une conscience
calligraphique en réinventant l’unité métaphysique du texte dans l’accouchement d’un réalisme
en absence.

LE RÉALISME SÉMIOIA : HYPOTHÈSES ET ARGUMENTS

LES 3 ÉCARTS : PROLÉGOMÈNES POUR UNE MÉTAPHYSIQUE DU TEXTE
ÉCART- I : LA CONSCIENCE OBJUETALE
Les sociétés humaines sont des syntagmes. Ce sont des phrases … Et dans ces phrases-là, tout à
coup, il y a, à l’échelle de l’histoire, une blessure qui fait que la phrase ne tient plus. Blessure de
la querelle avec d’autres phrases, blessure de la querelle avec d’autres formes d’exister. Les
lettres ou les formes calligraphiques sont des corps humiliés de s’être aperçu de l’impermanence
de leur axiome.
L’axiome de vérité J’EXISTE, à l’échelle subjective aussi bien qu’à son amplitude culturelle,
vient toujours dans un contour calligraphique particulier. Il vient toujours dans un contour
calligraphique qui est une prétention à la manipulation du réel, qui est une prétention à la façon
dont nous concevons notre sens même dans le monde. … ce qui est une prétention à la régulation
de la vie. Et dans le fond, l’axiome J’EXISTE, c’est finalement le design d’une condition
calligraphique qui s’établit dans le réel avec une force. Mais cette conscience, soit notre force de
motif humain, se fait en quelque sorte toujours ébranlée dans des moments d’écart du signe avec
lui-même. La violence coloniale qui définit la rencontre de tous les indigènes du monde inscrits
dans l’écoumène (colons et opprimés) en est un exemple édifiant. C’est le moment de la grande
stupeur. De part et d’autre, il y a dévisagement du motif dans la blessure, dans le crime. Les
certitudes du design de l’Exister, un réel que l’on croyait connaître, qu’on avait habité jusque-là
dans des théories de formes, succombent devant la gestuelle d’un pinceau qui s’est présenté au
regard : l’Autre. Le corps de l’Autre qui s’affirme dans la virulence d’une condition sémiotique.
Elle aussi s’écroule devant la rencontre du signe. C’est le moment de la supercherie révélée : nos
cosmologies ne sont peut-être pas vraies. C’est une équation de réalité qui vient de changer ou de
se densifier, soit, la construction syntagmatique d’une logique d’habitat dans l’écoumène. La
rencontre coloniale est la perturbation dans un phrasé. Le signe fait « homo » est devenu jouet
dans une nouvelle quête spirituelle du réel, d’abord dans la simple fascination puis dans le crime:
Dans les Grandes Antilles, quelques années après la découverte de l’Amérique, pendant que les Espagnols envoyaient des
commissions d’enquête pour rechercher si les indigènes possédaient ou non une âme, ces derniers s’employaient à immerger des
blancs prisonniers afin de vérifier par une surveillance prolongée si leur cadavre était, ou non, sujet à la putréfaction. (Lévi-
Strauss, Race et Histoire, P. 21)

