Simon Singh
le roman du big bang
la plus importante découverte de tous les temps
éditions j.clattes.fr, 1998
le changement de paradigme
p.380-381
extrait
Son point de départ était que lui, Hoyle, EXISTAIT DANS L’UNIVERS. De plus, soulignait-il, IL REPRÉSENTAIT UNE FORME DE VIE BASÉE SUR LE CARBONE. Par conséquent, le CARBONE EXISTAIT DANS L’UNIVERS et il devait donc y avoir un moyen DE CRÉER DU CARBONE. Cependant, la seule manière de le faire semblait reposer sur l’existence d’un état excité du carbone. Par conséquent, UN TEL ÉTAT EXCITÉ DEVAIT EXISTER.
EN FAIT, HOYLE
APPLIQUAIT RIGOUREUSEMENT
CE QUI DEVAIT ÊTRE APPELÉ PLUS TARD
LE PRINCIPE ANTHROPIQUE.
—–
WIKIPWDIA
LE PRINCIPE ANTHROPIQUE
Le principe anthropique au sens large est un principe épistémologique selon lequel les observations de l’univers doivent être compatibles avec la vie consciente qui l’observe. Cette constatation permet, en principe, de contraindre des paramètres ou des processus physiques ou chimiques, fournissant ainsi des prédictions ou des heuristiques pouvant guider les recherches scientifiques.
Ce principe, proposé par l’astrophysicien Brandon Carter en 1974[1], existe en deux versions principales. Le principe anthropique faible dit que ce que nous pouvons nous attendre à observer doit être compatible avec les conditions nécessaires à notre présence en tant qu’observateurs, sinon nous ne serions pas là pour l’observer. Le principe anthropique fort postule que les paramètres fondamentaux dont l’univers dépend sont réglés pour que celui-ci permette la naissance et le développement d’observateurs en son sein à un certain stade de son développement.
La première variété ressemble à une simple tautologie, la seconde à une prise de position métaphysique. Cependant l’une comme l’autre relèvent d’observations de physique et en particulier en cosmologie, où il semble que les lois de la physique comportent un grand nombre d’ajustements fins sans lesquels l’univers n’aurait pas eu une stabilité suffisante pour que la vie puisse avoir le temps d’y apparaître, ou les étoiles n’auraient pu s’allumer, ou pas pu former d’éléments lourds (niveaux énergétiques permettant à l’hélium de fusionner en fer).
Différentes formulations[modifier | modifier le code]
La première discussion moderne concernant le principe anthropique, et citant ce nom, est due à Brandon Carter en 1974[1], même si l’auteur affirme l’avoir déjà évoquée oralement quatre ans plus tôt mais qu’il ne pensait pas alors ses idées sur la question suffisamment mûres pour être couchées sur papier.
Brandon Carter cite deux formulations différentes du principe anthropique :
- « le principe anthropique faible », selon lequel nous devons prendre en compte que notre position dans l’univers (ou le multivers s’il existe) est nécessairement privilégiée au sens où elle doit être compatible avec l’existence d’une forme de vie évoluée, puisque nous sommes là pour l’observer[2]. Cette démarche conduit à remarquer qu’il est tautologique de constater un certain nombre d’ajustements fins au moins concernant les sites où précisément la vie apparait et s’interroge sur elle-même ;
- le « principe anthropique fort », selon lequel l’univers doit (obligation, et non supposition) avoir des lois et des paramètres fondamentaux afin que des êtres évolués puissent y apparaitre à un certain moment[3].
À la première formulation, Brandon Carter ajoute également ce qu’il appelle des prédictions non anthropiques, que d’autres auteurs appelleront le principe anthropique trivial, constat que certaines grandeurs physiques ne sont pas contingentes à l’existence de l’espèce humaine mais découlent inévitablement des lois de la physique. En guise d’exemple, B. Carter cite le fait que les étoiles malgré leur grande diversité apparente se distribuent sur une échelle de masse assez étroite plus ou moins centrée sur la masse solaire, c’est-à-dire que le nombre de nucléons d’une étoile est fatalement de l’ordre de 1057. Ce résultat découle de considérations assez simples issues de l’évolution stellaire.
