SCHLEGEL
LE ROMANTISME ALLEMAND
Une insurrection de l’âme, un pareil désarroi, des hommes plus humains, beaucoup moins négatifs l’ont pressenti déjà comme pour nous aider, hurlant alors de toutes les manières la fureur DE LA FAIM SPIRITUELLE , clamant et proclamant l’insurrection de l’âme aux quatre coins du monde , S’ARRACHANT À LEUR SIÈCLE QU’IL JUGEAIT IMBÉCILE, et qui ne manquait pas d’accommodité, plongeant dans le passé, secouant l’avenir en le prophétisant JUSQU’AU BOUT DE LEUR IMAGINATION pour mieux l’exorciser, cherchant partout des appuis et des frères, recensant L’UNIVERS ET LES TRÉSORS INTÉRIEURS, se prodiguant à cœur ouvert, risquant sur eux un perpétuel tout pour le tout que rien ne pouvait arrêter, ni la folie, ni le suicide, ni la mort qu’ils ne cessaient de frôler, toujours à cet extrême d’eux-mêmes qu’ils ne cessaient de hanter PAR SOUCI DE VIVRE DIGNEMENT, noblement, sans rien omettre. Jamais peut-être on avait fait autant de littérature. Jamais sans doute, on n’y mit autant de sang, tant de cœur, tant de fièvre et aussi de merveilleux caprices DE LIBERTÉ. Ils ont tout essayé… tout appelait à leur secours, pour étendre le cercle autour de la raison et trouver des issues de passions fermées. ILS ONT COURU TOUS LES CHEMINS QU’ILS CROYAIENT DEVINER. S’ils se trompaient… tant pis pour eux. Mais ils y allaient voir et malheureusement, ils y allèrent souvent et moururent beaucoup.
LE ROMANTISME DONT IL EST ICI QUESTION … celui de tous les romantiques qui ont tracé dans telle ou telle direction son aventure fabuleuse , tragique et salutaire, flamboyant tout à coup sur les déchets d’un 18eme siêcle presque exclusivement voué à la froide raison n’est pas du tout l’affaire d’un seul temps , le phénomène d’une époque. Certes une énorme éruption volcanique s’est produite à un certain moment DANS L’OCÉAN DE LA PENSÉE DES HOMMES PARCE QUE LES PLUS CLAIRVOYANTS S’INDIGNAIENT, ne voulaient pas se laisser réduire ç ce que leur temps voulaient qu’ils furent ou qu’ils devinssent.
Mais la vague de fond propulsée par ce cataclysme déferle directement sur nous , étale sur nos plages désertes, desséchées, la miroitante bénédiction de sa marée adoucie et frangée d’espérance.
Rien de rien ne le sépare en vérité, sinon la vaine chronologie de la superstition historique, ni ses eaux, ni ce feu ne nous sont étrangers aujourd’hui. Et leur puissant remous nous est tout à fait fraternel.
Les êtres qui se risquèrent dans ce combat SE VOULAIENT TOUS POÈTES vivant l’aventure jusqu’à l’extrême limite de leurs forces. C’est que pour eux, LE ROMANTISME ÉTAIT VRAIMENT UNE FAÇON D’ÊTRE. un combat pour la plénitude, une bataille désespérée contre l’abdication capitale, contre ce vide désespérant qui laisse l’homme comme une viande douée de réflexes dès qu’il oublie son âme., DÈS QU’IL QUITTE SES RÊVES, dès qu’il cesse de reconnaître et de nourrir pour ne plus qu’alimenter l’autre , cette moitié des vies dont il est composé et qui respire au milieu des étoiles, car, on ne devrait jamais l’oublier, la vie n’est pas un état, mais un risque et qui s’ouvre toujours plus , grandiose, une conquête qui n’en finit pas.
Il vaut mieux, croyez-moi, ne pas trop se fier aux ruminants intellectuels qui vivent à la ferme, engrangeant le foin et la paille. Les hommes de cabinet, laissez-moi vous le dire, ne font pas de bons compagnons, vive les hommes de plein vent.