22
Le testament d’oraliture d’Hampâté Bâ, Amkoullel l’enfant peul. Mémoires (dans lequel le
traditionnaliste retrace l’épopée de sa famille depuis les guerres qui opposèrent les Peuls de
l’Empire du Mali aux Toucouleurs dans la région du Macina au Mali, jusqu’à l’installation
coloniale), présente dans un souvenir plus cocasse, la découverte de la conscience calligraphique
comme paramètre chimérique. Retour dans l’enfance d’Hampâté Bâ :
Tout ce qui touchait de près ou de loin aux Blancs et à leurs affaires, y compris leurs balayures ou leurs ordures, était tabou pour
les nègres. On ne devait ni les toucher ni même les regarder! Or, un jour, j’entendis le cordonnier Ali Gommi, un ami de mon
oncle maternel Hammadoun Pâté, déclarer que les excréments des Blancs, contrairement à ceux des Africains, étaient aussi noirs
que leur peau était blanche. Je rapportai sans tarder cette étrange information à mes petits camarades. Une discussion s’ensuivit, si
violente que l’on faillit en venir aux mains. Daouda et moi étions comme toujours du même avis, tandis que nos camarades (…)
s’opposaient violemment à nous.
« D’accord, criaient-ils, on peut parfois mentir, mais au moins le mensonge doit rester dans les limites permises! (…) ». (…) Les
Blancs avaient leur quartier d’habitation sur la rive gauche du Yaamé, et les indigènes de Bandiagara sur la rive droite. P. 198-199
(…) Cachés par les hautes herbes, nous nous approchons et nous y postons pour explorer les lieux, quand un évènement inespéré
vient faciliter notre entreprise. Une file de prisonniers enchainés s’avance, chacun d’eux portant sur la tête un grand seau. (…). Le
vent, qui souffle dans notre direction, amène à nos narines une odeur révélatrice qui n’a vraiment rient à voir avec le fumet de la
cuisine des Blancs. Nous nours regardons ébahis : « Mais ce sont les excréments des Blancs que les prisonniers transportent là! »
(…). Même en observant la scène de loin, nous sommes vite convaincus : les Blancs déposent « mou » et « noir ». C’est la preuve
que nous avions raison. Découvrant un peu plus loin un journal abandonné, nous y empaquetons le mieux possible un peu du
« corps du délit » pour le rapporter en ville. (H. Bâ, 2002, p.200-2001)
Conceptualisation de l’objuet
L’indigène agressé est un paramètre chimérique comme l’agresseur est un paramètre chimérique.
Et ils ne deviennent ni des JE … ni se conçoivent comme JE …Ils ne sont jamais l’un vis-à-vis de
l’autre, des consciences subjectives pleines… libres réellement… Ce ne sont ni totalement des
jouets… mais chacun joue de l’autre… et en même temps, ce ne sont pas tout à fait des OBJETS
au sens où ce ne sont pas des apparitions stabilisées… ni pour l’un ni pour l’autre… CE SONT
DES OBJUETS.
L’objuet est donc la rencontre du motif humain avec lui-même dans son interrogation sur le réel.
Plus précisément :
Dans la banalité merveilleuse comme dans l’horreur, l’objuet est toujours l’extension
technologique du motif humain JE qui s’est saisit comme paramètre chimérique. Dans l’écart qui
s’ouvre dans la nouvelle conquête de sens du signe au signe, il y a toujours une mutation
alphabétique du monde.
Les civilisations sont des êtres-pinceaux, ce sont des consciences objuetales, elles sont des
Dames Qui pensent, car toutes les sociétés rêvent l’évidence de leurs certitudes. Elles sont en ce
sens, des Équations humbles, des paris syntagmatiques, des logiques computationnelles,
compositionnelles de la morphologie du signe dans une économie du sol (l’humblus).
Et les syntagmes de réalité en blessure, chantent les oraisons de leur déréalité. Ils chantent le
chant de l’axiome dans la fissure de l’Exister. Ils chantent leur alphabet des souffrances.
Lettres mortes, lettres agitées. Nos corps frétillent sur le plancher des civilisations. L’axiome est
une géométrie du dire. Un soldat tombé dans les arrière-mondes de la forme.

23

. Ainsi, chaque fois que l’on dit JE, on devrait dire en réalité, il était une fois, l’Objuet.

