23 NOVEMBRE 2020 ..19 JOURS AVANT LA FIN DES DEUX PIERROTS ….. ROMAN DE PIERRE ROCHETTE … L’ÎLE DE L’ÉTERNITÉ ….. CHAPITRE 8 ET 9 …… LE TABLEAU ……. ROMAN QUI RETRACE LA PÉRIODE DES BOÎTES À CHANSONS À PARTIR DU CHEMINEMENT DE L’AUTEUR

23 NOVEMBRE 2020 … 19 JOURS AVANT LA FIN DES DEUX PIERROTS …. ROMAN DE PIERRE ROCHETTE … L’ÎLE DE L’ÉTERNITÉ … CHAPITRE 8 …LE PEINTRE ET SES COULEURS  …. ET …. CHAPITRE 9…. LE TABLEAU … ROMAN QUI RETRACE LA PÉRIODE DES BOÎTES À CHANSONS À PARTIR DU CHEMINEMENT DE L’AUTEUR

www.enracontantpierrot.blogspot.com …

Bande annonce du documentaire MON AMI PIERROT, LE DERNIER HOMME LIBRE

Véronique Leduc
veroniqueleduc@hotmail.com
et
Geneviève Vézina-Montplaisir
genevievevm@hotmail.com

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www.reveurseuitables.com
(Michel le concierge)https://www.youtube.com/watch?v=YHY46R_eDX8&t=3sLÂCHE-MOÉ PAS

CHANSON DE MICHEL

pense à moé… qui pense à toé…
Ta route est longue…. comme la journée…
j’travaille aussi… de mon côté….
du lundi jusqu’au vendredi
Renaud, Ruby, la belle Charlotte aussi…
apprennent la vie…. à la garderie…

J’pense à toi… qui pense à moé…
au milieu de l’avant-midi…
je t’imagine… à l’épicerie…
tu l’sais que j’aime ben ça travailler
pis qu’ça m’ferait rien…. de tout payer
si je pouvais…. je le ferais…

REFRAIN

lâche-moé pas…. lâche-moé pas…
je t’aime… je t’aime… non j’te lâcherai pas…
j’te lâcherai pas… j’te lâcherai pas…
je t’aime je t’aime… non j’te lâcherai pas…

On vient juste de commencer…
on peut pas s’plaindre… tout est payé
sauf le crédit… qu’arrête pas d’augmenter…
on a toute la vie en avant…
que j’suis fier… avec toé d’être parent…
avec toé… d’aimer nos trois enfants….
j’ai ben hâte,,, à soir pour souper…
de te revoir… et de vous embrasser…
d’faire à manger… pour toute la trallée

REFRAIN

j’ai tombé… tombé encore tombé
toujours tu m’aides à me relever
sûr que c’est toé…. c’est toé la charité…
Pour ma part… j’essaye d’être le plus fort
pour te dire… confiance sur toutes les bords
pour te dire… combien je t’adore…

penses à moé… qui pense à toé
t’es le cœur de toutes mes journées
avec les p’tits…. le cœur de toute ma vie…

REFRAIN FINAL

Michel le concierge

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RÉSUMÉ DE NOTRE  DOCTORAT EN 300 MOTS

JE TE DEMANDE PARDON…, à toi qui, comme des centaines de millions d’enfants-errants-fantomatiques, se meurt, jour après jour, de faim ou de blessures de guerre, et cela, au nom des 193 états hobbiens onusiens qui, sous la féodalité de monarchies nucléaires, font passer la course aux armements, les guerres et les paradis fiscaux avant TON DROIT MULTIVERSIEL à une vie personnelle œuvre d’art par un rêve big-bang.

JE TE E DEMANDE PARDON… au nom de notre équipe de recherche (Auld, Woodard, Rochette) qui, depuis plus de 14 ans maintenant, cherche à répondre à la question suivante : AU 21EME SIÈCLE, QUELLE INSTITUTION FAUT-IL INVENTER POUR QUE SUR TERRE, PLUS AUCUN ENFANT NE MEURE DE FAIM OU DE BLESSURES DE GUERRE ?

JE TE DEMANDE PARDON… au nom de notre équipe de recherche (Auld, Woodard, Rochette) qui S’ACHARNE à déployer concrètement L’INVENTION DE LA NANO-CITOYENNETÉ-PLANÉTAIRE, dans le but de contribuer à la déshobbiation de l’O.N.U.  Par  la mise en algorithme de milliards de téléphones intelligents « wow-t=2.7k? » , si possible avec la complicité de l’institut de l’intelligence artificielle du Québec) ,  nous validerons politiquement la création d’une cour suprême nano-citoyenne-planétaire composée de deux assemblées des justes (39 femmes et 39 hommes) élues ville par ville et village par village, et cela par tirage au sort, dans le but de représenter incontournablement et éthiquement toi et les centaines de millions d’enfants-errants-fantomatiques qui souffrent de la même criminalité étatique banalisée que toi.

Dans ce doctorat, PAR UNE MÉTHODOLOGIE DES DÉBRIS DE LA MÉMOIRE DU CŒUR (ier chapitre), le premier à te demander pardon sera moi, Pierrot vagabond (2eme chapitre le rêve big bang), puis mon ami et partenaire de recherche Michel le concierge (3eme chapitre la non-tricherie), pour enfin laisser la parole à sa compagne œuvre d’art, Marlene la jardinière (4eme chapitre, ses jardins coups-de-coeur œuvre d’art).

Pourquoi nos trois archétypes hologrammiques veulent-ils tour à tour te demander pardon? Parce que notre équipe de recherche (Auld, Woodard, Rochette) veut parler au cœur de l’humanité (5eme chapitre) et non à sa raison. Par le biais d’une CHANSON – MANIFESTE, nous affirmons que l’invention de la nano-citoyenneté-planétaire doit s’accompagner d’un « JE TE DEMANDE PARDON »  , en corollaire de la décision de ne plus tricher par chaque vie-personnelle-œuvre-d’art consacrée à l’ultime question :

COMMENT NOS RÊVES PRENNENT-ILS SOIN DE LA BEAUTÉ DU MONDE? (4eme et dernier chapitre).

CONSEIL D’ADMINISTRATION DE LA CRÉATIVITÉ

(1273) (19 mars 2016)

Au retour de l’île du Prince-Edouard, l’université Mc Gill… Frank Scott et son pays œuvre d’art … Michel le concierge, Marlene la jardinière et Pierrot le vagabond céleste, depuis 8 ans maintenant réfléchissons philosophiquement sur deux thématiques…. le pays œuvre d’art et la vie personnelle œuvre d’art… Michel le concierge documente le tout sur video (plus de 30 heures). Chaque matin, entre 6h am et 7h am, je fais part de mes lectures à mon partenaire de recherche et nous construisons ensemble le doctorat. … Toute cette démarche est documentée sur internet (Monsieur 2.7k, www.lepaysoeuvredart.ca, le pays œuvredart.com, www.reveursequitables.com, www.demers.qc.ca, sur youtube, le vagabond céleste de Simon Gauthier). … Le samedi matin, nous tenons un conseil d’administration de créativité. Michel vient de terminer son ier documentaire LE PAYS OEUVRE D’ART? et se prépare à le déposer la semaine prochaine au rendez-vous international du documentaire de Montréal. Et nous travaillons déjà sur la conceptualisation du deuxième… HEY BROTHER, WHERE IS THE MONEY? … Et c’est lors de notre conseil d’administration de la créativité du samedi matin (souvent enregistré) que Michel le concierge, Marlène et Pierrot le vagabond céleste prennent des décisions de créateurs en équipe…

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Fermeture d'une véritable institution du Vieux-Montréal: Un des 2 Pierrots  est un Latuquois

La boîte à chansons le «2Pierrots» ferme ses portes après 46 ans d’activité

LES DEUX PIERROTS…. QUELLE BELLE HISTOIRE QUAND MÊME … JE VIENS DE  REDÉCOUVRIR UNE PHOTO DES TOUT DÉBUTS DE LA BOÎTE D'ANIMATION LES DEUX  PIERROTS…. 1974 OU 1975 JE CROIS…. J'EN SUIS

17 NOVEMBRE 2020…. 25 JOURS AVANT LA FIN DES DEUX PIERROTS …. ROMAN DE  PIERRE ROCHETTE … L'ÎLE DE L'ÉTERNITÉ … 2EME CHAPITRE: LE VIEUX MONTRÉAL  ….. QUI RETRACE LA PÉRIODE DES

LE PLUS GRAND DES TROIS PIERROTS, ROBERT RUEL, Marie-Lou sa fille qui a pris la succession dans la direction artistique de la boîte à chansons ….  et Lise sa tendre compagne ….
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Pierrot le Vagabond Chercheur |

Chapitre 8 – LE PEINTRE ET SES COULEURS

Georges Brassens
Georges Brassens

CAIA…. BOUM

Robert, le directeur du camp, prit la parole au rassemblement du matin. Mes amis,

Le directeur du Musée des Beaux-Arts
Section Office des trésors nationaux
Monsieur Clermont de l’Orangé
Est descendu spécialement de Montréal
Pour vous rencontrer
Parce que la rumeur veut
Qu’il y ait ici un trésor
D’une richesse exceptionnelle.

