La terre vue de l’espace, c’est exactement le même plaisir de vivre la beauté que celui ressenti à la vue d’une fleur, tel que décrit par Kant dans sa critique de la faculté de juger.
Ainsi quand Michel, Marlene et moi à Grandes-Iles regardons par la fenêtre son jardin, on est saisi par la beauté du monde qu’il représente. Même la fleur qu’elle vient de déposer dans un pot sur la table, quand on la regarde, on est saisi subjectivement par un sentiment de beauté.
Comme le dit si bien Kant, tout objet ne porte pas objectivement la beauté en soi. Le sentiment de beauté est qualitatif. Mais c’est le nombre de personnes qui ressentent le même sentiment de beauté qui nous fait pressentir qualitativement et subjectivement que CE SENTIMENT DE BEAUTÉ POUR TEL OBJET EST UNIVERSEL.
Mais quand Michel et moi, de la fenêtre de l’intérieur de la maison de Grandes-îles, voyons Marlene jardiner, on est saisi par un sentiment SUBJECTIF DE LA BEAUTÉ DE SA VIE PERSONNELLE OEUVRE D’ART, parce que par son rêve big-bang, elle prend soin de la beauté du monde (L’homme qui plantait des arbres de Giono par le dessin animé de Frédéric Bach nous donne exactement le même sentiment subjectif à tendance universelle).
Avant la vue en direct de la terre d’une capsule spatiale dans l,espace et surtout avant l’invention du téléphone intelligent et sa possession par des milliards de nano-personnes-humaines-planétaires, il était tout à fait impossible d’imaginer que la TERRE puisse être vécue dans un sentiment de BEAUTÉ UNIVERSELLE AVEC LA MÊME INTENSITÉ QUE NOUS DONNE LA VUE D’UNE FLEUR.
Mais bien plus, cette terre étant infiniment errante dans une espace cosmologique énigmatique, le sentiment du SUBLIME KANTIEN, autant MATHÉMATIQUE QUE DYNAMIQUE, vient nous saisir d’une émotion parfois tragique, parfois dramatique, parfois épique.
Mais c’est la DIFFÉRENCE (QUI VIENT DE NOTRE ÉQUIPE DE RECHERCHE…AULD, WOODARD, ROCHETTE… ET NON DE KANT) ressentie entre le sentiment subjectif de la BEAUTÉ (selon la définition de Kant) et celui du SUBLIME (aussi selon la définition de Kant) qui rend urgente d’une action éco-politique-esthétique par la nano-citoyenneté-planétaire et l’élection dans un deuxième tour par tirage au sort, d’un conseil nano-planétaire des 125 justes.
En conséquence de quoi, la beauté du jardin de Marlene, comme la beauté d’une de ses fleurs cueillies, comme la beauté de la vie personnelle œuvre d’art de Marlene la jardinière inspirée PAR SON RÊVE BIG BANG, nous sensibilise aussi au fait que L’INVENTION D’UN NOUVEL OUTIL DE NANO-DÉMOCRATIE-PLANÉTAIRE fait aussi partie du frisson subjectif ontologique de beauté pour que la partie tragique, dramatique d’un sublime potentiellement négatif (catastrophique) passe d’une PRAXIS ÉPIQUE à UN JARDINAGE UNIVERSELLE DE CETTE BEAUTÉ DU MONDE À PRÉSERVER À TOUT PRIX.
Il en dépend de la survie même de l’espèce humaine
WOW-T=2.7K?… EN EST L’ALLÉGORIE PHILOSOPHIQUE-COSMOLOGIQUE DONT L’OBJECTIF EST D’INVITER CHAQUE NANO-PERSONNE HUMAINE- PLANÉTAIRE à une vie personnelle œuvre d’art par quatre questions
1: QUEL EST TON RÊVE-BIG-BANG?
2: DANS COMBIEN DE JOURS?
3: QU’AS-TU FAIS POUR TON RÊVE- BIG-BANG AUJOURD’HUI?
4: COMMENT TON RÊVE BIG-BANG PREND-IL SOIN DE LA BEAUTÉ DU MONDE?
Le tout pour conduire à une nano-citoyenneté-planétaire don t la cinquième question en est le fondement:
5: COMMENT NOS RÊVES-BIG-BANG PRENNENT-ILS SOIN DE LA BEAUTÉ DU MONDE?
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Kant
La critique de la faculté de juger
traduction inédite par Alain Renaut
éditions Aubier, bibliothèque philosophique
Paris 1995
P.225
extrait
LIVRE 2
PARAGRAPHE 23
passage du pouvoir de juger du beau
à celui de juger du sublime
Passage de la faculté de juger du beau à celle de juger du sublime.