ÉCART-II : LE CLAVIER-TOMBEAU
Le deuxième écart c’est la métabolisation de la conscience objuetale en trait d’union pour
qu’enfin, le motif humain, puisse s’embrasser comme lettres, parmi d’autres lettres, dans un réel
qui signe et le signe.
L’objuet (la Dame Qui pense) est un trait d’union. C’est un paradigme de transition ontologique
entre l’énoncé et la connaissance. Soit entre JE qui questionne par le langage et la connaissance
qui lui apparait alors en esprit, comme une galaxie bien distincte de lui, mystérieuse, éloignée
mais en lui.
JE qui questionne est une forme, qui s’est classée parmi les autres formes. Chaque fois qu’il
s’énonce, pour se dire comme pour se raconter, il performe le rituel du langage, celui qu’il dit
avoir inventé, l’instrument de sa conscience, de son appréciation d’être. Mais d’où vient-il alors
que subsiste cette contradiction permanente de se dire maitre du signe, d’un monde, (du monde)
et d’un esprit, (son esprit) dont les sémiotiques lui échappent toujours comme du sable entre les
doigts puisque le sens est toujours en échappée? Où va cette échappée du signe comme sens?
Quelle est sa demeure? Le monde ou l’esprit? Et d’où nous vient-il que malgré la maitrise du
langage, malgré son apprentissage instrument, la matière, la chose, le réel se déploient toujours et
continuellement dans l’émoi onirique de la découverte? La découverte des premières fois. Écrire,
regarder vraiment, n’est-ce pas vivre le premier matin de sa pensée? Et nous recommençons par
l’énigme du langage. Mais la tension est dans l’illusion de la domesticité du langage.
Cette tension, c’est le souvenir et l’oubli non pas d’une ustensilité du signe sous l’égide de la
subjectivité JE. Mais plutôt le trait d’union effacé entre la conscience et la lettre, c’est le
problème oublié de l’essence de la calligraphie comme transition ontologique pour permettre au
motif de se comprendre.
Or, le langage ne lui est pas donné, nous l’avons vu. Il a dû se découvrir dans la facticité de ses
axiomes. Il a dû se révéler à lui-même dans sa rencontre avec autrui comme un Dame Qui pense,
une subjectivité, une civilisation être-pinceau qui s’ignore. La Dame Qui pense, dans l’épreuve
des fictions, sait maintenant qu’il y a des lettres et des lettres agitées. Elle connait tout au mieux,
la vraisemblance du motif, humain, non-humain, qui se délie comme conscience calligraphique.
Tout est motif. Ceux qui s’appellent « Hommes » sont des motifs comme des montagnes qui
s’appellent eau, comme eaux s’appellent rien. Vide est un motif sans image en apparence. Elle
connait tout au mieux, leur tonalité, car de la vibration nait le trait, du trait le phénomène, comme
si, la conscience était un bruit où l’œil est une oreille. Ce qui se manifeste à la Dame Qui pense

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enseigne. Ce qui se manifeste comme motif est un alphabet. Et le motif humain est un alphabet
du monde. Rien n’est instrument. Trait d’union effacé. Il y a des alphabets qui nous regardent
depuis les parois du réel.
Mais la scène intérieure du motif humain est une scène du crime : le crime écologique, le crime
cosmogonique ou l’attentat porté au PEUPLEMENT D’ALPHABETS qui compose le réel
mondain, dans le truchement des formes et le vivre de la condition idéelle. L’objuet est donc un
pinceau qui est sans connaître sa manifestation. L’objuet est un pinceau qui s’interroge. La Dame
Qui pense c’est l’émergence du réel comme CLAVIER-TOMBEAU dans lequel la civilisation des
formes s’éteint dans l’amenuisement des murmures du monde. Elle doit résoudre son « Qu’est-ce
qui s’est passé? » en renouvelant les cadres de sa poétique. Le trait d’union effacé. C’est-à-dire,
repenser la théorie du texte et de l’écriture autour de la compétence sémiotique du réel.
En effet, deux points aveugles gouvernent le réalisme du signe dans les théorie du texte. Je les
appelle l’existif et l’abnonction.