Afficher l’image source

Et je vis arriver non seulement mon Clermont, en habit, avec dans les mains, une valise faussement marquée « Division des trésors historiques », mais aussi deux policiers en uniforme, s’il vous plaît, l’encadrant du haut de leurs six pieds, suivis d’une sténodactylo. Tous des clients réguliers du St-Vincent.

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Écoutez, dit Clermont,
Qu’est-ce que vous savez sur cette histoire très étrange
D’un certain chevalier de la rose d’or ?
Je vous demanderais d’être précis
De parler lentement
De façon à ce que ma secrétaire
Ait le temps de noter les témoignages.

Rose Parure d'or Peinture par Philip Moreau | Artmajeur

Chaque enfant prêta serment avant de raconter ce qu’il savait. Il y eut une visite de la maison en décomposition. Clermont sortit des bouteilles dont le liquide passait du bleu au rouge, pour dater l’âge des fondations de façon scientifique. Puis, les policiers présentèrent à Robert un mandat leur permettant d’arracher le cadenas du caveau qui, selon leur dire, n’avait pas dû être ouvert depuis cinquante ans. Là encore, on retrouva à la surface du sol les armoiries du chevalier de la rose d’or. On confia donc aux jeunes du camp Ste-Rose la mission de creuser à l’écuelle et de rapporter tout objet, quel qu’il soit. L’écuelle étant l’élément essentiel de cette partie du thème, la direction en avait fait l’achat d’une centaine, sous la demande même de Renaud.

Le soin des peintures - Canada.ca

Et les petits creusèrent, par équipe de quatre, tout l’après-midi. Ils ramassèrent des bouts de métal, d’outils, des vestiges de toile, deux cuillers, trois couteaux, une montre en plus d’un camé.

Avant souper, Robert, entouré des chercheurs, téléphona à Monsieur de l’oranger à l’office des trésors publics. Plusieurs enfants lui parlèrent à tour de rôle. Et Clermont promit de revenir le soir même, examiner les trouvailles. C’est donc autour du feu de camp que le spécialiste des trésors nationaux dévoila la date approximative de la construction de la maison abandonnée, qui, selon les expertises faites au carbone 14, remonterait autour de 1700. Bien plus, il fut autorisé par le Premier ministre du Québec lui-même, et cela par décret ministériel (qu’il fit circuler entre les mains de chaque enfant) à ouvrir le camé historique. À l’intérieur y étaient inscrites les deux phrases clés de galli galli galli zum : « Le feu de l’amour brûle la nuit. Je veux te l’offrir pour la vie. »

Pas de doute !
Nous sommes à la veille de réussir
La découverte archéologique
La plus importante dans l’histoire du Québec

À ce moment précis, trois canots apparurent sur le lac et accostèrent sur le bord de la grève, tout près du bivouac, se consumant maintenant beaucoup plus en braises qu’en flammes.

Artworks of Robert Griffing | Native american artwork, Native american  artists, Native american pictures

Nous sommes des Indiens de la tribu des TÊTES GRISES
Comme nous passions par là
Notre chef Anikouni nous a demandé
De saluer ses amis
Et de leur remettre
Un message d’écorce de sa part.

Je reconnus, bien maquillé pour que la peau soit sombre, le chansonnier Pierre David, Monsieur Etienne le laveur de vaisselle et Philippe le robineux. Comment Renaud avait-il fait pour réunir trois personnes si disparates? Et pourquoi ? Sur le parchemin en écorce de bouleau, il y avait d’écrit :

La vie est un trésor
Vive le chevalier de la rose d’or.

Les Indiens repartirent, les enfants montèrent au dortoir pour y dormir . Nous nous retrouvâmes, Clermont et moi, devant ce qui restait du feu de camp. J’osai enfin aller au cœur de ma souffrance.

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Je suis follement amoureuse de Renaud
Qui lui a juste le goût de me faire l’amour
Qu’est-ce que je fais pour me sortir de là ?

La belle étoile Peinture par Pillault | Artmajeur

Clermont gagnait sa vie à titre de professeur de littérature. Il possédait cette délicatesse de ne jamais aborder une question de front, mais se permettait plutôt de divaguer d’une analogie à l’autre.

Le 6 mai, 1949, dit Clermont,
Georges Brassens logeait gratuitement ou presque
Chez un couple, Jeanne et Marcel
Au 9 de la rue Florimont à Paris

Pour Jeanne et Marcel
Il n’y avait qu’une seule mission sacrée :
Veiller à ce que le poète poétise
En toute liberté
Hors du temps, hors des servitudes
Hors des réalités.

Clermont sortit de son portefeuille un extrait d’une lettre de Brassens à un ami, datant également de 1949.

Depuis trois mois, nous mangeons par hasard
Je profite de ma mauvaise denture
Pour boulotter le moins possible
Des dents, mais pourquoi faire Mon Dieu ?
Pour abréger, disons que la situation
N’a jamais été aussi lamentable
Que dans l’impasse.

Bientôt,
Grâce à la disparition de ce muscle inutile qu’est l’estomac,
Nous pourrons nous montrer dans les foires
Et gagner ainsi le droit de retrouver un estomac.

Jeanne n’a plus rien à nous offrir
Et quelquefois elle souffre affreusement

Moi je n’ai besoin de rien
Mais Jeanne a des besoins pour moi.

Rien ne lui est plus douloureux
Que de ne pouvoir donner…

J’aurais une maison tranquille
J’y vivrais seul
Peu importe la mauvaise humeur de mon ventre
Mais Jeanne est dans la misère
À cause de mes dons poétiques
C’est très choquant
Je dois vendre des chansons.

Et Clermont resserra l’extrait précieux en le pliant précieusement pour qu’il retrouve sa place exacte.

Tu vois Marie
Je t’ai lu ce texte à cause d’une seule phrase
Où Brassens dit :

« Moi je n’ai besoin de rien. »

Georges Brassens ... Jeanne et Marcel : Impasse Florimont Paris 14ème - Le  blog de TititeParisienne

C’est par le biais de la texture de l’âme de Brassens, que Clermont tenta de creuser pour moi son bonheur de reconnaître un artiste de la vie quand par hasard, il en croisait un. Brassens avait écrit des chansons éternelles dont la Jeanne, la Cane de Jeanne et l’Auvergnat, partant de Jeanne au particulier pour atteindre la Jeanne universelle.

Renaud recrée artistiquement le réel du camp Ste-Rose,
Pour que le terre entière s’illumine un jour de poésie.
Est-ce que le tout prendra la forme d’une chanson,
D’un traité scientifique ou d’un essai philosophique ?
Je pressens seulement que cela portera le sceau de l’éternité.