Le principe anthropique fort, si on l’admet, aboutit à trois possibilités[4] :
- il existe un ou plusieurs univers organisés pour faire apparaitre des êtres évolués ;
- les observateurs sont nécessaires non seulement à la constatation, mais même à l’existence d’un univers observable ;
- il existe un ensemble d’univers avec toutes sortes de conditions. Parmi ces univers, une partie permet l’émergence de la vie sous plusieurs formes et nous sommes peut-être, ou peut-être pas, dans un tel univers. Voir l’article Multivers.
Les idées liées au principe anthropique ont donné lieu à de nombreuses discussions. Les définitions données par John Barrow et Frank Tipler sont par exemple légèrement différentes de celles proposées initialement par Brandon Carter.
Arguments en faveur du principe anthropique[modifier | modifier le code]
En dehors de l’ajustement fin des paramètres physiques de l’univers, un certain nombre d’éléments mènent à s’interroger sur le caractère anthropique de l’univers.
Probabilité d’obtenir par hasard une protéine[modifier | modifier le code]
Le spécialiste de la modélisation Pierre Périer aurait calculé la probabilité d’obtenir « par hasard » certaines protéines qui constituent les briques fondamentales de la vie en estimant le nombre maximal de collisions ayant eu lieu dans l’océan primordial où est apparue la vie. Chaque protéine est constituée de 20 acides aminés différents. Or, il existe plus de 2 × 1018 façons de placer 20 entités le long d’une chaîne (exactement factorielle de 20 = 20! = 20 × 19 × 18 × … × 2 × 1). Sa conclusion est que, quel que soit le chemin emprunté, la réalisation des différentes probabilités demande plus de temps que l’âge de la Terre (4 milliards d’années)[5]. Cette modélisation s’intéresse de ce fait à la création directe à un instant donné d’une molécule complexe sans phases intermédiaires, ce qui ne s’observe que rarement en chimie. Voir l’article Catalyseur.
Selon Harold Morowitz [6] et Mickael Denton [7], pas moins d’une centaine de protéines seraient indispensables à la survie et à la reproduction d’une cellule primitive (5 pour synthétiser les corps gras, 8 pour l’approvisionnement en énergie, 10 pour la synthèse des nucléotides de l’ARN et de l’ADN et 80 pour synthétiser ses protéines), ce qui ajoute deux ordres de grandeur au nombre précédent si l’on souhaite que l’ensemble se soit produit de front. Ainsi, l’hypothèse d’une création « par hasard » à un instant donné d’une cellule primitive vivante comportant non pas 1 mais 100 protéines sur une seule planète semble très improbable étant donnée la complexité des schémas mis en jeu.
Depuis, l’étude de champ profond du télescope Hubble avait suggéré qu’il existerait 1010 galaxies, chacune comptant dans les 1010 étoiles, le tout fournissant 20 ordres de grandeur supplémentaires pour le tirage aléatoire. Un article de Nature d’octobre 2016 remonte encore d’un facteur 10 cette première estimation[8].
Quant au nombre d’heures écoulé ces quatre derniers milliards d’années, il est de 35 040 000 000 000, soit 12 ordres de grandeur supplémentaires. Il est donc à ce stade difficile de conclure.