Énoncé
Un signe peut être doué d’un excistif, soit d’une volonté, donc d’une supputation qui lui est propre
à vouloir s’énoncer lui-même… et un signe peut être en abnonction devant un locuteur.
Explication
Ce n’est pas parce que je suis un locuteur qui est doué de parole, que je suis capable de percevoir
le travail sémiotique de la forme qui est devant moi et que je ne perçois peut-être même pas.
Conséquence
Cela m’amène en fait à proposer la thèse suivante : le SIGNE EST UN VIVANT MONDAIN.
C’EST UN EXISTIF. Je dis LE SIGNE EST VIVANT.
1/ Non pas parce qu’il est le produit d’un locuteur humain. Mais parce qu’il est un UN EN-SOI,
MANUFACTURÉ PAR SA MANUFACTURE ET MANUFACTURE LUI-MÊME LE MOTIF
HUMAIN EN « MOTIF » À SES YEUX
2/ Non pas parce qu’il est vivant bio-sémiotiquement en tant que langage encodé d’un organisme
vivant… mais parce qu’il est une espèce dans l’espèce qu’est le réel car le réel signe … LE SIGNE
EST UNE ESPÈCE
3/ le signe est vivant non pas parce qu’il est un voyage de la parole à travers le temps
(intertextualité) mais parce qu’il est le merveilleux … IL EST UN ANTÉCÉDENT DE
VOLONTÉ qui se fictionnalise dans les possibilités d’existence (si on le considère effectivement
comme étant un acte de parole dont le régime se perd mais n’arrête pas de se consommer à travers
le temps, à travers les âges une parole qui voyage, et que cette parole donc se transforme, cette
parole-là se manufacture, elle est un antécédent. Elle est quelque chose qui est avant même l’idée
de volonté. Et parce qu’il est un antécédent de volonté, il est la racine même du merveilleux, la
racine d’un étonnement produisant des possibilités)

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LE RÉALISME DE LA SÉMIOIA
Le réel est un signe, c’est un vivant mondain et il est doué d’un existif, c’est-à-dire d’une une
supputation du signe à vouloir vivre et de s’énoncer par lui-même et cet existif peut s’énoncer
dans le silence que ne peut saisir la coutume, c’est-à-dire l’abnonction. ET L’ENSEMBLE DE
CETTE OPÉRATION S’APPELLE SÉMIOIA.

Définition :
Sémioia… porte la racine, latin SÉMIO = SIGNE, MERVEILLE ; IA renvoie à l’idée DES
INDIGÉNÉITÉS DE NOS AXIOMES & ÂME. En même temps, ces axiomes-là sont des
fabulations de l’âme, il y a donc ce double jeu avec le A qui est à la fois la relation avec l’axiome,
la dimension avec l’âme. C’est la dimension indigène, c’est-à-dire, la manière dont nous
occupons et nous habitons le réel, SÉMIOIA … C’est le grand paramètre, le grand ordinateur. IL
EST CELUI QUI ORDONNE … celui qui construit et celui, fabule des équations, fabule des
potentialités, fabule des versions finalement à partir desquelles les motifs dans leur grande
variabilité peuvent se donner existence. Ce qui n’empêche pas de penser par exemple de savoir
une circularité entre les motifs des métamorphoses, évolutions, ce que je dis c’est que, quelles
que soient les opérations internes que les motifs vivent, il y a d’abord la pensée de dire q, ue ces
motifs-là sont en fait des variations produites par la computation même, c’est-à-dire par la
spéculation même du grand signe qui est la Sémioia… et que cette spéculation fabrique des
rapports d’indigénéité, des formes indigènes … des plantes sont des formes indigènes … le nuage..
Le motif humain est une forme indigène,

ÉCART-III : LA PARTICULE NJNO (note d’oubli, note de joie)
Le 3è écart, c’est l’idéalité d’une question objuetale, le paramètre cognitif du pinceau qui
organise la vibration comme méthodologie. Il y a un lyrisme conducteur dans l’être de la
question : comment puis-je être sans connaître ma forme? Telle est la tribulation du pinceau de sa
transition ontologique de conscience objuetale en particule de la Sémioia. Si la Sémioia est ce
trait d’union effacé, cette altérité ultime, extérieure à moi qui me produit puisque je puise ma
substance de la danse des motifs se mouvant sur le clavier de nos certitudes, lettres mortes, lettres
agitées, se pourrait-il alors qu’être sans connaitre sa forme puisse être une possibilité de la forme?
Alors je serai une anté-catégorie. Je serai ce paramètre qui ne dit jamais « J’accuse », mais qui dit
plutôt, « Je viens ». Je suis un réel qui n’est pas encore né. Je suis une stance de l’immémorialité
du signe. Sortir de la Catégorie, embrasser le Variat. Voici la parole oubliée du pinceau, voici la
manifestation de sa joie. Des générations de motifs s’engendrent dans l’engendrement du rien. La
note de joie est un Nameless, l’épopée d’une cendre mythologique qui chante le canon
d’inexistence de sa probabilité, l’oubli c’est le tracé de la chance et la blessure des conquêtes. De
l’oubli, vomit toujours un alphabet, sortons de la souffrance, une nouvelle table épistémique est

