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L’île de l’éternité de l’instant présent
chapitre 14
pleurer de joie
Il s’abreuvait depuis toujours aux frissons de l’éternité. Cela lui semblait si naturel qu’il n’avait jamais pu comprendre comment il se faisait que les humains puissent souffrir. Il chantait au théâtre « Le patriote » de Sainte-Agathe durant le souper,. Il montait par une échelle jusqu’à la cabane de l’éclairagiste soudée au plafond intérieur et de là, fredonnait les chansons les plus sensibles du répertoire de sa jeunesse dans le Vieux-Montréal. Et juste à côté de son cahier de chansons, reposait, ouvert à une page blanche, son journal quotidien.
Une des pages mentionnait qu’il avait mis dix ans pour découvrir le secret du rire dans le cerveau humain, le tout se résolvant en une thèse de maîtrise à l’université sur les lois structurales du rire et des pleurs. Une anecdote, s’étant réellement produite, illustrait d’ailleurs avec concision la substance du fruit de ses recherches.
L’événement était arrivé dans un aréna où près de six cents personnes assistaient à son spectacle. Il avait fait monter sur la scène l’organisateur, pour le faire participer à un sketch improvisé. À un moment précis où l’attention du public était à son maximum, il avait par mégarde accroché le dentier du comédien amateur, objet ridicule par excellence, qui avait fini par rouler jusqu’au bord de l’estrade.
Un immense rire de foule s’en était suivi. Il faut dire ici qu’un rire se lit exactement de la même façon que des notes d’une mélodie sur une portée musicale, la barre de mesure étant la surprise à l’esprit et le rire la mélodie de l’âme accompagnée d’une des trois émotions fondamentales ; soit Le rire de supériorité… Le rire de libération …Ou… Le rire de l’incongruité relié à la beauté ou l’esthétisme. Ces émotions étant universelles par leur présence et accidentelles par l’apparition de leur forme.
Il apparut évident à l’artiste que le premier rire créé par la barre de mesure du dentier frappant, par surprise, le plancher se trouva à être à au moins 80 % du type de la supériorité puisqu’on ne se gêna pas de rire du Monsieur plutôt que de l’événement en soi.
Il fallait donc,dans une suite improvisée mais calculée de barres de mesure de surprises à l’esprit, faire changer la nature émotive du rire.
2e barre de mesure.
Surprise à l’esprit :
L’artiste s’approche du dentier
Compte les dents pour voir s’il n’en manque pas
Rire…
À l’oreille, 60 % supériorité, 20 % libération, 20 % incongruité
3e barre de mesure.
Surprise à l’esprit
L’artiste se tourne vers la victime édentée
Compte les trous dans la bouche
Pour voir s’il n’en manque pas
Rire…
À l’oreille, 50 % supériorité, 20 % libération, 30 % incongruité
4e barre de mesure.
Surprise à l’esprit
L’artiste cache le dentier de son corps
Fait signe discrètement à la victime
De venir chercher son dû
Rire…
À l’oreille, 40 % supériorité, 10 % libération, 50 % incongruité
5e barre de mesure
Surprise à l’esprit
La victime, brillante
Marche à petits pas de balais
Et vient artistiquement récupérer son dentier
Rire…
20 % supériorité, 10 % libération, 70 % incongruité
6e et dernière barre de mesure
L’artiste prend la victime par la main
Et les deux saluent la foule
Comme si la mise en scène
Avait été préparée de main de maître
100 % de rire d’incongruité,
En admiration devant la beauté
De la barre de mesure
Tout le monde debout
Applaudissements dignes d’un rappel.
Ainsi, l’élément universel, présent dans tous les rires, se trouvant à être, jusqu’à preuve du contraire, la surprise à l’esprit. Mais si le dentier s’était brisé et que l’homme avait perdu de l’argent, il y aurait eu, suite à la surprise à l’esprit, rire jaune et sans doute douleur profonde, comme dans les pleurs.
Mais qu’en était-il des pleurs ? On pouvait aussi lire les pleurs sous forme de feuille de musique, la barre de mesure se trouvant à être paradoxalement la surprise à l’esprit. Sauf que la palette d’émotions l’accompagnant portait toute la même base de signature : une perte irrécupérable dans l’instant présent, ce qui donnait aux pleurs des périodes d’expression pouvant atteindre des mois et même des années.
Exemple : je me coupe le doigt, je saigne, ça fait mal, je pleure
Je perds ma mère, je pleure intérieurement des mois
Je perds mon emploi, je pleure le manque à gagner.
Qu’en était-il alors de pleurer de joie ? Je suis à l’aéroport. Ça fait dix ans que je n’ai pas vu mon frère. On se voit soudainement. Surprise à l’esprit. Deux émotions se superposent. La peine d’avoir souffert durant dix ans et la joie que cela cesse enfin. L’émotion paradoxale ouvrant une porte étonnante à l’âme humaine.
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COMMENTAIRE
J’ai mis 14 ans de ma vie sur scène, PAR LE DUO DE VARIÉTÉ ROCHETTE, LAMARRE, à vivre un laboratoire conceptuel pour bien diviser le rire de supériorité, du rire de soulagement et du rire d’ingongruité tout en trouvant axiologiquement le passage de l,un à l’autre par un numero de comédie-utilisation-foule.