Le beau et le sublime s’accordent en ce que tous deux plaisent par eux-mêmes. En outre, ni l’un ni l’autre ne supposent de jugement sensible ni de jugement logiquement déterminant, mais un jugement de réflexion ; par conséquent la satisfaction qui s’y attache ne dépend pas d’une sensation, comme celle de l’agréable, ni d’un concept déterminé, comme celle du bien, quoiqu’elle se rapporte à des concepts, mais qui restent indéterminés ; elle est liée à la simple exhibition ou à la faculté d’exhibition ; elle exprime l’accord de cette faculté ou de l’imagination dans une intuition donnée avec le pouvoir de fournir des concepts que possèdent l’entendement et la raison. Aussi le beau et le sublime ne donnent-ils lieu qu’à des jugements particuliers, mais qui s’attribuent une valeur universelle, quoiqu’ils ne prétendent qu’au sentiment de plaisir, et non point à une connaissance de l’objet.
Mais il y a entre l’un et l’autre des différences considérables. Le beau de la nature concerne la forme de l’objet, laquelle consiste dans la limitation ; le sublime, au contraire, doit être cherché dans un objet sans forme, en tant qu’on se représente dans cet objet ou, à son occasion, l’ illimitation[1], en concevant en outre dans celle-ci la totalité. D’où il suit que nous regardons le beau comme l’exhibition d’un concept indéterminé de l’entendement, le sublime, comme l’exhibition d’un concept indéterminé de la raison. D’un côté, la satisfaction est liée à la représentation de la qualité ; de l’autre, à celle de la quantité. Autre différence entre ces deux espèces de satisfaction : la première contient le sentiment d’une excitation directe des forces vitales , et, pour cette raison, elle n’est pas incompatible avec les charmes qui attirent la sensibilité et avec les jeux de l’imagination ; la seconde est un plaisir qui ne se produit qu’indirectement, c’est-à-dire qui n’est excité que parle sentiment d’une suspension momentanée des forces vitales et de l’effusion qui la suit et qui en est devenue plus forte; ce n’est plus par conséquent l’émotion d’un jeu, mais quelque chose de sérieux produit par l’occupation de l’imagination. Aussi le sentiment du sublime est-il incom patible avec toute espèce de charmes, et comme l’esprit ne s’y sent pas seulement attiré par l’objet, mais aussi repoussé, cette satisfaction est moins un plaisir positif qu’un sentiment d’admiration ou de respect, c’est-à-dire, pour lui donner le nom qu’elle mérite, un plaisir négatif.
Mais voici la différence la plus importante, la différence essentielle entre le sublime et le beau. Considérons, comme il est juste, le sublime dans les objets de la nature (le sublime dans l’art est toujours soumis à la condition de s’accorder avec la nature) et plaçons à côté la beauté naturelle (celle qui existe par elle-même) : celle-ci renferme une finalité de forme, par laquelle l’objet paraît avoir été prédéterminé pour notre imagination, et elle constitue ainsi en soi un objet de satisfaction ; mais l’objet qui excite en nous, sans le secours d’aucun raisonnement, par la simple appréhension que nous en avons, le sentiment du sublime, peut paraître, quant à la forme, discordant avec notre faculté de juger et avec notre faculté d’exhibition, et être jugé cependant d’autant plus sublime qu’il semble faire plus de violence à l’imagination. On voit par là que nous nous exprimons en général d’une manière inexacte, en appelant sublime un objet de la nature, quoique nous puissions justement nommer beaux un grand nombre de ces objets ; car comment peut-on désigner par une ex pression qui marque l’assentiment ce qui en soi est saisi comme discordant ? Tout ce que nous pouvons dire de l’objet, c’est qu’il est propre à servir d’exhibition à une sublimité qui peut être trouvée dans l’esprit; car nulle forme sensible ne peut contenir le sublime proprement dit : il repose uniquement sur des idées de la raison, qui, bien qu’on ne puisse trouver une exhibition qui leur convienne, sont arrêtées et rappelées dans l’esprit par cette disconvenance même que nous trouvons entre elles et les choses sensibles. Ainsi, le vaste Océan, soulevé par la tempête, ne peut être appelé sublime. Son aspect est terrible, et il faut que l’esprit soit déjà rempli de diverses idées pour qu’une telle intuition détermine en lui un sentiment qui lui-même est sublime, puisqu’il le pousse à négliger la sensibilité et à s’occuper d’idées qui ont une plus haute destination.