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Clermont me raconta que, pour préparer son personnage de l’inspecteur des trésors nationaux, Renaud, après son spectacle au St-Vincent, l’avait emmené dormir à la belle étoile, sur les lieux du camp Ste-Rose. Et c’est ainsi que durant une partie de la nuit, après avoir caché un camé et autres objets dans le caveau, il lui parla pudiquement de l’essentiel, pour finir par lui dire à quel point son amitié sincère, en ce sens, lui était essentielle.

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Dans ma folie d’artiste,
Je suis le peintre d’une toile vierge qui s’appelle le monde.
Et mes couleurs sont les humains, la palette des humains
Dans son expression la plus large
La plus éclatée.

Et toi Clermont
Tu symbolises la couleur centrale

De cette peinture
La couleur Van Gogh
Un orangé très vif sans laquelle la toile de mes rêves
N’est pas possible, parce qu’il y a trop
De noir et blanc dans les vêtements des enfants.
Et que seul l’orangé, comme le soleil,
Peut humaniser le tout.

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Et c’est ainsi que mon personnage fut créé
Le directeur des trésors nationaux
Monsieur Clermont de l’Orangé.

Quel rapport avec Brassens, dis-je ?

Si je suis ici en ce moment
À vivre, selon sa vision artistique du camp Ste-Rose,
C’est parce que je connais l’importance d’un quelqu’un
Qui veille, simplement, à ce que le poète poétise
En toute liberté
Hors du temps, hors des servitudes
Hors des réalités.

Alors j’aime un fantôme concluais-je?

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Brassens fut fidèle à sa compagne
Et l’aima parce qu’elle ne lui demanda jamais rien
Même pas la présence. Mais il ne vécut jamais avec elle
Préférant rester chez Jeanne et Marcel.
Pour mieux rêver sa vie.

Les dernières paroles de Clermont sur la relation entre Brassens et sa compagne m’apportèrent un réel réconfort.. Un homme pouvait être fidèle à ses amours tout en refusant de se laisser distraire hors de son essentiel. Et cela m’apparut logique, du moins pour un artiste. Le fait que, Renaud peigne le camp Ste-Rose de personnages en couleur me fascina de nouveau. Et Clermont, notant mon changement d’humeur m’expliqua pourquoi son ami avait réuni trois Indiens dans un canot sous le vocable des « têtes grises »

Les trois Indiens de la tribu des têtes grises,
tout en étant disparates de fonctions sociales
possèdent cette particularité de toujours voir la vie en gris.
Monsieur Étienne pour oublier qu’il est laveur de vaisselle
se soûle de la scène en se faisant accompagner à la guitare
par le chansonnier Pierre David.
Qui lui, pour oublier qu’il est chansonnier
Dans sa déception de ne pas être fleuriste,
se soûle de la liberté de Philippe le robineux
qui, tentant d’oublier qu’il fut déjà médecin,
réussit toujours à se faire offrir de la boisson gratuitement
juste avant que Madame Martin arrive à le chasser à coups de balai
quand il en devient insupportable,
sous les rires grisâtres
de Pierre David et Monsieur Étienne
riant bien plus d’eux-mêmes à travers lui
que de lui.

GARDIENS DU FEU SACRÉ

Le gris, c’est ce qui s’approche le plus
De la vie en blanc et noir des enfants
Et, comme les nuages dans le ciel
Quand ils passent et repassent
Cela donne toute sa luminosité à l’oranger.

C’est ainsi que j’appris l’existence de la prochaine couleur : Maître Richard Lebrun, archéologue. Il y avait parmi les clients du St-Vincent un jeune scientifique qui dirigeait les fouilles en dessous d’un bâtiment du Vieux-Port avec pour objectif la construction d’un futur musée intégrant les différents murs tels que découverts.

Renaud réussit donc à convaincre, ce monsieur de donner un avant-midi par semaine de son temps pour offrir son expertise, aux enfants. Comment creuser avec une écuelle, tamiser le sable avec un taillis, répertorier tout objet autre que du sable, de façon à ne pas endommager le trésor du chevalier de la Rose d’or, patience et précision étant les meilleurs outils du chercheur.

Même qu’un certain après-midi, les enfants partirent en autobus voir comment les professionnels travaillaient sur le chantier historique du Vieux-Port : L’importance du petit geste, du respect de la matière, de la vigilance devant ce qui pourrait être altéré par une mauvaise gestion du sol. Le soir, on leur passa un documentaire sur les découvertes archéologiques à travers le monde.

Dialecte II - TABLEAU ART CONTEMPORAIN ABSTRAIT PEINTURE DE FLORENCE BISBAL

Même le St-Vincent fut affecté par cet te nouvelle couleur. Monsieur Richard Lebrun devint un régulier de la table de Monsieur Clermont de l’orangé, y occupant la droite de façon à ce que je n’y perde pas mes privilèges à sa gauche.

Quelle couleur est-ce que je représente
Dans l’univers de Renaud, Clermont ?

Je pense qu’il ne le sait pas lui-même, dit Clermont
Tu ne remarques pas comme il est fuyant
À ton égard ?
Tu cherches trop à aimer l’homme
Il le sent
Et l’homme en lui ne l’intéresse pas.
Seul le chercheur fou de poésie l’allume.

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J’habitais la chambre attenante à celle de Renaud. Il lui arrivait d’amener un des trois robineux y dormir, lui passant son lit pour lui-même coucher par terre dans son sac de couchage. Cette nuit-là, ce fut le tour de Philippe. Et le vagabond parlant toujours très fort, je sus que ce que Clermont m’avait raconté au sujet des trois Indiens disparates de Ste-Rose était vrai.

J’n’ai pas compris ton histoire de couleur
Renaud,
En quoi un robineux peut-il aider les enfants ?

Y a rien comme du gris
Pour comprendre du noir et blanc.

C’est vrai que je suis grisé
De boisson à l’année longue.

Gris pis grisé, ce n’est pas la même couleur Philippe
On se sent gris par le regard méprisant des autres
Pis on se grise pour arrêter de souffrir.

Mmmmm

Donc Monsieur Etienne pis Pierre David
Ce sont des futurs robineux ?

On est tous robineux
Quand on ne vit pas son rêve Philippe.

Analyse du vieux guitariste aveugle de Picasso ...

Mmmmm
Pis tu penses que parce que je suis robineux
je vais accepter
De dormir dans ton lit pis toi par terre ?

Ça dépend…
si tu vois la vie en gris….non
en grisé, ça va juste te dessaouler.

Ok
Moitié, moitié
Tant que chu grisé je dors dans le lit
Aussitôt que je dégrise un peu
Je te réveille pis on change de place
Ça va ?

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Je réalisai que pour Renaud, même un costume social, quel qu’il soit, n’était qu’un rôle temporaire dans la grande scène de la vie. Je n’arrivais pas à m’endormir. Les poètes sont tellement dans la lune. Une femme les attend et ils préfèrent rêver à elle au clair de lune.

Sans doute, n’avait-il même pas remarqué que j’étais là, haletante de sa présence, dans la chambre à côté.Modèle peinture visage femme d'inspiration amérindienne : laissez-vous  inspirer !

Vers quatre heures du matin, j’ouvris ma porte. Je vis que non seulement la sienne était entrouverte, mais que sa tête en dépassait l’embrasure pour se tendre vers ma chambre comme l’aiguille d’une horloge. Il y a des moments comme ça où le langage du corps franchit tout protocole social. Dès que je déposai ma main sur son front, il se réveilla en sursaut. Je lui mis le doigt sur la bouche, le pris par la main pour en signe d’invitation pour dormir avec moi.

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Je le sentis très épuisé car il me suivit sans rien dire, se blottissant entre mes bras et se rendormant presque aussitôt. Il dut ronfler une quinzaine de minutes. Puis il se mit à gémir, s’emmitouflant fébrilement tout en tremblant délicatement. Son corps entier semblait exprimer de la peine. On aurait dit que seul le sommeil lui permettait vraiment de s’ouvrir.

Je le réveillai pour vérifier ce qu’il vivait Il fut tout étonné de voir que son visage était mouillé de larmes. Il me dit simplement :

Merci
Je suis si bien.