La position et l’environnement de la Terre dans l’univers[modifier | modifier le code]
Différentes caractéristiques relatives à la position de la Terre dans l’Univers, et à son environnement plaident en faveur du principe anthropique :
- si la Terre ne se situait pas sur le bord de la Voie lactée mais en son centre, les astronomes auraient été incapables de voir la galaxie dans laquelle nous nous trouvons et le reste de l’univers ;
- si le Soleil ne se situait pas à mi-chemin du bord de la Galaxie et entre deux de ses bras en spirale, les êtres vivants, soit auraient été victimes de radiations dangereuses et de poussières de comètes (plus près du centre ou d’un des bras), soit n’auraient pas existé du tout faute de matériaux lourds pour construire la vie (plus éloigné du centre ou d’un des bras)[9]. De plus, la distance du soleil aux deux bras de la galaxie demeure constante, lui évitant d’être aspiré par l’un des bras[10] ;
- si Jupiter et Saturne n’avaient pas existé, leurs masses énormes n’auraient pas servi de « paratonnerres » pour protéger la Terre en attirant les météorites qui l’auraient pulvérisée [11] ;
- si la Lune n’existait pas, l’axe de rotation de la Terre aurait pu changer constamment rendant l’apparition et le maintien de la vie très difficile, voire impossible[12] ;
- si la distance moyenne entre les étoiles dans notre galaxie était différente, la vie aurait été impossible. Si elle avait été plus grande, les produits des explosions des supernovae auraient été tellement diffus que les planètes n’auraient pas pu se former. Si elle avait été plus petite, les orbites des planètes auraient été déstabilisées [13] ;
- si la quantité de matière dans l’univers (les milliards d’autres galaxies et cette « matière noire » dont nous ignorons la nature exacte) était différente, la force d’inertie sur Terre serait modifiée et la vie impossible[14]. Ainsi l’Homme n’apparaît plus comme perdu sur une planète insignifiante au milieu de l’univers : le reste du cosmos lui est indispensable ;
- la nature du Soleil est tout à fait surprenante par rapport à celle des autres étoiles : sa composition, la variation de sa luminosité, son orbite galactique sont inhabituelles. Si la nature du Soleil avait été différente, la vie aurait été impossible[9].
L’impossibilité d’une bulle de vrai vide[modifier | modifier le code]
Certains tenants du principe anthropique (notamment Jean Staune) ont développé deux arguments (celui-ci et le suivant) en faveur d’un principe anthropique « superfort ». Ce principe consiste à dire que non seulement l’univers est adapté à l’existence des observateurs que nous sommes, mais aussi à l’existence d’observateurs beaucoup plus intelligents et avancés que nous. Ainsi, si un Créateur existe et a créé l’univers, il a mis des « sécurités » empêchant les observateurs avancés que nous serons dans quelques millions d’années de détruire l’univers par leurs expérimentations.
Le premier argument est l’impossibilité de création d’une bulle de « vrai vide ». Au début des années 1980, l’hypothèse selon laquelle la création d’une bulle de « vrai vide » pourrait conduire à la destruction de notre univers a été prise très au sérieux. Dix ans plus tard, Andreï Linde a montré que cette bulle ne pourrait pas se former si les masses du « quark top » et du « boson de Higgs » étaient supérieures à un certain seuil [15]. La masse du « quark top » a depuis été mesurée et elle s’avère être supérieure au seuil. Celle du « boson de Higgs » n’est pas encore connue mais les estimations la donnent aussi supérieure au seuil [16].
La conjecture de protection chronologique[modifier | modifier le code]
Le deuxième argument est l’impossibilité du voyage dans le temps. Le voyage dans le temps n’entraînerait pas a priori la destruction de l’univers, mais désorganiserait sensiblement sa cohérence et favoriserait le chaos. Il semble donc raisonnable d’envisager que le Créateur de l’univers, s’il existe, ait pris soin de le rendre impossible. C’est ce que Stephen Hawking a appelé la « conjecture de protection chronologique » car elle n’est pas encore démontrée. Cependant, Kip Thorne, chaque fois qu’il a essayé de démontrer que le voyage dans le temps était théoriquement possible via les trous de ver, a vu le trou de ver disparaître avant de pouvoir fonctionner [17].
Arguments contre le principe anthropique[modifier | modifier le code]
Le principal argument des détracteurs du principe anthropique faible est son aspect tautologique. C’est cependant justement cette tautologie qui le rend inattaquable selon ses défenseurs. D’autres arguments ont été évoqués, de type scientifique.