La beauté de la nature (celle qui existe par elle-même) nous découvre une technique naturelle, et nous la représente comme un système de lois dont nous ne trouvons pas le principe dans notre entendement; ce principe, c’est celui d’une finalité relative à l’usage du Jugement dans son application aux phénomènes, et de là vient que nous ne les rapportons plus à la nature comme à un mécanisme sans but, mais comme à un art. Par là, il est vrai, notre connaissance des objets de la nature ne se trouve point étendue, mais notre concept de la nature cesse d’être le concept d’un pur mécanisme, il devient celui d’un art, et cela nous invite à entreprendre de profondes recherches sur la possibilité d’une telle forme. Mais dans ce que nous avons coutume d’appeler sublime de la nature, il n’y a rien qui nous conduise à des principes objectifs particuliers et à des formes de la nature conformes à ces principes, car la nature éveille surtout les idées du sublime par le spectacle du chaos, du désordre et de la dévastation, pourvu qu’elle y montre de la grandeur et de la puissance. On voit que le concept du sublime de la nature n’est pas à beaucoup près aussi important et aussi riche en conséquences que celui du beau, et qu’il ne révèle en général aucune finalité dans la nature même, mais seulement dans l’ usage que nous pouvons faire des intuitions de la nature, pour nous rendre sensible une finalité tout à fait indépendante de celle-ci. Le principe du beau de la nature doit être cherché hors de nous, celui du sublime en nous-mêmes, dans une disposition de l’esprit qui donne à la représentation de la nature un caractère sublime. Cette observation préliminaire est très-importante ; elle sépare entièrement les idées du sublime de celle d’une finalité de la nature, et elle fait de la théorie du sublime un simple appendice au jugement esthétique de la finalité de la nature, puisque ces idées du sublime ne représentent dans la nature aucune forme particulière, mais qu’elles consistent dans un certain usage supérieur que l’imagination fait de ses représentations.
§. XXIV.
Division d’un examen du sentiment du sublime.
La division des moments du jugement esthétique des objets, relativement au sentiment du sublime, doit être fondée sur le même principe que celle des jugements de goût. Car le jugement esthétique réfléchissant doit représenter la satisfaction du sublime aussi bien que celle du beau, comme universellement valable, quant à la quantité, comme désintéressée quant à la qualité, comme le sentiment d’une finalité subjective quant à la relation, et le sentiment de cette finalité comme nécessaire quant à la modalité. L’analytique ne s’écartera donc pas ici de la méthode qu’elle a suivie dans le livre précédent, à moins qu’on ne compte pour quelque chose cette différence que là, le jugement esthétique concernant la forme de l’objet, nous devions commencer par l’examen de sa qualité, tandis qu’ici, à cause de cette absence de forme qui est le propre des objets appelés sublimes, nous commenceront par la quantité. C’est là en effet le premier moment du jugement esthétique sur le sublime ; on en peut voir la raison dans le paragraphe précédent. Mais l’analyse du sublime entraîne une division dont n’a pas besoin celle du beau, à savoir la division en sublime mathématique et en sublime dynamique.
En effet, comme le sentiment du sublime a pour caractère de produire un mouvement de l’esprit lié au jugement de l’objet, tandis que le goût du beau suppose et retient l’esprit dans une calme contemplation, et qu’on doit attribuer à ce mouvement une finalité subjective (puisque le sublime plaît), l’imagination le rapporte ou bien à la faculté de connaître ou bien à la faculté de désirer. Dans l’un comme dans l’autre cas, la représentation donnée ne doit être jugée que relativement à ces facultés (sans but ni intérêt); mais dans le premier cas, la finalité est attribuée à l’objet, comme une détermination mathématique, dans le second cas, comme une détermination dynamique de l’imagination ; et de là deux manières de concevoir le sublime.
A.
Du sublime mathématique.
§. XXV.
Définition du mot sublime.
Nous appelons sublime ce qui est absolument grand. Mais parler d’une chose grande et d’une grandeur, c’est exprimer deux concepts tout à fait diffé rents (magnitudo et quantitas). De même, dire simplement (simpliciter) qu’une chose est grande, ce n’est pas dire qu’elle est absolument grande (absolutè, non comparativè magnum). Dans ce dernier cas, la chose est grande au-dessus de toute comparaison. — Mais que signifie cette expression qu’une chose est grande, ou petite, ou moyenne ? Ce n’est pas un concept pur de l’entendement, encore moins une intuition des sens, et pas davantage un concept rationnel, car il n’y a ici aucun principe de connaissance. Il faut donc que ce soit un concept du Jugement, ou qui en dérive, et qui ait son principe dans une finalité subjective de la représentation pour le Jugement. Pour dire qu’une chose est une grandeur (un quantum) , nous n’avons pas besoin de la comparer avec d’autres, il nous suffit de reconnaître que la pluralité des éléments qui la composent constitue une unité. Mais pour savoir combien la chose est grande, il faut toujours quelque autre chose qui soit aussi une grandeur et qui serve de mesure. Or, comme dans le jugement de la grandeur, il ne s’agit pas seulement de la pluralité (du nombre), mais aussi de la grandeur de l’unité (de la mesure), et que la grandeur de cette dernière a toujours besoin de quelque autre chose encore qui lui serve de mesure et avec laquelle elle puisse être comparée, on voit que toute détermination de la grandeur des phénomènes ne peut four nir un concept absolu de la grandeur, mais seulement un concept de comparaison.
