Dans ma ville de La Tuque, quand j’étais enfant, la musique classique avait tellement fracassé la structure factuelle du réel que tout ce qui venait à ma rencontre résonnait musique.
Même quand je fis ma maîtrise sur comment fonctionne le rire dans le cerveau humain durant 14 ans en écrivant des numéros de burlesque pour expérimenter mes théories, le tout se dessinait dans ma tête en feuilles de musique, en barres de mesures, en notation.
Le plus grand chef d’orchestre que j’ai connu dans ma vie s’appelait Baptiste Tremblay… c’était un vagabond du réel vivant à La Tuque dont la spécialité était d’arrêter les trains pour faire passer les enfants… Et les trains arrêtaient et les enfants passaient…
Mais un jour, il eut la poésie lui donna la promotion… soit d’être professeur de musique pour les oiseaux dans un parc… Je le voyais récompenser les oiseaux quand ils se mettaient à chanter sous sa baguette par des sacs de miette de pain….
Dire que ce vagabond est venu habiter dans la rue donnant sur la porte de garage du café st-Vincent avec le père La montagne et l’artiste et qu’il mourut en se faisant écraser par une automobile conduite par le nouveau premier ministre de la province de Québec, René Levesque…
Paulo Rochette, le frère de mon père Roger Rochette, pianiste de son orchestre, était un immense poète de l’imaginaire…. Il avait une agence de voyage dont j’étais le seul voyageur. Il avait un cocottier avec un singe et une carte géographique. Il me disait.. Pierrot met ton doigt sur la carte… il virait son singe de bord… on allait sur sa galerie et on n’avait qu’à fermer les yeux pour partir en voyage.
Toute sa vie d’artiste de scène dans l’orchestre à mon pe`re, il l’avait vécue pour qu’à la fin il puisse raconter (en ordre s’il vous plait) les plus belles anecdotes de leurs joies de vivre…
Et quelque fois, quand mon partenaire de scène Denis Lamarre et moi-même donnions un spectacle à La Tuque, nous arrêtions de nuit chez Paulo qui d’une façon épique nous racontait la beauté de chaque épisode de son passé.
Yolande faisait des casse-tête… nerveuse parce que leur situation financière était toujours précaire… Et Paulo de lui dire… Yolande.. tu devrais être moins nerveuse… parce que tu risques de mourir avant moi et alors… même si je fais tout mon possible pour rester veuf, une riche veuve va me ramasser… avec un char, un chalet et de l’argent…
Et Yolande de rire devant l’impossibilité de la poésie de Paulo…
n’empêche qu’un jour, Yolande décédée… Paulo me crie sur la rue: Pierrot… regarde… j’ai une veuve, un char, un chalet et de l’argent et je ne touche à aucun des 4:)))))))))))
Cette veuve a adoré Paulo… qui n’était pas vénal pour 5 sous… quand il lui jouait ti oiseaux au piano en chantant…. il était pour elle la fraîcheur du monde sous sa passion de bien vivre…
On m’a raconté que, la veille de mourir, Paulo a fait un party dans sa chambre, obligeant chacun qui pleurait de sortir… Il est mort seul, souriant et heureux.
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