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Entre deux sommeils, il pressa alors de ses mains chaque parcelle de ma peau, comme pour s’en imprégner. J’avais le sentiment d’être le modèle d’un sculpteur. Il caressait mes courbes, accentuait la pression de ses doigts, dégustait le mystère de ma chair, comme ma peau s’était parée de pelures superposées. . Tout était si lent et si immense à la fois, ses cheveux se tendressant tendrement dans les vallons de ma gorge. On aurait dit « l’homme aux mille frissons ». Tellement ébloui de chaque geyser le traversant des orteils au cuir chevelu qu’il en oubliait toute conséquence sexuelle.

Puis il se rendormit. Les gémissements recommencèrent, accompagnés à nouveau de larmes. Quelle étrange manière de vivre un sommeil. Je lui caressai délicatement la tête et cela lui donna des spasmes. On aurait dit Beethoven rythmant sa créativité. Parfois il murmurait :

Ah c’est beau, c’est trop beau
C’est trop beau
Pourquoi tout est si beau ?

Quelques gémissements suivirent, une larme ou deux, puis le sommeil profond.

Edgar DEGAS (d'après) : Ballerine, l'Etoile - Sérigraphie signée - Art  Moderne - Plazzart

Ce matin-là, je quittai très tôt pour le camp. Renaud ne s’en aperçut point. Comme il devait se protéger pour ne permettre à personne de percer ce quelque chose d’impossible pour moi à identifier. Non, nous habitions deux planètes différentes. Lui « était » depuis toujours et moi j’avais terriblement besoin de vivre, juste pour avoir le sentiment d’exister.

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C’est d’ailleurs cette journée-là que les enfants découvrirent, à coups d’écuelle, un parchemin du chevalier de la rose d’or, scellé dans une bouteille de vitre. Il y avait une carte avec des noms indiens indiquant les lieux. La carte était d’ailleurs en noir et blanc dans ses extrémités, et tachetée d’orangé vif un peu cuivré en son centre d’où débordait ici et là du gris sous des frisures de brun.

Épinglé sur 2013 - Tout commence par une idée - Le camps des cousins zinzins

Monsieur Clermont de l’Oranger étant accouru suite à un appel, nettoya la bouteille au pinceau avec la précision d’un chirurgien, la sténographe notant les résultats dans un bagout scientifique incompréhensible, protégée elle-même par la présence des deux policiers envoyés par le gouvernement dû à l’importance internationale de la découverte.

Art digital, Une bouteille à la mer, Page 2987, Oeuvres d'Artistes

Naturellement, on vit arriver en canot, les trois Indiens de la tribu des Têtes Grises. Mais curieusement, Philippe trônait debout, étant passé de rameur à maître-manoeuvre, suivi de Monsieur Étienne et de Pierre David pagayant côte à côte. Les jeunes conclurent que les trois Indiens étaient vrais parce que, comme dans les vieux livres d’histoire, ils sentaient l’eau-de-vie.

Monsieur de l’Orangé utilisa une astuce brillante. Il posait une question en français, puis la traduisait en indien, ce qui permettait à Philippe de baragouiner n’importe quoi, les deux autres faisant uniquement HUGH.

C’est ainsi que nous apprîmes que le trésor se trouvait probablement caché en plein centre des terres des méchants patibulaires, ennemis jurés des têtes grises, facilement identifiables parce que le visage toujours peint des couleurs de guerre rouge vif.

Ces terres, données jadis par les ancêtres des têtes grises au chevalier de la rose d’or, lui avaient été volées par les méchants patibulaires.

Par chance, le chevalier de la rose d’or avait eu le temps de cacher son trésor et d’en indiquer le plan dans une bouteille avant de mourir transpercé d’une flèche. De là ces artefacts dans le caveau et la légende répandant étrangement le bruit que le chevalier avait dû habiter les lieux. On ne savait trop où se situait la vérité. Mais bon…. On avait au moins un indice pour la découvrir.

Curieusement, tous les acteurs repartirent sauf Philippe. Les enfants l’avaient adopté. Tout petit comme eux, avec le panache quasiment plus grand que sa tête, ils exigèrent que celui-ci vienne les border. Pour un enfant, que tu sentes l’eau-de-vie ne signifie pas que tu sois un renégat social. Puis, après avoir serré les deux jumeaux intensément contre lui, un petit nouveau appelé Philippe comme lui le demanda à son lit.

Monsieur l’Indien,
Mon arc est brisé
Vous pouvez le réparer
Avec du vrai bois indien ?

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Ce fut le moment précis, je crois, où Philippe cessa à tout jamais de voir la vie en gris. Il était devenu carrelé noir et blanc, en symbiose avec la fragilité des petits, comme ces guignols que l’on rencontre parfois dans les comédias del arte italiennes.

J’étais là le soir où il demanda la permission à Madame Martin de s’exprimer au micro : Comme il était sobre, et que ses yeux suppliaient de bonté, Jeanne se laissa attendrir.

Nous autres les robineux du Vieux
Ça arrive rarement
Qu’on a le besoin
De parler.

Il y a des enfants, perdus dans un camp
Qui m’ont redonné goût de la vie
Sans le savoir.

J’aimerais les remercier
En leur fabriquant
Chacun un arc
Mais ils veulent un arc fait à la main
Avec du vrai bois par du vrai monde.

Mais soixante-dix-huit arcs, ça ne se fait pas en une semaine
Ça prend de l’argent pis des doigts
L’argent, je vous connais,
Vous m’avez donné assez de bière gratis
Je peux la ramasser ce soir
Si je dis que j’arrête de boire définitivement
Même si ça peut nuire au commerce
Lança-t-il dans une bravade qui fit rire tout le monde.

Si y a des doigts
Qui veulent m’aider à donner du bonheur aux enfants
Me semble que ça mettrait de la couleur dans nos vies,
Pas dans la leur, mais dans la nôtre.

La Vue De Côté De La Maman Heureuse Tenant La Silhouette Adorable D'enfant  De Bébé Plus La Couleur D'eau Abstraite A Peint Jour D Illustration de  Vecteur - Illustration du maman, tenant:

C’est alors que Jeanne Martin alla au micro :

Si Paul avait été encore en vie,
Voici ce qu’il m’aurait demandé de faire.

Offre-leur la salle en arrière du St-Vincent,
fournis les sandwichs.
On n’hésite jamais quand c’est le temps
de mettre de la magie dans la vie d’un enfant.

peinture « Magazin'art

 

C’est ainsi qu’un comité de recrutement fut formé. Pierre David et Monsieur Étienne coordonnant les achats et les heures d’atelier, Monsieur Philippe encourageant tout le monde, étant le moins habile du groupe de ses mains. Vingt-deux clients du St-Vincent firent ainsi les arcs et les flèches en deux jours.

Et Philippe put apparaître seul dans son canot avec un ballot apportant aux enfants des armes magiques pour lutter contre les méchants patibulaires. Le bois n’ayant autre couleur que celle de la vie, on vit soudain chez les éducateurs et éducatrices des cœurs de pierre fondre en cœurs de bois puis de cœurs de bois en cœurs de chair car tous pleurèrent pendant que les enfants s’abandonnèrent à peindre la vie d e leurs cris de joie.

Trois filles et garçon Art Print, trois soeurs et frère, quatre enfants,  pieds heureux, enfants jouant art mural, les adolescents, art Vickie Wade

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 Pierrot le Vagabond Chercheur |

pierresivign

Chapitre 9 – LE TABLEAU

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L’île de l’éternité de l’instant présent

Veiller à ce que
Le poète poétise
En toute liberté
Hors du temps,
Hors des servitudes
Hors des réalités.

Quand Renaud eut son premier enfant, il fit en sorte que le monde soit d’abord perçu par lui comme un tableau. N’avait-il pas lui-même croulé sous son âme d’enfant lorsque, au Musée du Louvre, il découvrit une peinture de Renoir, ce fameux « Bal au moulin de la galette » où l’impression du bonheur par la suspension de l’instant présent dans l’espace se trouve à jamais dévoiler universellement à qui que ce soit sur la planète ?