Quand je dis simplement qu’une chose est grande, il semble que je ne fasse point de comparaison, du moins avec une mesure objective, puisque je ne détermine point par là combien la chose est grande. Or, quoique la mesure de comparaison soit purement subjective, le jugement n’en prétend pas moins à une approbation universelle. Ces jugements, cet homme est beau, il est grand, n’ont pas seulement de valeur pour celui qui les porte ; comme les jugements théoriques, ils réclament l’assentiment de chacun.
Comme en jugeant simplement qu’une chose est grande, nous ne voulons pas dire seulement que cette chose a une grandeur, mais que cette grandeur est supérieure à celle de beaucoup d’autres choses de la même espèce, sans déterminer davantage cette supériorité, nous donnons pour principe à notre jugement une mesure à laquelle nous croyons pouvoir attribuer une valeur universelle, et qui cependant ne nous sert point à former un jugement logique (mathématiquement déterminé) sur la grandeur, mais seulement un jugement esthétique, puisqu’elle n’est qu’un principe subjectif pour le jugement réfléchissant sur la grandeur. Cette mesure d’ailleurs peut être ou une mesure empirique, comme par exemple la grandeur moyenne des hommes que nous connaissons, des animaux d’une certaine espèce, des arbres, des maisons, des montagnes, etc.; ou une mesure donnée a priori, et que la faiblesse de notre esprit astreint aux conditions subjectives d’une exhibition in concreto, comme, dans la sphère pratique, la grandeur d’une certaine vertu, de la liberté publique, de la justice dans un pays, ou, dans la sphère théorique, la grandeur de l’exactitude ou de l’inexactitude d’une observation ou d’une mesure établie, etc.
Or il est remarquable que, bien que nous n’attachions aucun intérêt à l’objet, c’est-à-dire bien que son existence nous soit indifférente, sa seule grandeur, même quand nous le considérons comme informe, peut produire en nous une satisfaction universelle, et par conséquent la conscience d’une finalité subjective dans l’usage de nos facultés de connaître. Mais cette satisfaction n’est pas attachée à l’objet (puisque cet objet peut être informe) comme cela est vrai du beau, où le Jugement réfléchissant se trouve déterminé d’une manière qui concorde avec la connaissance en général; elle est attachée à l’extension de l’imagination par elle-même.
Quand nous disons simplement d’un objet qu’il est grand, nous ne portons pas un Jugement mathématiquement déterminé, mais un simple Jugement de réflexion sur la représentation de cet objet, laquelle s’accorde subjectivement avec un certain usage de nos facultés de connaître relatif à l’estimation de la grandeur; et nous attachons toujours à cette représentation une espèce d’estime, comme à ce que nous appelons simplement petit, une espèce de mépris. Au reste, les Jugements par lesquels nous considérons les choses comme grandes ou comme petites portent sur tout, même sur toutes leurs qualités; c’est pourquoi nous appelons la beauté grande ou petite : la raison en est que, quelle que soit la chose dont nous trouvions une exhibition dans l’intuition (que par conséquent nous nous représentions esthétiquement), c’est toujours un phénomène, par conséquent un quantum.
Mais quand nous disons qu’une chose est non-seulement grande, mais grande absolument et à tous égards (au-dessus de toute comparaison), c’est-à-dire sublime, nous ne permettons pas, comme on le voit aisément, qu’on cherche en dehors d’elle une mesure qui lui convienne ; nous voulons qu’on la trouve en elle-même. C’est une grandeur qui n’est égale qu’à elle-même. Il suit de là qu’il ne faut pas chercher le sublime dans les choses de la nature, mais seulement dans nos idées ; quant à la question de savoir dans quelles idées il réside, nous devons la réserver pour la déduction.