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possible. Elle s’appelle njno, une ode à la liberté qui sautille dans les vestiges du paradis. Et le
pinceau se déposa dans une respiration. Il ne lui restait plus qu’à s’écrire en traité de 5 familles
linguistiques pour proposer une métaphysique du texte.
Le Sil (sèmes impossibles libres), Les Contamines, Le Dragon dans le texte, La Wonder-Shi et Le
Sémiome. Ces classes linguistiques nous apprennent que JE n’est pas suffisant pour se
comprendre. JE n’est pas celui qui « voit », mais celui qui vient. Il est la Sémioia, le réel qui n’est
pas encore né. Ainsi s’achèvera la Sémioia, ou le problème de la réalité dans la spéculation d’un
pinceau.

DOSSIER CRÉATION
La création va se baser sur les 3 écarts autour d’une fiction épistémologique nommée :
Sémioa, l’énigme du clavier tombeau

CONTENU
DESCRIPTIF
LE CHANT DES NAMELESS
DOSSIER VISUEL1 : AU PAYS DES NAMELESS = MORCEAUX DE FRESQUE DU
MAUSOLÉE DÉCRIVANT LA VIE D’UN AILLEURS, D’UN AUTRE TEMPS, D’UNE
AUTRE
FOIS.
TRAILER DRAFT
DOSSIER VISUEL 2 : EQ-CITY POUR LA PARTICULE NJNO

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SÉMIOIA, L’ÉNIGME DU CLAVIER-TOMBEAU
DESCRIPTIF

Un mystérieux clavier-tombeau d’une civilisation qui a cherché à aller à EQ-City. Les Nameless dont nous
n’avons alors que le clavier d’écrire. Des fresques de leur vie et un chapitre inconnu qui semble vouloir
s’écrire à même le clavier. Chaque touche de clavier est une stèle. Sur chaque stèle, une image, comme
de morceaux de séquences d’une action. Aucun nom. Ce sont les Nameless; quelque part, figure un
général, un homme qui tient un pistolet. Fait étonnant : toutes les figurations de cet espace sont rouges.
Une conscience figée dehors, dans le temps spectral d’une écriture qui se cherche. C’est une figure de
l’écrivaine, prisonnière d’un espace indicible, infranchissable. On la rencontre comme hologramme figée
à sa tâche du réfléchir. Peut-être communique-t-elle avec l’immense masque d’effroi qui surplombe le
mausolée? Qui est ordinateur des deux? Faute de mieux, on appelle ce tombeau « General and The
Nameless ». Pourtant figure l’inscription « EQ-City »
Quelque part au loin, un objuet rêve, une Dame Qui pense. Elle rêvait de composer l’équation de sa
réalité. Mais les syntagmes de sa musique intérieure n’offrent pas encore la bonne formule. EQ-City, la
cité équation. Tout le monde veut y aller.
L’objuet ne sait pas encore qu’il rêve d’aller à EQ-City. La Dame Qui pense attend, comme l’écrivaine
hologramique. Compose, pianote, calcule. Il est dit
« Oui, nous retrouverons les clés de la cité quand nous
aurons appris à chanter
virevoltant à l’odeur de la vie, nous ne serons plus jamais les mêmes ».
Qui sont les Nameless?
Un récit de guerre, un récit de fuite, un récit de joie, un récit de danse, et un singe parla tandis que
l’oiseau rouge tendait l’oreille. Qui sont les Nameless?
Sommes-nous sûres que les Nameless sont des humains? Et si les Nameless étaient la nature?

28
Figure 1 un soldat Nameless,
calligraphie sur vitre

Bang! bang! Ils fuient. Puis ils se sont fermés à notre regard.
Il y a des danseurs, des chimères,
Le ciel des Nameless est un ciel rouge, allons-nous-en mon ami
Trouver meilleure toiture

Ainsi s’achèvent les indices.