«ball at the moulin de la galette par pierre auguste renoir, impression

Pour approcher du canyon de la fissure du temps, il en était venu à l’hypothèse qu’il serait peut-être intéressant dans un premier temps, de découper le réel en toile de fond vierge et l’encadrer comme on le ferait d’un tableau afin que le peintre s’exprime.

L'horloge du temps (Galerie Peintures - Huiles sur toile - Abstrait)

Tous les matins, lorsque sa légitime partait travailler, il démontait les meubles du salon, tel un jeu de mécano, pour le transformer en montagnes russes, de la même manière que sur scène, il accordait à l’agencement cahoteux des chansons plus d’importance que l’intérieur des chansons elles-mêmes. Ainsi l’agencement des coussins permettait de monter une courbe, puis de la descendre, un carré d’oreiller creux dans son centre servant de bas de courbe et un autre monté sur une petite basse de haut de courbe. Et rendu dans ce haut. Il prenait l ‘enfant, le soulevait dans ses bras, le faisait tourner lentement pour que le temps et l’espace deviennent ludiques, hors du temps, hors des servitudes, hors des réalités. L’enfant se réveillait chaque matin en attendant que la toile du tableau, les cadres des quatre murs et la virginité des lieux, furent remis en place. Et il recommençait ses explorations. Vint le moment de peindre le tableau. Renaud lui apprit à toucher les tissus, à déguster les plus minimes sensations, à s’y étendre pour déguster le temps qui passe, à s’y promener pour que le temps à son tour se repose.

Les Montagnes Russes Oranges Modernes De L'eau Rouge Montent Pour L'arrière  De Parc Aquatique Illustration Stock - Illustration du rouge, montent:  119714024

Tous les après-midi, lorsque sa femme repartait travailler, il démontait le quadrilatère de rues du voisinage, pour le transformer en montagnes russes, de la même manière que sur scène où il accordait à l’agencement cahoteux des chansons plus d’importance que l’intérieur des chansons elles-mêmes. Ainsi, l’agencement des trottoirs lui permettait de monter des côtes, puis de les descendre, un carré autour d’une borne-fontaine rouge en son centre, servant de bas de courbes et un talus dans un parc de haut de courbe. Et rendu dans ce haut, il prenait l’enfant, le soulevait dans ses bras, le faisait tourner lentement pour que le temps et l’espace deviennent ludiques, hors du temps, hors des servitudes, hors des réalités. L’enfant sortait du sommeil de sa sieste chaque après-midi en attendant que la toile du tableau, le cadre du ciel et de la terre et la virginité des lieux, furent remis en place. Et il recommençait ses explorations, exultant de joie lorsqu’il voyait apparaître la borne-fontaine rouge à l’horizon, les roses de Monsieur Samson, la colline verte où bientôt il volerait juste au bord du grand canyon de la fissure du temps. Vint le moment où le carrosse ne fut plus nécessaire. Et l’enfant poétisa le monde bien au-delà de la borne-fontaine, des roses de Monsieur Samson et de la colline verte, mais toujours en découpant le réel en tableau pour avoir le bonheur de le peindre et de le signer en artiste, hors du temps, hors des servitudes, hors de la réalité.

Kandinsky

Renaud tenta la même expérience avec quelques enfants du voisinage. Cela échoua. Alors il réalisa que son fils serait lui-même un jour, artiste, ce qui ne mit point un terme à son obsession de donner à chacun sur terre l’espoir qu’il y eut un choix, un vrai choix entre la souffrance de subir le réel et l’abondance de le célébrer. Un soir, il avait dit à Clermont :

Le jour où les machines distributrices de Coca-Cola,
les panneaux publicitaires de belles filles en bikinis et
les appareils de télévision seront perçus comme les objets
d’un tableau sous forme de haut de courbe et de bas de courbe,
au lieu d’être asservis par eux en pur réflexe pavlovien de consommation,

alors il y aura un vrai choix entre le continent de la souffrance
et l île de l’éternité de l’instant présent.

Pour avoir une chance d’accoster dans l’île, il n’est pas nécessaire d’être poète. Juste indispensable d’avoir connu au moins une fois dans sa vie le bonheur d’être hors du temps, hors des servitudes, hors des réalités.

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Le St-Vincent et le camp Ste-Rose représentaient pour lui exactement le même tableau découpé dans le réel que le salon de son appartement modeste et le quadrilatère de son quartier. Il fallait juste découper, encadrer, courber, pour que les humains autour de lui puissent à leur tour dessiner, s’émouvoir de beauté et y signer leur vie.

C’est en ce sens que, lorsque les enfants passèrent de l’art de se servir de l’écuelle à l’art du tir à l’arc pour se défendre contre les méchants patibulaires,

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le camp Ste-Rose devint une base militaire, mais de type poétique. Clermont avait même organisé une collecte parmi les clients du St-Vincent,

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pour que la série de bandes dessinées « les aventures D’Asterix » devienne, en contrepoint, les livres à feuilleter durant la sieste de l’après-midi. Il était devenu facile d’intégrer les nouveaux cas des services sociaux, la chanson résumant la thématique et les gamins se racontant les uns aux autres la suite des derniers épisodes, mais on était toujours sans nouvelles d’Anikouni.

L'île oubliée, tableau d'artiste peintre unique de couleur bleu orange  rouge. Cette oeuvre de l'a… | Peinture abstraite, Peinture abstraite  moderne, Artiste peintre

De fait, tout le St-Vincent eut l’impression qu’Anikouni était lui-même sans nouvelles de lui-même. Il tentait de plus en plus de changer ses périodes de trois quarts d’heures de chant avec les gars, de façon à monter sur la scène au début de la soirée quand il n’y avait personne et vers la fin quand il y en avait encore moins. Entre les deux, il marchait le Vieux Montréal comme Monsieur Gouin le lui avait montré : conscient de la beauté magique et de l’étrangeté incluses dans l’instant présent alors que la mort frappait, aveuglément des dizaines de milliers de fois à la fois sur la planète.

Seul Clermont arrivait parfois à pénétrer l’intime de ses silences.

File:Auguste Renoir - La Grenouillère.jpg - Wikimedia Commons

Il avait d’ailleurs raconté à Clermont que c’était tellement beau ce qui se vivait dans le tableau du St-Vincent, telles les peintures impressionnistes de Renoir, Monet ou Toulouse Lautrec, qu’il était obligé de prendre l’air pour ne pas s’évanouir de bonheur. Cet état lui causait parfois des problèmes, en particulier sur la scène. Il lui arrivait de tomber en état contemplatif, ce qui le gênait passablement. Sa frustration intellectuelle résidait dans le fait de ne pas en comprendre les mécanismes pour les reproduire à volonté. Monsieur Gouin lui manquait. À qui parler de ces choses sans passer pour un extra-terrestre ?

« white les nymphéas, 1899 » par l’impression de peintures Claude Monet

Les animateurs-chansonniers étaient devenus des plus habiles à créer des explosions de joie à l’intérieur du St-Vincent et cela soir après soir. Parfois on aurait dit des tableaux de Picasso, de sa célèbre série des corridas. Chaque chansonnier, comme le torero face au taureau, avait développé son style. Renaud se contentait de plus en plus de rechercher le passage de la fissure du temps à travers le talent d’animer de ses confrères.

The corrida, 1901 - Pablo Picasso - WikiArt.org

Marcel Picard possédait l’art d’être immobile à chanter du Brassens ou du Guy Béart, avec pour seul outil d’animation le rythme lent mais ensorcelant de ses doigts sur la guitare. Comment arrivait-il à faire monter les gens sur les tables sans même bouger ni faire le moindre effort et à les faire descendre avec cette légèreté ahurissante? Certes il y avait le personnage, là et pas là en même temps. Mais surtout un art de vivre qui dépassait l’art de chanter sur la scène et ça c’était magique, absolument magique.

Pierre David courbait le temps sans même s’imaginer que ce talent fut inné en lui. Il attaquait en nuances, ensuite en contrastes, puis il explosait lui-même de joie entraînant la salle dans une folie de vivre dont lui seul avait le secret.