La définition que nous avons donnée tout à l’heure peut aussi s’exprimer de cette manière : le sublime est ce en comparaison de quoi toute autre chose est petite. Il est aisé de voir ici qu’on ne peut rien trouver dans la nature, si grand que nous le jugions, qui, considéré sous un autre point de vue, ne puisse descendre jusqu’à l’infiniment petit, et que réciproquement il n’y a rien de si petit qui, relativement à des mesures plus petites encore, ne puisse s’élever aux yeux de notre imagination jusqu’à la grandeur d’un monde. Les télescopes ont fourni une riche matière à la première observation, les microscopes à la seconde. Il n’y a donc pas d’objet des sens qui, considéré sur ce pied, puisse être appelé sublime. Mais précisément parce qu’il y a dans notre imagination un effort vers un progrès à l’infini, et dans notre raison une prétention à l’absolue totalité comme à une idée réelle, cette disconvenance même qui se manifeste entre notre faculté d’estimer la grandeur des choses du monde sensible et cette idée éveille en nous le sentiment d’une faculté suprasensible ; et c’est l’usage que le Jugement fait naturellement de certains objets en faveur de ce sentiment, et non l’objet des sens, qui est absolument grand, tandis qu’en comparaison tout autre usage est petit. Par conséquent, ce que nous nommons sublime, ce n’est pas l’objet, mais la disposition d’esprit produite par une certaine représentation occupant le Jugement réfléchissant.
Nous pouvons donc encore ajouter cette formule aux précédentes définitions du sublime : Le sublime est ce qui ne peut être conçu sans révéler une faculté de l’esprit qui surpasse toute mesure des sens.
§. XXVI.
De l’estimation de la grandeur des choses de la nature que suppose l’idée du sublime.
L’estimation de la grandeur par des concepts de nombres (ou par leurs signes algébriques) est mathématique ; celle qui se fait par la seule intuition (à vue d’œil) est esthétique. Or nous ne pouvons, il est vrai, sur la question de savoir combien une chose est grande, arriver à des concepts déterminés que par des nombres, dont la mesure est l’unité (tout au moins par des approximations formées par des séries numériques à l’infini); et ainsi toute estimation logique est mathématique. Mais comme la grandeur de la mesure doit être acceptée comme connue, si celle-ci ne pouvait être appréciée que mathématiquement, c’est-à-dire au moyen de nombres, dont l’unité serait une autre mesure, nous ne pourrions jamais avoir une mesure première ou fondamentale, par conséquent un concept déterminé d’une grandeur donnée. L’estimation de la grandeur d’une mesure fondamentale a donc pour caractère de pouvoir être immédiatement saisie dans une intuition et appliquée par l’ima gination à l’exhibition des concepts de nombre ; c’est-à-dire que toute estimation de la grandeur des objets de la nature est en définitive esthétique (ou subjectivement et non objectivement déterminée).
Maintenant, il n’y a pas de maximum pour l’estimation mathématique de la grandeur (car la puissance des nombres s’étend à l’infini) ; mais il y en a certainement un pour l’estimation esthétique, et ce maximum, considéré comme une mesure absolue, au-dessus de laquelle aucune autre n’est subjectivement possible (pour l’esprit qui juge), contient l’idée du sublime, et produit cette émotion que ne peut jamais produire l’estimation mathématique de la grandeur (à moins que cette mesure esthétique ne reste présente à l’imagination). Cette dernière, en effet, n’exprime jamais que la grandeur relative ou établie par comparaison avec d’autres de la même espèce, tandis que la première exprime la grandeur absolument, telle que l’esprit peut la saisir dans une intuition.
Pour trouver dans l’intuition un quantum dont elle puisse servir comme de mesure ou d’unité dans l’estimation mathématique de la grandeur, l’imagination a besoin de deux opérations, l’ appréhension (apprehensio) et la compréhension (comprehensio œsthelica). L’appréhension ne présente pas de difficulté, car on peut la continuer à l’infini ; mais la compréhension devient d’autant plus difficile que l’appréhension est poussée plus loin, et elle parvient bientôt à son maximum, à savoir à la plus grande mesure esthétique possible de l’estimation de la grandeur. Car, lorsque l’appréhension est allée si loin que les premières représentations partielles de l’intuition sensible commencent déjà à s’éteindre dans l’imagination,tandis que celle-ci continue toujours son appréhension, elle perd d’un côté ce qu’elle gagne de l’autre, et la compréhension retombe toujours sur un maximum qu’elle ne peut dépasser.
