Pacte sur les migrations : « Il faut se poser la question de notre humanité »
La présidente internationale de Médecins sans frontières (MSF), la Québécoise Joanne Liu, espère que le Pacte mondial pour des migrations sûres, ordonnées et régulières va aider le monde à retrouver son humanité. MSF est particulièrement inquiet de la situation des migrants en Amérique centrale et en Méditerranée. Cinq questions pour comprendre.
Une entrevue de Manon Globensky
Que représente le pacte pour vous?
Le Pacte sur les migrations réitère des choses essentielles. La migration n’est pas un crime, un migrant ne doit pas être criminalisé et les gens qui aident un migrant ne doivent pas l’être non plus. Ce sont des bases importantes, qui reconnaissent que la migration existe depuis que les frontières existent.
Comment voyez-vous la campagne d’opposition au pacte?
C’est extrêmement dommage, voire irresponsable. On ne peut pas faire semblant qu’il n’y a pas des millions de personnes qui veulent traverser une frontière aujourd’hui, pour leur survie ou pour leur avenir. Ça, c’est l’homme, et c’est universel. Je dis toujours qu’il n’y aura jamais de mur assez haut ou de politique gouvernementale assez dissuasive pour empêcher un parent de vouloir donner un avenir à ses enfants. C’est universel.
Quel est l’avantage du pacte?
Ce qu’on veut mettre de l’avant, surtout, c’est la souffrance des migrants. Je rentre d’Amérique centrale, où j’ai été absolument choquée de voir que les gens sont dans une espèce de circuit circulaire de la migration. Du Salvador ou du Honduras au Mexique, ils arrivent aux États-Unis, où ils sont mis dans des centres de détention.
Ils sont ensuite expulsés à la case départ, en sachant qu’un retour n’équivaut pas à une réintégration dans la communauté. Et ils sont réinjectés dans ce parcours, où chaque fois ils sont extorqués, maltraités, violés. Ça ne finit plus.
La seule voie de sortie, en général, c’est la mort ou, dans quelques exceptions, ils finissent par glisser à travers les failles du système. Aujourd’hui, différents pays ont des politiques gouvernementales qui ne font qu’augmenter la vulnérabilité de ces personnes-là. En gros, on les sert sur un plateau d’argent à tout un business de prédation du migrant.
En Méditerranée, MSF a dû cesser ses activités de sauvetage des migrants; qu’en pensez-vous?
On est scandalisé par les dérives actuelles. Aujourd’hui, on trouve ça normal, en Méditerranée, de dire que c’est illégal de sauver des vies. On est quand même au 21e siècle! On envoie des satellites autour de la Terre, mais on trouve normal que quelqu’un se noie, comme ça. On ferme les yeux. On se dit : « Si je ne le vois pas, ça n’existe pas ».
Il faut quand même se poser la question de notre humanité. Je considère qu’aujourd’hui, toute la problématique autour de la migration est un moment phare, un moment clé de la façon dont on se définit comme collectivité mondiale.
Le pacte peut-il vraiment changer les choses?
Il faut commencer quelque part. Au moins on a un pacte qui a été adopté. Il va falloir traduire ça en actions concrètes. Aucun document n’est parfait. Il va falloir faire une pression constante, mais au moins, on part de quelque chose qui a été collectivement adopté. En bon québécois, les paroles sont cheap. J’espère juste qu’on va prouver qu’on est au-delà des paroles.
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