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Figure 2 Figure de touche
de clavier, calligraphie sur
papier

Figure 2 General, calligraphie sur vitre

SÉMIOIA OU L’ÉNIGME DU CLAVIER-TOMBEAU

Le projet: est une installation en 3 actes dans
laquelle s'érige un mausolée, le mausolée des
Nameless aussi appelé Clavier-tombeau dans
lequel les spectateurs pourront non seulement
se promener mais participer aussi à l'énigme
du déchiffrage du Mausolée. C'est le clavier-
tombeau tombeau est immense ordinateur
composé:
1/ d'un clavier dont les touches sont en réalité
des tombes sur lesquels aucun nom n'est
inscrits, mais portent plutôt des séquences
d'une immense fresque semble décrire un récit,
peut-être un chant de guerre d'ailleurs, d'un
autrefois, d'un autre temps, que nous humains
semblons connaitre mais avoir oublié. Parce
que les visages, les formes apparaissant sur chaque touche sont anonyme, la mémoire des lieux
les a appelé les "Nameless". Qui sont les Nameless? Sommes-nous sûrs qu'ils s'agit d'humains?
Et si c'était la nature, tout se récit peint uniquement à l'encre rouge?;
2/ d'un masque d'effroi qui va surplomber le mausolée. C'est peut-être luji le
véritable ordinateur, la conscience mythique branchée à notre modernité et qui semble murmurer
l'hymne des Nameless. Ce masque, est peut-être, le premier être qui a voulu raconter la tragédie
des Nameless. D'ailleurs, à bien y regarder, sur la fresque, on voit un général, "bang! Bang!" Il
tire, et le signe se ferma à nos yeux;

30

Figure 3 La modélisation- un mausolée-ordinateur

3/ la station hologrammique d'une écrivaine, Gaëlle Étémé, coincée dans un présent immémorial,
un jour, quelque part à Montréal, entre novembre et octobre 2022, alors, qu'il faisait beau, elle
sent l'urgent d'aller chez Omer de Serre, elle achat du pastel rouge372.5, elle, calligraphe, qui ne
peint jamais à la couleur, toujours à l'encre
noir. Tout coup, l'urgence se transforme en
la frénésie d'un geste calligraphique qui
dura 2h. Cela semblait beau, mais elle ne
savait ce qu'elle avait écrit. De retour dans
son Sherbrooke, janvier, 2023, un matin,
elle sait. Elle se lève, saisit la lentille de
son téléphone et observe ses planches qui
lui livre le récit microscopique de l'encre
rouge, qui accouche, comme un ventre,
d'un récit de guerre, d'un récit de joie, d'un
récit de fuite, d'un récit de danse.
C'est le
récit
que
portera
le
clavier,
le récit
de General and the Nameless, le récit du clavier-tombeau.
Que s'est-il passé? un langage se dégage de tout cela, le
langage mystérieux des Nameless, ce langage, elle l'appela
Sémioia, pour rappeler que le signe, le trait est un objet
d'émerveillement, comme le veut la racine latine de sémio=
signe, merveille. Elle rajouta "ias" san trop savoir pourquoi.
Là est toute l'énigme. Les 3 actes, constituent les 3 postes
d'une installation qui aura peut-être lieu dans un cube blanc
dans lequel seront projet en mapping, le mausolée construit
en 3D soit: le clavier qui comporte 313 touches relatives aux
313 séquences d'action photographiées par l'écrivaine hologrammique. Les dimensions des
touches sont à explorer.

31
Figure 4 élément du mausolée, calligraphie sur vitre
Mais j'allais avec l'idée de 22'' pour chaque touche=une tombe. Le masque devrait faire au moins
pieds. Les caractéristiques de l'hologramme de la conscience située à l'entrée du mausolée sont à
développer. En résumée: Sémioias, l'énigme du clavier-tombeau est une installation multimédia
en 3 actes qui décrit sous la structure d'un mausolée un récit de guerre, un récit de joie, un récit de
danse, d'une civilisation disparue,
ni tout à fait humaine, ni tout à fait
non humaine, qui s'appelle les
Nameless, et à travers lequel, les
visiteurs seront amener à
déchiffrer ce qui s'est passé. plus
concrètement, ils vont participer à
la reconstitution de la dramaturgie
du récit que semble vouloir activer
le clavier en déposant dans le
mausolée des morceaux de vers
pour construire le chant des
Nameless. C'est le masque, qui en
cerveau artificiel (AI), va co-
générer des possibilités
d'interprétations conjuguées entre
les vers des visteurs, le récit de
l'artiste et les images du clavier,
des versions infinies du chant épique des Nameless.