On peut s’expliquer par là ce que remarque Savary dans ses Lettres sur l’Égypte, qu’il ne faut ni trop s’approcher ni trop s’éloigner des pyramides pour éprouver toute l’émotion que cause leur grandeur. Car si on s’en éloigne trop, les parties perçues (les pierres superposées) sont obscurément représentées, et cette représentation ne produit aucun effet sur le jugement esthétique. Si au contraire on s’en approche trop, l’œil a besoin de quelque temps pour continuer son appréhension de la base au sommet, et dans cette opération, les premières représentations s’éteignent toujours en partie avant que l’imagination ait reçu les dernières, en sorte que la compréhension n’est jamais complète. — On expliquera aussi de la même manière le trouble ou l’espèce d’embarras qui saisit, à ce qu’on raconte, celui qui entre pour la première fois dans l’église de Saint-Pierre de Rome. C’est ici en effet le sentiment de l’incapacité de notre imagination à se former une exhibition des idées d’un tout ; elle a atteint son maximum, et en s’efforçant de l’étendre elle retombe sur elle-même, ce qui produit une certaine satisfaction qui nous émeut.
Je ne veux point parler encore du principe de cette satisfaction liée à une représentation dont, ce semble, on ne devrait guère l’attendre, c’est-à-dire à une représentation dont nous saisissons la disconvenance subjective avec l’imagination ; je ferai seulement remarquer que, si on veut un jugement esthétique pur (qui ne soit point mêlé avec un jugement téléologique ou un jugement rationnel), pour le proposer comme un exemple tout à fait propre à la critique du jugement esthétique, il ne faut pas chercher le sublime dans les productions de l’art (par exemple dans des édifices, des colonnes, etc.), où un but humain détermine la forme aussi bien que la grandeur, ni dans les choses de la nature dont le concept contient déjà un but déterminé (par exemple dans les animaux d’une destination connue) ; mais dans la nature sauvage (et encore, à condition qu’elle n’offre aucun attrait et n’excite aucune crainte par quelque danger réel), en tant seulement qu’elle contient de la grandeur. Dans cette espèce de représentation, la nature ne renferme rien de monstrueux (de magnifique ou de terrible) ; la Page:Kant – Critique du jugement, trad. Barni, tome premier.djvu/183 faculté d’imagination se trouve impuissante à l’endroit de l’exhibition du concept d’une grandeur.
L’imagination dans la compréhension qu’exige la représentation de la grandeur s’avance d’elle-même indéfiniment, sans que rien lui fasse obstacle ; mais l’entendement la conduit au moyen des concepts de nombre dont elle doit fournir le schème ; et comme cette opération se rapporte à l’estimation logique de la grandeur, elle a une finalité objective, elle se fonde sur le concept d’une fin (comme est toute mesure) : il n’y a rien là qui s’adresse et qui plaise au jugement esthétique. Il n’y a rien non plus qui oblige à pousser la grandeur de la mesure, par conséquent celle de la compréhension de la pluralité en une intuition jusqu’aux limites de la faculté d’imagination, jusqu’où celle-ci peut étendre son exhibition. Car dans l’estimation intellectuelle (arithmétique) des grandeurs, qu’on pousse la compréhension des unités jusqu’au nombre 10 (comme dans la décade), ou seulement jusqu’à 4 (comme dans la tétrade), cela revient au même ; mais la compréhension, ou, quand l’intuition fournit le quantum, l’appréhension ne peut être poussée plus loin que progressivement (non d’une manière compréhensive), suivant un principe donné de progression. Dans cette estimation mathématique de la grandeur, l’entendement est également satisfait, quand l’imagination choisit pour unité une grandeur qu’on peut saisir d’un coup d’œil, comme un pied ou une perche, ou quand elle choisit un mille allemand, ou même le diamètre de la terre dont l’appréhension est possible dans une intuition de l’imagination, mais non la compréhension (je parle de la comprehensio esthetica, non de la comprehensio logica dans un concept de nombre). Dans les deux cas, l’estimation logique de la grandeur s’étend sans obstacle jusqu’à l’infini.
Mais l’esprit entend en lui-même la voix de la raison, qui, pour toutes les grandeurs données, même pour celles que l’appréhension ne peut jamais entièrement saisir, mais qu’on doit pourtant juger (dans la représentation sensible) comme entièrement données, exige la totalité, par conséquent la compréhension dans une intuition, et pour tous ces membres d’une série croissante de nombres l’ exhibition, et qui même n’exclut pas l’infini (l’espace et le temps écoulé) de cette exigence, mais nous oblige au contraire à le concevoir (dans le jugement de la raison commune) comme donné en entier (dans sa totalité).