Grande fête aux 2 Pierrots en l'honneur du chansonnier Pierre David | TVA  Nouvelles

Et il y avait Jos Leroux, le p’tit magnifique sur deux pattes, qui forçait, suait, criait, pour que les clients embarquent. Et il ne lâchait jamais la pression de peur qu’ils débarquent. Alors chez lui, oubliez les courbes. Tout le monde en haut puis ça presse. Il lui arrivait de brûler sa salle. Mais il la rallumait avec passion pour qu’elle atteigne à nouveau l’orgasme de foule. Avec Jos, on quittait l’art raffiné du toréador et du taureau pour aboutir dans une arène romaine où on ne savait jamais qui était pour tomber au combat, l’artiste ou le public.

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Michel Woodart, de son côté, passait par la délicatesse, le charme et la tendresse. Même répertoire, même façon de monter les gens debout sur les tables, mais que de bonté dans cet homme. Il avait toujours l’air de dire merci au public de lui donner la chance de pratiquer le plus beau métier du monde : animateur de foule.

Et tous les autres…..

Ce fut cet été-là que, les vendredis et samedis soirs, Madame Martin ouvrit la partie arrière et qu’il y eut un chansonnier en même temps dans chaque salle. Et Renaud ressentit cruellement le deuil au niveau de son tableau. Comme si la période lune de miel allait bientôt prendre fin pour laisser place à l’argent. Le marché de l’art étant si lucratif, une fois les peintres en fin de carrière ou déjà morts.

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Alors il lui arrivait souvent d’aller s’asseoir au café du Vieux-Port, chez Jean Marcoux et réfléchir. La magie n’était donc pas éternelle ? Comment retarder le moment où tout va s’estomper pour une autre chose qui ne le rendrait peut-être pas aussi heureux ? Jean avait aussi tenté d’arrêter les changements avec sa boîte à chanson des années 60. La magie de son tableau n’avait pas traversé l’usure du temps et le tout agonisait et se poussiérait de façon pathétique.

Comme, au camp Ste-Rose, la guerre des patibulaires approchait et qu’elle allait se passer près de la cabane à un mur de l’enfance de mon père, ma mère prit l’habitude d’aller prendre son cognac à l’appartement de Madame Martin au troisième étage du St-Vincent

Fauvisme

tandis que mon père accompagnait Renaud dans ses promenades du Vieux-Montréal.. Il leur arrivait d’aller prendre un café à l’endroit exact où Monsieur Gouin écrivait ses poèmes la nuit.

Paterson Ewen | L'Institut de l'art canadien

Et jamais le père Leduc ne leur faisait payer que ce soit. C’était un honneur pour lui de recevoir en son commerce cette magie qu’il ne comprenait pas mais dont Monsieur Gouin lui avait appris l’indispensable présence pour ne pas mourir d’effroi que la mort existe. Parfois, Philippe le robineux venait les rejoindre.

Mais il y avait plus. Les clients du St-Vincent atteignaient maintenant en eux la magie de l’enfance, entre autres parce que les enfants du camp Ste-Rose, manquant cruellement de poésie, leur tendaient, de loin mais de si près, innocemment les bras.

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Renaud me faisait penser à un peintre qui, regardant de loin les premières esquisses de son œuvre, cherche de son pinceau à traduire l’infime beauté du monde. Un jour il dit chez Monsieur Leduc, en ma présence, celle de Clermont, de mon père et de Monsieur Philippe car il ne pouvait appeler le robineux autrement que par ce nom :

Arrive-t-il un moment
Où l’art de dessiner la vie
atteint la même substance divine
que celle du mystère du réel ?

La guerre des patibulaires commençait le lendemain matin mais elle se vivait déjà en lui-même sous la forme de questions : Pourquoi la terre se divise-t-elle si souvent en méchants et en bons ? ne serait-il pas plus joli qu’elle se scinde en contrastes s’affrontant farouchement, tel un coucher de soleil brûlant de son rouge orangé la terre assoiffée de la fraîcheur de la nuit ?

Je me dirigeai vers le téléphone public, appelai au camp Ste-Rose. Natacha Brown allait passer la nuit à l’infirmerie. Elle n’allait pas bien. Larmes, maux d’estomac. Elle avait réclamé toute la journée Miel et Anikouni.

Renaud était parfois si imprévisible. Nous descendîmes à toute vitesse au camp Ste-Rose, même si rien ne nous y obligeait et que tout était sous contrôle. Natacha dormait. Mon ami l’embrassa sur le front. Elle ouvrit les yeux et le serra très fort par le cou, refusant de desserrer son étreinte. Celui-ci la souleva dans ses bras, et la berça dans la grosse chaise berçante. Elle avait tellement besoin d’un père qu’il en vint à ce moment-là à ressentir le besoin d’avoir lui-même besoin d’une fille. Et il se sentit gêné que j’en fusse témoin.

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Peut-être serait-il bon de dire ici qu’il ressentit une affection si vive pour Natacha qu’il fit à la fin de l’été et des activités de ce camp, une demande aux services sociaux dans l’objectif de l’adopter. L’automne vint. Renaud partit faire la tournée de vingt-deux villes et villages de la Gaspésie et des Îles de la Madeleine, exigeant par contrat de dormir avec son sac de couchage dans chaque bibliothèque de façon à lire de nuit en nuit. Et c’est au lendemain d’une de ces nuits qu’il apprit au loin, de loi au loin, que sa demande avait été refusée.

Peinture en Inde — Wikipédia

Mais revenons au fameux matin de la première partie de la guerre contre les patibulaires. Lorsque les enfants se réveillèrent, Clermont de l’Orangé, assisté de Richard Lebrun, les attendait déjà à la place du rassemblement. Renaud avait exigé que tous les petits fussent habillés de noir et de blanc. Et ils le furent à leur grand bonheur d’ailleurs de se percevoir sous une forme étonnée, se miroitant elle-même de l’un à l’autre..

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CAIA…BOUM

Selon les documents retrouvés
à la bibliothèque des fonds publics de la province de Québec,
il existerait vingt et un petits coffrets avec chacun
un morceau du parchemin indiquant
l’endroit exact où se trouve le trésor.

PUZZLE MASTER - SECRET PUZZLE BOX - BUTTON BANK / EN BOIS

Nous allons tenter
de nous y rendre ce matin
en autobus

C’est à ce moment précis qu’on entendit un grand cri de corne provenant de la forêt. Une douzaine d’hurluberlus habillés en hommes des cavernes, sandales aux pieds avec des grondins à la main s’approchèrent du groupe. Clermont demanda aux enfants de garder leur calme. Je reconnus tous les chansonniers de Madame Martin, à part Pierre David qui s’était brûlé en jouant le rôle d’un des indiens des têtes grises. Tous étaient vêtus de rouge cuivre, avec des traits rouges guerriers dans la figure. Et le chef n’était nul autre que Jos Leroux, avec sa grosse bedaine poilue et ses pattes courtes.

Nous sommes la famille des patibulaires
Et nous voulons voir Anikouni

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Et Clermont de répondre :
Nous n’avons pas eu de ses nouvelles
Depuis au moins deux semaines.

Nous ne voulons pas de mal aux enfants
Mais nous n’aimons pas qu’Anikouni
Vienne fouiller sur nos terres.

C’est alors que j’intervins.

Moi, miel,
Je vous dis sur mon honneur
Toute la vérité rien que la vérité

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Il tente de délivrer mon père
Que vous avez emprisonné sur vos terres.

Il n’est pas chez nous répondit Jos Patibulaire

Alors laissez nous vérifier répondit Clermont.