Œuvre numérique, multimédia et participative
Le Clavier GAN aussi appelé Clavier-tombeau est un clavier dans lequel se déploie l’énigme
d’une fresque à déchiffrer. Cette fresque semble dépeindre un récit de guerre. L'objectif:
Comment par le rouge construire l’empathie? En effet, le fait que les éléments visuels de ce
mausolée soit entièrement rouge n'est pas un hasard. Rouge comme le sang. le lien, les passions,
mais rouge aussi comme la capacité de voir à travers nos différences. La symbolique du clavier
est très importante aussi parce que l'interprétation est très subjective, et ce qui compte finalement
c'est de savoir le récit que nous composons à travers notre façon de percevoir les choses. C'est
une musicalité intérieure qui se dépolie à chaque fois qu'un visiteur inventera un vers à partir des
combinaisons et des associations entre les touches qu'il aura choisi. Cette musicalité, c'est déjà un
chant des Nameless. Comment peut-on être empathiques avec des invisibles, des sans-noms, tous
ces êtres tombées de nos guerres intérieurs, de notre rapport à l'étrangéité. C’est notre sens
mythologique qui est rejoué, soit notre capacité il était une fois "nous".

32

Nous sommes les Nameless (chant)

Nous retrouverons les clés de la cité
quand nous aurons appris à chanter
Nous sommes les Nameless
d’un pays perdu
quelque part derrières les
nuages
tout est noir et gris
mais je te promets
les couleurs y sont vives
rouges comme la vie

Nous retrouverons les clés de la cité
quand nous aurons appris à chanter
Qui a dit que les Nameless ne connaissaient pas la douceur?
Seul le ciel qui parjure contre nous
Conspire aussi de bonté
Soyons reconnaissants mes frères
Nous qui portons les armes de l’espérance
Jamais le général ne nous retrouvera

Nous retrouverons les clés de la cité
quand nous aurons appris à chanter
Allez le Nameless il
parait qu’Essa
n’est pas
loin,

33

le pays
de ceux qui sont sombres et noirs
on voit leur âme blanche
danser entre les lignes
Qui a dit que les Nameless ne connaissaient pas la
douceur?
C’est l’histoire d’un autre fois
d’une parole perdue
derrière les feuilles
de l’arbre qui
regarde
les roches éblouissent
le feu est un enfant joyeux

Oublie l’oncle qui est mort
Oublie le père qui trahit
Oublie de te savoir comme déception
le soleil derrière moi est sorti pour m’encourager
Nous sommes d’un pays loin
d’un autre fois merveilleux
il me suffit de
lever les yeux aux nuages
pour m’y reconnaître
j’aimerais qu’ils m’amènent
dans leur
drôle de
migration

Nous sommes les

34

Nameless,
Un
peu heureux
vite, vite,
Général, creuse ta
tombe
tu ne nous attraperas pas
nous retrouverons les clés de la cité
quand nous aurons appris à chanter
Qui a dit que les Nameless ne connaissaient pas la douceur?
EQ! EQ! EQ!

Nous venons à toi, notre cité
là derrière les nuages. là où les gens sont tout sombres
et noirs. On voit leurs âmes blanches
bâtir des amitiés de sable solides. C’est de la plus
belle architec –
ture
EQ. EQ
Un paradis s’est glissé entre
Une montagne tombante
la main saisit la forme de ses doigts de fil
Nous sommes les
Nameless
dieu échoue de
son arbre
car nous sommes
éternelles, cendres
sans cesse renouvelées

35

nous dansons le
feu de la vie
trop heureux de
n’être
rien

nous retrou-
verrons les
clés de la cité quand
nous aurons appris
à chanter.
Général débusqué
se trouve en nous
Qui a dit que les
Nameless ne connaissaient pas
la douceur?

36

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