Or l’infini est absolument (non pas seulement comparativement) grand ; toute autre chose (de la même espèce de grandeur) est petite en comparaison. Mais, ce qui est l’important, le pouvoir que nous avons de le concevoir au moins comme un tout révèle une faculté de l’esprit qui dépasse toute Page:Kant – Critique du jugement, trad. Barni, tome premier.djvu/186 Page:Kant – Critique du jugement, trad. Barni, tome premier.djvu/187 Page:Kant – Critique du jugement, trad. Barni, tome premier.djvu/188 Page:Kant – Critique du jugement, trad. Barni, tome premier.djvu/189 Page:Kant – Critique du jugement, trad. Barni, tome premier.djvu/190 Page:Kant – Critique du jugement, trad. Barni, tome premier.djvu/191 Page:Kant – Critique du jugement, trad. Barni, tome premier.djvu/192 Page:Kant – Critique du jugement, trad. Barni, tome premier.djvu/193 considéré, ne s’accorde pas avec le but qu’il se propose, mais qui contient une finalité objective, puisqu’il est nécessaire à l’estimation de la grandeur, et cette violence même que l’imagination fait au sujet est jugée conforme à toute la destination de l’esprit. La qualité du sentiment du sublime consiste en ce qu’il est le sentiment d’un déplaisir qui se lie à la faculté de juger esthétiquement d’un objet, et dans lequel nous nous représentons en même temps une finalité. C’est qu’en effet la conscience de notre propre impuissance éveille celle d’une faculté illimitée, et que l’esprit ne peut juger esthétiquement de celle-ci que par celle-là. Dans l’estimation logique de la grandeur, l’impossibilité d’arriver à l’absolue totalité par la progression de la mesure des choses du monde sensible dans le temps et dans l’espace, était regardée comme objective, c’est-à-dire comme une impossibilité de concevoir l’infini comme donné tout entier, et non pas comme purement subjective, c’est-à-dire comme une impuissance à le saisir, car il ne s’agit pas là du degré de la compréhension dans une intuition prise pour mesure, mais tout se rapporte à un concept de nombre. Mais dans une estimation esthétique de la grandeur, le concept de nombre doit être écarté ou modifié, et la compréhension de l’imagination comme unité de me- sure (abstraction faite par conséquent des concepts d’une loi de la génération successive des concepts de grandeur) est seule conforme à ce genre d’estimation. — Or, quand une grandeur touche presque la limite de notre faculté de compréhension par intuition, et que l’imagination est provoquée par des quantités numériques (dans lesquelles nous sentons que notre puissance n’a pas de limites) à chercher la compréhension esthétique d’une plus grande unité, nous nous sentons alors esthétiquement renfermés dans des limites ; mais en même temps, en considérant l’extension que cherche à prendre l’imagination pour s’approprier à ce qui est illimité dans notre faculté de raison, c’est-à-dire à l’idée de la totalité absolue, nous trouvons une certaine finalité dans la peine que nous éprouvons, et par conséquent dans la disconvenance de l’imagination avec les idées rationnelles que cette disconvenance même a pour effet d’éveiller. Voilà comment le jugement esthétique renferme une finalité subjective pour la raison, en tant que source d’idées, c’est-à-dire d’une compréhension intellectuelle auprès de laquelle toute compréhension esthétique est petite, et c’est ainsi qu’en déclarant un objet sublime nous éprouvons un sentiment de plaisir, qui n’est possible qu’au moyen d’un sentiment de peine.
B.
Du sublime dynamique de la nature.
§. XXVIII. De la nature considérée comme une puissance.
On appelle puissance[2] un pouvoir supérieur à de grands obstacles. On dit que cette puissance a de l’empire[3] quand elle est supérieure à la résistance que lui oppose une autre puissance. La nature considérée dans le jugement esthétique comme une puissance qui n’a aucun empire sur nous est dynamiquement sublime.
Pour juger la nature dynamiquement sublime, il faut se la représenter comme excitant la crainte (quoique la réciproque ne soit pas vraie, c’est-à-dire que tout objet qui excite la crainte ne soit pas sublime). En effet, dans le jugement esthétique (sans concept), on ne peut juger de la supériorité sur des obstacles que d’après la grandeur de la résistance. Or toute chose à laquelle nous nous efforçons de résister est un mal, et si nous trouvons que nos forces sont au-dessous de cette chose, elle est pour nous un objet de crainte. Ainsi, pour le jugement esthétique, la nature ne peut être considérée comme une puissance, par conséquent comme dynamiquement sublime, qu’autant qu’elle est considérée comme un objet de crainte.
Mais on peut considérer un objet comme redoutable[4] sans avoir peur devant lui ; c’est à savoir quand nous le jugeons de telle sorte que nous nous bornons à concevoir le cas où nous voudrions lui faire quelque résistance, et que nous voyons qu’alors toute résistance serait vaine. Ainsi, l’homme vertueux craint Dieu sans avoir peur devant lui, parce qu’il ne pense pas avoir à craindre un cas où il voudrait résister à Dieu et à ses ordres. Mais pour toute cette sorte de cas qu’il ne regarde pas comme impossible en soi, il déclare Dieu redoutable.