Si nous le voyons encore chez nous
Ce sera la guerre,

Si vous lui touchez, je vous déclarerai moi-même la guerre
Quittez ces lieux, car j’appelle mes soldats

Vous ne me faites pas peur
Car vous n’avez même pas d’armée

Et Clermont sonna la corne de trois longs coups

Peinture Abstraite Avec Les Taches Rouges, Oranges Et Roses De Peinture  Illustration Stock - Illustration du rouges, avec: 120875129

C’est alors que nous vîmes surgir, de l’autre côté de la forêt, une quarantaine de personnes, serrées en rang d’oignon, toutes vêtues d’au moins un morceau de rose. Ces taches de rose traversant l’horizon provoquèrent des ahhhhh admiratifs chez les petits si heureux de pouvoir les accueillir par la beauté de leur noir/blanc. Comme tous les éducateurs et éducatrices, je réalisai avec stupeur que Renaud avait réussi à rassembler la plupart des parents ou grands-parents des enfants., les mères de familles avec dans les mains un tue-mouche et les pères des canettes de raid contre les moustiques, chaque objet étant systématiquement peint en rose.

Leur chef était Monsieur Brisson, le père de Jean-François. Le contraste entre ses six pieds trois pouces et les cinq pieds quatre pouces du chansonnier Jos Leroux était absolument délirant. De fait, Monsieur Brisson confronta Jos, bedaine contre bedaine. Il le prit même par en dessous des bras et le leva dans des airs comme si ce petit monsieur n’avait été qu’un fétu de paille.

Alors le p’tit gros
On fait peur aux enfants ?

C’était extraordinaire de voir les enfants se tordre de rire devant notre Jos, brassé comme une poupée, que l’on retourne dans tous ses sens. Jos une fois par terre dit aux autres :

Nous vous empêcherons
De trouver le trésor
Du chevalier de la rose d’or.

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Juste avant que cela ne dégénère en bataille rangée, arriva la mère des patibulaires, toute de rouge vêtue, Madame Jeanne Martin, donnant des taloches à ses fils pour les punir d’être de si vilains diablotins.

Fauvisme

Vous n’avez pas honte de faire peur
À des enfants, mauvais garnements
Allez Ouste,
Tout le monde à la maison

Excusez-les
Ce sont encore à leur âge
Des enfants terribles
Surtout mon plus vieux
Le p’tit gros, Jos Patibulaire
Pompiste de son métier
Dans une station de gaz pour filles
(ce qui fit d’ailleurs éclater de rire les autres chansonniers)

Allez ouste
Que je ne vous y reprenne pas
Excusez-les encore, Messieurs Dames.

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C’est alors que le rouge des patibulaires se dilua peu à peu vers l’extrême du tableau en s’enfonçant dans la forêt, donnant à l’orangé contrasté de brun , cette sensation d’une boule heureuse explosant en plein centre, entre le rosé des adultes enfin hors du temps, hors des servitudes, hors des réalités et le noir/blanc des enfants qui ne demandaient que de l’encre sur du papier pour s’en imprégner à jamais d’émerveillement..

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Et ce fut la fête, le déjeuner des canotiers, le moulin de la galette. Le bonheur de l’imprévu, de la surprise à l’esprit, du temps qui se symphonise, telle une feuille de musique avec des séquences et des barres de mesure, l’instant présent succédant follement à l’instant présent, sans que le passé ou le futur ne puisse prendre forme. Je remarquai que les parents donnaient généreusement de l’affection aux enfants, même à ceux qui n’étaient pas les leurs. Ou était-ce plutôt le contraire ? Des enfants qui réparaient des cœurs d’adultes ?

Pierre-Auguste Renoir - Luncheon of the Boating Party - Google Art Project.jpg

À la fin du goûter, Clermont annonça aux enfants que la recherche du trésor serait retardée de quelques jours, le temps de se faire oublier des patibulaires. Mais que d’ici là, il serait important de s’entraîner pour être au meilleur de sa forme.

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Les patibulaires sont réputés
Pour avoir une peur terrible des enfants
Si vous vous promenez dans la forêt
Et que vous pensez qu’il y en a un de caché
Vous n’avez qu’à faire beuhhhhhh

Et Monsieur Brisson d’ajouter en faisant répéter les parents après lui comme Renaud leur avait fait pratiquer un certain dimanche après-midi, dans la salle arrière du St-Vincent

Nous les parents,
Nous engageons
À vous protéger
Vous les enfants
contre les patibulaires
vive le trésor
du chevalier de la rose d’or.

Les parents partirent. Clermont amena tous les enfants du camp sur le bord de la plage en vue d’une réunion stratégique.

C’est à ce moment précis qu’apparurent, sur le lac, les canots des têtes grises.

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CAIA BOUM fit Clermont
Que tout le monde garde silence.

Les indiens chantaient la chanson d’Anikouni. Ils déposèrent un des leurs sur la roche au centre du lac. Quand l’inconnu s’assit dos à la plage, les jeunes surent qu’enfin Anikouni était revenu. Les trois canots se dirigèrent ensuite vers le rivage.

L’indien Pierre David, tout habillé de gris, débarqua seul et s’approcha des enfants. Il conversa en langue indienne avec Monsieur de l’Orangé, pendant que Philippe, tout vêtu de noir/blanc et Monsieur Étienne, en gris pâle attendaient dans leur embarcation. Et Clermont traduisit aux petits :

Les amis.,Anikouni est sur la roche sacrée
Il aimerait y rencontrer tous ceux ou celles qui ont des choses
À lui raconter au sujet du trésor
Du chevalier de la rose d’or.

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On alla donc chercher des gilets de sauvetage. Et tour à tour, chacun des trois têtes grises emmena en canot un jeune sur la roche sacrée. Durant ce temps, les enfants tentaient de parler par signe aux deux autres indiens, de leur apprendre à communiquer en français. Même les indiens leur apprenaient que roche se disait en langue grise WABADOSH et que l’eau devenait WABADO. Le problème, c’est que, pour le troisième indien qui n’était pas au courant, au retour de la roche, ce mot devenait en sa bouche SITAWA et l’eau WADAGASI. Clermont dit aux petits de ne pas s’en faire, l’eau de vie étant probablement la cause de ce brouillage des mots.

GARDIENS DU FEU SACRÉ

C’est ainsi que chaque petit fit un tour de canot, connaissant le bonheur d’être écouté par une oreille sacrée, revenant sur la berge, étonné que tant de magie fût possible en cette vie.uarante-six parents. Sur le bord des toilettes, debout, avec une bière ou un cognac dans la main, les onze chansonniers patibulaires. A la table de Clermont, Richard Lebrun, Monsieur Philippe, le père de Jean-François Monsieur Brisson, mon père, ma mère, et moi-même. Madame Martin offrit une tournée générale, Monsieur Étienne le laveur de vaisselle obtint un succès monstre, Monsieur Philippe se saoula à la liqueur douce. Et chaque animateur-chansonnier fit faire des montagnes russes à la foule. Renaud passa sa soirée à promener sa chaise de métal, de table en table, de personne en personne, écoutant avec avidité chaque mot de chaque bouche de chaque personnage de sa toile juste pour déguster cette merveilleuse alchimie de coloris qui, déposée au fond de lui-même, rejaillissait comme un volcan de sensations encore et encore et de plus en plus somptueuses. Il n’était pas vraiment touché par le fait que le bonheur fut, mais plutôt par le fait que ce fut d’une infinie beauté. Qu’hors du temps, des servitudes et de la réalité, la beauté se feu d’artifice en des formes infinies se recréant en elles-mêmes comme l’univers n’avaient dû cesser de le faire à chaque seconde depuis la création du monde qui n’eut jamais lieu, puisqu’elle supposait un passé et un futur.

Renaud s’assit finalement entre mon père et moi. Il déposa sur la table le livre d’Hermann Hesse : « le loup des steppes »

J’appris par Clermont que l’exemplaire lui avait été remis et souligné par Monsieur Gouin lui-même, qu’il en avait même, par la suite, acheté quarante-cinq copies , qu’il avait pris le temps de souligner aux mêmes endroits que le poète Paul Gouin, dans le but de les offrir à des artistes de passage au café dont les vies traversaient des tourmentes imprévues. Je le feuilletai discrètement et tombai sur certains passages ;

Dans l’éternité, le temps n’existe plus
L’éternité n’est qu’un seul instant
Juste assez pour une plaisanterie

La sensation de fête
La griserie de la fraternité en liesse
La fusion mystérieuse de l’individu avec la foule
L’union mystique de la joie

Je respirais ce rêve grisant de fusion
De musique, de rythme, de vin, de volupté.

