ARCHIVES MARTHI MAG NOVEMBRE 2007

 

PETITE VISITE TOURISTIQUE
POUR NOS AMIS D’AILLEURS

Dans le Vieux-Montréal, à la source de son patrimoine, au coeur même de son architecture d’origine, à deux pas du vieux port, du fleuve Saint-Laurent, de l’esprit de Jacques Cartier, des sculptures d’Esquimaux et des activités touristiques les plus incontournables de la Grand’Ville se trouve, depuis 1974, l’un des lieux cultes les plus réputés de la chanson : Les 2 Pierrots.

Courtoisie de photos.ameriquebec.net

La fameuse boîte, toujours pleine à craquer, en a vu de l’histoire et des étudiants complètement finis au fil du temps! Oh, le jour, il y a des «vieux»! Des touristes qui flânent entre deux boutiques, trois restos et un guichet automatique. Mais le soir, ah! Ha! Des jeunes, pour la plupart, qui y entrent sur deux pattes et qui en sortent à quatre. Je le sais, étudiante, j’y étais souvent… Mais ça… c’était une autre époque :)

L’un des deux fondateurs, Pierre Rochette, a aujourd’hui troqué son rôle de tenancier de bar pour celui de «voyageur vagabond». Sac au dos, guitare sous le bras, cheveux longs et blancs «aux quatre vents», ce Pierre-là emprunte aujourd’hui les routes du Canada sans un sou en poche, question de voir si on retrouve toujours le fameux «banc du quêteux» dans les nouvelles domus d’Amérique du Nord. Il dort parfois à la belle étoile, cela va de soi. Les temps ont changé… Le terroir québécois n’étant plus ce qu’il était, difficile aujourd’hui d’échanger un conte et une chanson contre un lit et un repas chaud, ce qui est bien dommage. Mais il en subsiste ! Ne nous égarons pas!

Le destin a mis Pierre sur ma route et ma maison à sa disposition. Que voulez-vous, je suis une calculatrice… Deux fois, donque, j’ai accepté cet échange et honnêtement, je trouve que c’est plutôt moi, deux fois plutôt qu’une, qui y ai gagné en bout de ligne.

C’est mon ami Emmanuel da Silva, un sculpteur-céramiste du bas du fleuve qui a un jour embarqué Pierrot dans sa voiture quelque part entre Tadoussac et Sainte-Adèle. Pierre se rendait alors au Yukon, «A Mari Usque Ad Mare», à l’autre bout du Canada et bien au-delà! Comme la route allait probablement être longue (!), Emmanuel lui a proposé de faire un arrêt chez moi, question de faire le plein avant de poursuivre son pèlerinage. Ils sont donc arrivés tous les deux sur le pas de ma porte, le feu aux joues et les yeux encore brillants des conversations qu’ils avaient échangées sur la route. J’étais jalouse de leur enthousiasme, alors je les ai obligés à entrer. «Pas question de les laisser dehors ces deux-là», me suis-je dit.

Ma voisine et moi nous sommes donc mises au fourneau ( eh! ouais!) pour les deux hommes qui savaient fort bien raconter les histoires. Emmanuel avait d’ailleurs pris soin d’emmener du vin et Pierrot s’était mis à la guitare, alors imaginez bien qu’on n’a pas eues à se faire prier.

Je me souviens avoir passé une soirée magnifique à boire ce vin et à écouter ces chansons et ces anecdotes qui ponctuaient la route de Pierrot: les déserts, de Sept-Iles à Natashquan, la mer, le bas du fleuve, Une rencontre avec un Richard Fontaine, peintre Innu qui habite près de la rivière Mattawin. Un certain Mario Malherbe, photographe belge rencontré sur la grève… Une nuit passée «dans le sleeping bag de la bissexuelle»… Pierrot en a fait une belle chanson! Quoi d’autre… Les «bottes à Richard», le «cass de Marcelle»! Marcelle qui fait des courses de traineaux a chiens dans le grand’nord… et les fameux deux bas gris d’une jeune fille rencontrée au hasard des routes et avec qui il est allé «voir si l’éternité existe»…

Pierre compose pour chaque foyer qui l’accueille, pour chaque personne qu’il rencontre. Il y en a aujourd’hui une pour nous, ses deux adéloises, dans son répertoire.

***

– Pourquoi tu fais ça, au juste, Pierre? Que je lui demande au p’tit matin en faisant le café. Il écrivait.

Pierre a alors fait une pause, il grattait sa guitare, tout doucement… Dans la lueur matinale de mes montagnes, avec sa belle barbe blanche qui rejoint sa belle crinière du même ton, j’ai tout à coup eu l’impression d’être en compagnie de Georges Moustaki. Pour son charisme et à la fois pour son physique et pour son talent. Je savoure sa réponse, ce café et ce moment de belle tendresse avec lui dans la certitude qu’une amitié, toute simple, s’installe bien confortablement au beau milieu de ma cuisine.

– Tu connais Chantal Hébert? qu’il me demande.
– La chroniqueuse politique?
– Oui… La choniqueuse politique… Eh bien, avant de partir suivre ma route, j’lui ai écrit un p’tit mot à Chantal Hébert. J’ai gribouillé juste «Madame, je vous écris pour vous dire que je vous aime» et puis j’suis parti. Avec cette fille-là, un jour, j’aimerais ça dormir sous un pont! Et discuter politique toute la nuit!
– …
– …
– Et c’est tout? Que j’lui demande, un peu incrédule.
– Oui. C’est tout. C’est beau, tu trouves pas?
– Ah… Ça te ressemble… c’est très romantique!
– Chantal Hébert, c’est la femme de ma vie. Un jour, je vais me la marier!

«Si l’éternité existe» chez Chantal Hébert? On l’espère.