Les univers parallèles[modifier | modifier le code]
Andreï Linde a développé un modèle dans lequel des mini-univers s’engendrent les uns les autres. Certains ont les mêmes caractéristiques que leurs parents, d’autres ont connu des mutations qui les rendent très différents. En grossissant, ces mini-univers se détachent de leurs parents et plus aucun contact ni passage d’un univers à l’autre n’est possible. Le cosmos serait donc un ensemble de mini-univers s’engendrant les uns les autres et le nôtre aurait par hasard, seul ou non, les constantes adéquates pour que la vie consciente ait une chance de s’y développer.
Le modèle de Linde implique l’existence d’un grand nombre (1080 ou 10100) d’univers, voire d’une infinité d’univers, peut-être continue (“espace des possibles”; voir Gabriele Veneziano). Il n’est alors plus improbable que nous soyons dans un de ceux ayant reçu par hasard les bonnes constantes au même titre que si l’on joue au loto toutes les combinaisons de front, on est sûr de gagner.
Ce modèle est difficilement vérifiable s’il n’y a pas de connexion possible entre les différents mini-univers. Ces questions sont cependant à l’étude (voir David Deutsch).
La longueur d’absorption du neutron[modifier | modifier le code]
La réaction de fission nucléaire qui permet la mise au point de la bombe A et de la bombe H est fondée sur la longueur d’absorption du neutron. Un neutron frappe un atome d’uranium 235 le transformant en uranium 236. L’uranium 236 étant instable, il éclate en créant deux atomes plus petits et en émettant plusieurs neutrons qui vont à leur tour frapper des atomes d’uranium 235 provoquant une réaction en chaîne.
Si la longueur d’absorption du neutron avait été plus grande, la fission nucléaire, donc les bombes A et H, auraient été économiquement inenvisageables (car nécessitant un volume de matière fissile beaucoup plus important), ce qui, selon les opposants au principe anthropique, va à l’encontre d’un Créateur ayant pour seule finalité la vie et l’homme ; L’allemand Otto Hahn découvrant la fission de l’uranium et les possibilités de réaction en chaîne qui en découlaient aurait dit à ses collaborateurs « Dieu ne le permettra pas ». L’astrophysicien Jean-Pierre Petit a développé le concept de principe thanatothropique (« thanatos », la mort en grec) à partir de cette constatation [18].
L’impossibilité de la réaction nucléaire ne correspond cependant pas à une « sécurité » de l’univers au même titre que l’impossibilité d’une bulle de vrai vide ou l’impossibilité du voyage dans le temps car l’énergie nucléaire peut avoir des applications positives alors que la bulle de « vrai vide » ou le voyage dans le temps ne peuvent aucunement en avoir. Un supposé Créateur, s’il existe, n’avait pas de raison d’interdire la possibilité de l’énergie nucléaire [19].
Débats[modifier | modifier le code]
La connotation clairement finaliste, pour ne pas dire théologique et religieuse, du principe anthropique fort a suscité de nombreux débats depuis vingt ans dans la communauté scientifique. Le principe anthropique faible, lui, n’est pas concerné par cette connotation.
- Chercheurs favorables au principe anthropique fort :
Joe Rosen, Nicola Dallaporta, George Coyne, Trinh Xuan Thuan, Guillermo Gonzalez, Jay Richards, Léonard Susskind, Frank Tipler, Freeman Dyson, Jean Staune, George Smoot, Stephen Hawking.
Einstein a évoqué à un moment de sa vie « l’harmonie des lois de la nature dévoilant une intelligence si supérieure que toutes les pensées humaines et toute leur ingéniosité ne peuvent révéler, face à elle, que leur néant dérisoire » [20]. Cette opinion est pondérée par ce qu’il exprime dans une lettre datée d’un an avant sa mort, vendue sur eBay en 2012[21], où il explique ne croire en l’existence d’aucun Dieu personnel[22].
- Chercheurs défavorables au principe anthropique fort (mais non au faible) :
Martin Rees, Heinz Pagels, Malcolm Sim Longair, Christian Magnan, Jacques Monod, Steven Weinberg, Jean-Pierre Petit.