Ma personnalité s’est dissoute dans la fête
Comme le sel dans l’eau

Je saisis intellectuellement à quel point Renaud possédait la culture de son métier d’animateur-chansonnier. Sa quête me semblait maintenant plus accessible. Chaque soir, il tentait d’amener le public, au moyen de techniques d’animation à se dissoudre dans la fête, dans un moment d’une grande beauté, dans un instant d’éternité.

c25bcb0aba87fff79bd1873ede9d1f1f.jpg (236×373) | Arte ritratti, Sculture  artistiche, Dipinti artistici

Finalement, vers minuit, il monta sur scène à son tour. Il me sembla extraordinairement joyeux, ses yeux disant merci comme ceux de Michel Woodart, ses mains grattant amoureusement sa guitare comme celles de Marcel Picard, sa gorge criant parfois son amour de la vie comme celle de Jos Leroux, sa voix déchirant de tendresse les bas de courbes comme celle de Pierre David.

Il courba passionnément en passant d’une chanson lente à une un peu plus vite. Puis un refrain que tout le monde connaissait emporta la salle comme si elle se trouvait suspendue au premier poste de repos de l’Himalaya. Il cassa soudain son rythme pour redescendre, au moyen d’un dialogue

Imaginez-vous
Qu’on est tous des enfants
Qui boivent le vin de la vie
Pour la première fois
Qu’on lève son verre
À l’enfance éternelle du cœur.
Tout le monde debout.

Et ce fut la grande montée : la prison de Londres, Au chant de l’Alouette, Youppie yai, la danse à St-Dilon, les mains sur les épaules, tout le monde debout. Et la finale. « Quand les hommes vivront d’amour » de Raymond Lévesque.

Quand les hommes vivront d’amour
Il n’y aura plus de misère
Et commenceront les beaux jours
Mais nous nous serons morts mon frère.

Renaud commença à dire les paroles, phrase par phrase, pour que, seules les voix de la salle supplient l’éternité d’apparaître en son instant présent.

Quand les hommes vivront d’amour
Ce sera la paix sur la terre
Les soldats seront troubadours
Mais nous nous serons morts mon frère.

Tous les chansonniers montèrent sur scène, se serrant contre lui, tout autour de lui, pour entonner le couplet. Je le sentis bouleversé. Il redoutait tellement le fait d’être l’objet de quelque attention que ce soit, cela provoquant en lui des émotions qu’il n’avait pas prévues, orchestrées, dessinées, signées. Il aurait voulu mourir plutôt que tous découvrent à quel point il était fragile, la scène n’ayant toujours été pour lui, comme m’avait un jour confié Clermont, un monastère le protégeant de tout et de rien.

Dans la grande chaîne de la vie
Où il fallait que nous passions
Où il fallait que nous soyons
Nous aurons eu la mauvaise partie.

Renaud n’étant plus capable de chanter, les yeux trop bouleversés à retenir le flot qui voulait exploser en lui, Jos passa le micro de chansonnier en chansonnier qui, comme le faisait Renaud auparavant, ne prononcèrent qu’une phrase à la fois pour que le public seul les chante. Quand les hommes vivront d’amour
Qu’il n’y aura plus de misère
Peut-être songeront-ils un jour
À nous qui seront morts mon frère

Nous qui auront aux mauvais jours
Dans la haine et dans la guerre
Cherché la paix , cherché l’amour
Qu’ils connaîtront alors mon frère.

Dans la deuxième salle du St-Vincent, il existait un autre microphone avec un fil permettant de traverser les deux salles. On entendit une voix inconnue chanter le dernier couplet. La porte s’ouvrit entre les deux salles. On vit apparaître Jean-François Brisson, le jeune le plus âgé du camp, au visage le plus dur, avec entre les mains une grande carte, une immense carte marquée d’un gros MERCI. Et il chanta avec une telle assurance que même son père en fut ébranlé.

Dans la grande chaîne de la vie
Pour qu’il y ait un meilleur temps
Il faut toujours quelques perdants
De la sagesse ici-bas c’est le prix.

Et lorsque tous les clients entonnèrent, a capella, sans grattements de guitare, ni bruit de quelque sorte que ce soit, le dernier refrain, l’éternité de l’instant présent transperça peut-être la salle. Je sus, par la suite, que c’est à cet instant précis que Monsieur Gouin apparut à Renaud dans le cadrage de la porte de garage du St-Vincent pour lui faire signe de ses deux doigts en V que l’éternité avait pris la forme de son corps pour lui dire, elle aussi, merci.

Quand les hommes vivront d’amour
Il n’y aura plus de misère
Les soldats seront troubadours
Mais nous nous serons morts
Mon frè…..è……..re

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Pierrot le Vagabond Chercheur |

1302 ….. 18 MAI 2016

1302 .. (DENIS LAMARRE) JE NE REMERCIERAI JAMAIS ASSEZ DENIS LAMARRE, MON PARTENAIRE DE SCÈNE, POUR LES 18 ANS DE PARFAITE EUMÉTRIE DU DUO ROCHETTE-LAMARRE, ET CELA AUTANT SUR LA SCÈNE QUE DANS LA VIE PRIVÉE

May 18, 2016Pierrot le Vagabond Chercheur

Il n’y a jamais eu de chicanes entre nous en 18 ans de carrière, 250 spectacles par année minimum…. Ce fut magique, intense, respectueux et nous avons pratiqué un concept du philosophe Onfrey qui s’appelle l’eumétrie…

Nous avons divisé équitablement le pouvoir… Tout ce qui se passait en bas de la scène, Denis avait la dernière décision, tout ce qui se passait sur scène… j’avais la dernière décision parce que j’avais à dessiner l’architecture théorique de ma thèse de maîtrise sur le rire, écrire les numéros de comédie, slapstick ou monologues tout en performant dans des variables thématiques où ma nature «MON ONCLE PAULO» servait bien notre duo… comme la nature DE MONSIEUR PARFAIT AU NIVEAU ÉTHIQUE… mais REMARQUABLEMENT PARFAIT DE DENIS…… le rendit unique à mes yeux et aux yeux du public…

Que de joies… je me rappelle un jour… j’avais un numéro de comédie ou je dansais un slow avec une femme dans la salle qui me dit à l’oreille… j’ai un fantasme…. danser un slow avec ton copain QUI LUI EST BEL HOMME… je conte cela à Denis rendu sur scène… il me répond dans l’oreille…. DIS LUI QUE LES PLUS BEAUX FANTASMES SONT CEUX QUI NE SE RÉALISENT JAMAIS… je retourne danser avec la dame… qui toute en chair et poitrine en guerre bien portante me serra très fort en me disant… ahhhhh… quelle réponse… j’en ai des frissons…. pis c’est toi qui va payer pour… c’est ainsi que par procuration, je dégustai les fantasmes de Madame dans son espérance qu’ils traversent mon corps pour atteindre celui de Denis….. )))))))))))))))))))))

Que de joies… je me rappelle entre autres ces nuits où Denis chauffait l’automobile, pendant que je lisais ma bibliographie pour ma maîtrise sur le rire (qui me prit 14 ans, parce que j’y répondais une question de nature doctorale tout en expérimentant une à une des hypothèses fortes sur scène à travers l’écriture et l’exécution de numéros originaux).

Et Denis, souvent puisant dans sa riche discothèque de chansonniers québécois et, pour nous reposer, nous faisions l’analyse de chansons très rares et très belles autant au niveau de la musique, de l’orchestration que du texte…

Oui… Aujourd’hui, Denis vis à St-Adolphe d’Howard, dans la forêt et à côté de sa maison, il y a un studio avec toutes nos pistes musicales, et de nombreux vidéos de tous nos numéros… et notre amitié sans tache et sans faille….

DENIS POURRAIT DIRE COMME MOI que nous fûmes, tel qu’on le dit de Félix Leclerc…. et cela durant 18 ans sans exception, ni bémols,

…… DES ROIS HEUREUX…..

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Pierrot Vagabond

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Michel le concierge