Celui qui a peur ne peut pas plus juger du sublime de la nature, que celui qui est dominé par l’inclination et le désir ne peut juger du beau. Il fuit l’aspect de l’objet qui lui inspire cette crainte, car il est impossible de trouver de la satisfaction dans une crainte sérieuse. Aussi le sentiment que nous éprouvons quand nous nous sentons délivrés d’un danger est-il un sentiment de joie[5]. Mais cette joie suppose que nous ne serons plus exposés à ce danger, et, bien loin de chercher l’occasion de nous rappeler la sensation que nous avons éprouvée, nous la repoussons de notre esprit. Des rochers audacieux suspendus dans l’air et comme menaçants, des nuages orageux se rassemblant au ciel au milieu des éclairs et du tonnerre, des volcans déchaînant toute leur puissance de destruction, des ouragans semant après eux la dévastation, l’immense océan soulevé par la tempête, la cataracte d’un grand fleuve, etc. ; ce sont là des choses qui réduisent à une insignifiante petitesse notre pouvoir de résistance, comparé avec de telles puissances. Mais l’aspect en est d’autant plus attrayant qu’il est plus terrible, pourvu que nous soyons en sûreté ; et nous nommons volontiers ces choses sublimes, parce qu’elles élèvent les forces de l’âme au-dessus de leur médiocrité ordinaire, et qu’elles nous font découvrir en nous-mêmes un pouvoir de résistance d’une tout autre espèce, qui nous donne le courage de nous mesurer avec la toute-puissance apparente de la nature.
En effet, de même que l’immensité de la nature et notre incapacité à trouver une mesure propre à l’estimation esthétique de la grandeur de son domaine nous ont révélé notre propre limitation, maïs nous ont fait découvrir en même temps, dans notre faculté de raison, une autre mesure non sensible, qui comprend en elle cette infinité même comme une unité, et devant laquelle tout est petit dans la nature, et nous ont montré par là, dans notre esprit, une supériorité sur la nature considérée dans son immensité ; de même, l’impossibilité de résister à sa puissance nous fait reconnaître notre faiblesse en tant qu’êtres de la nature, mais elle nous découvre en même temps une faculté par laquelle nous nous jugeons indépendants de la nature, et elle nous révèle ainsi une nouvelle supériorité sur elle : cette supériorité est le principe d’une espèce de conservation de soi-même bien différente de celle qui peut être attaquée et mise en danger par la nature extérieure, car l’humanité dans notre personne reste ferme, alors même que l’homme cède à cette puissance. Ainsi, dans nos jugements esthétiques, la nature n’est pas jugée sublime en tant qu’elle est terrible, mais parce qu’elle engage la force que nous sommes (qui n’est pas la nature) à regarder comme rien les choses dont nous nous inquiétons (les biens, la santé et la vie), et à considérer cette puissance de la nature (à laquelle, il est vrai, nous sommes soumis relativement à ces choses) comme n’ayant aucun empire sur nous-mêmes, sur notre personnalité, dès qu’il s’agit de nos principes suprêmes, de l’accomplissement ou de la violation de ces principes. La nature n’est donc ici nommée sublime que par l’imagination qui l’élève jusqu’à en faire une exhibition de ces cas où l’esprit peut se rendre sensible sa propre sublimité ou la supériorité de sa propre destination sur la nature.
Cette estime de soi-même ne perd rien à cette condition qui exige que nous soyons en sûreté pour éprouver cette satisfaction vivifiante, et que, comme il ne doit y avoir rien de sérieux dans le danger, il n’y ait rien (en apparence) de plus sérieux dans la sublimité de la faculté de notre esprit. C’est qu’en effet la satisfaction ne s’adresse ici qu’à la découverte de la destination de cette faculté, en tant que notre nature y est propre, tandis que le développement et l’exercice de cette faculté nous sont confiés et sont obligatoires. Et c’est la vérité, quelque claire conscience que l’homme puisse avoir de son impuissance présente et réelle, quand il pousse sa réflexion jusque-là.
Ce principe paraît tiré de bien loin, bien subtil, et par conséquent au-dessus de la portée d’un jugement esthétique ; mais l’observation de l’homme prouve le contraire, et montre qu’il sert de base aux jugements les plus vulgaires, quoiqu’on n’en ait pas toujours conscience. Quel est en effet même pour le sauvage le plus grand objet d’étonnement ? Un homme inaccessible à la crainte, qui par conséquent ne recule pas devant le danger, mais qui en même temps agit avec réflexion. Même dans la plus grande civilisation, la plus haute estime est
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