14 ans pour une maîtrise (en fait un projet de doctorat dans un cadre de maîtrise), montant sur le épaules de Sully (1920) Monroe (1948) et Morreal (1980)… tout cela parce que j’étais hanté par une question de fond: POURQUOI LE SUCRE EST-IL SUCRÉ POUR TOUS ET QU’UN GAG N’EST PAS DRÔLE POUR TOUS.
250 spectacles par année, à lire et écrire dans les coulisses à l’intermission par pure passion de découvrir les secrets théoriques du rire, je comprends donc la passion de Julie Dufort, doctorante en science politique pour ce qui a illuminé ma vie d’artiste de la fondation des Pierrots et des deux Pierrots dans le Vieux Montréal à celle des spectacles à l’auberge la calèche dans les Laurentides.
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LE DEVOIR
29e Congrès de l’International Society for Humor Studies
On ne badine pas avec l’humour
10 juillet 2017 | Manon Dumais – Collaboratrice | Actualités culturelles
Christelle Paré, membre du comité organisateur de l’ISHS-Montréal, Louise Richer, directrice de l’École nationale de l’humour, et Julie Dufort, doctorante en science politique à l’UQAM et professeure à l’École nationale de l’humour
Photo: Jacques Nadeau Le Devoir
Christelle Paré, membre du comité organisateur de l’ISHS-Montréal, Louise Richer, directrice de l’École nationale de l’humour, et Julie Dufort, doctorante en science politique à l’UQAM et professeure à l’École nationale de l’humour
C’est à Cardiff, au pays de Galles, il y a une trentaine d’années, que des chercheurs en humour se sont rencontrés afin de discuter de leurs recherches. L’exercice ayant été concluant, s’est créé plus tard l’International Society for Humor Studies, à laquelle appartenaient d’abord des chercheurs britanniques et américains. Aujourd’hui, ce sont des chercheurs provenant de tous les continents qui évoluent au sein de l’ISHS.
« Cela vient d’un besoin des chercheurs en humour qui se font un peu regarder de haut », explique Christelle Paré, chercheuse postdoctorale au Centre for Comedy Studies Research (Brunel University London). « Les “humor studies”, c’est extrêmement large ; ça touche la littérature, la psychologie, la sociologie, la linguistique, la philosophie… Au Québec, on est un peu en retard, surtout quand on considère ce qui se fait du côté britannique et du côté américain, où se fait le plus gros de la littérature scientifique. Sur certains points, la France est encore plus en retard que nous. Depuis la création de l’Observatoire de l’humour, en 2012, on se parle plus. »
Doctorante en science politique à l’UQAM et professeure à l’École nationale de l’humour, Julie Dufort ne cache pas qu’elle était elle-même pétrie de préjugés et très critique envers l’humour avant qu’elle y consacre ses études.
« Il n’y a aucune chaire de l’humour dans les universités québécoises et c’est extrêmement difficile dans le milieu universitaire, reconnaît-elle. Spécialement en ce moment, parce que le financement est difficile et qu’il faut avoir publié dans ce domaine-là. Même si beaucoup de chercheurs s’y intéressent, c’est encore très marginal. En termes institutionnels, les études sur l’humour ont été créées il y a une trentaine d’années, mais les grands philosophes, d’Aristote à Hobbes, et même Freud en psychanalyse, ont traité d’humour. »
« C’est dans une volonté de décloisonnement, de favoriser le dialogue entre les chercheurs et les praticiens, d’apporter un éclairage signifiant sur la place publique et sur la fonction de l’humour dans la société, sur la scène comme dans la population, et de dépasser les controverses récurrentes qu’a été créé l’Observatoire de l’humour », rappelle Louise Richer, directrice de l’École nationale de l’humour et détentrice d’une maîtrise sur l’humour en entreprise des HEC.
Une première au Québec
Forts de l’attrait du 375e anniversaire de Montréal, des 35 ans du festival Juste pour rire, des 5 ans de l’Observatoire de l’humour (OH) et de la notoriété de Just for Laughs, les membres de l’OH ont posé leur candidature pour recevoir le congrès de l’ISHS, lequel se tient une année sur deux en Amérique. Il s’agit de la deuxième fois que ce congrès se tient au Canada et de la première fois au Québec. Du coup, c’est la première fois que le congrès, dont la langue officielle est l’anglais, fera la part belle aux conférences et discussions en français. Faute de subvention, aucun interprète ne sera sur place.
« L’Observatoire de l’humour et l’International Society for Humor Studies ont la même mission : développer la connaissance, diffuser les résultats et bâtir des ponts entre la pratique et le milieu de la recherche. Ce congrès est une belle démonstration de la variété et de la valeur des recherches en humour », avance Christelle Paré, membre du comité organisateur de l’ISHS-Montréal, avec Jean-Marie Lafortune et Élias Rizkallah, professeurs-chercheurs à l’UQAM, François Brouard, professeur à la Carleton University, Lucie Joubert, professeure à l’Université d’Ottawa, et Louise Richer.
« Je crois que s’il n’y avait pas eu la pratique avec l’École, ce lien entre la pratique et la recherche n’existerait pas, parce que cela prend tellement de temps aux chercheurs de s’institutionnaliser. Comment être pris au sérieux par les universités ? Comment se rejoindre avec autant de champs de disciplines ? Nous avons besoin de théories communes, d’un paradigme hégémonique », croit Julie Dufort.
« Les chercheurs ne sont pas dans une approche moralisatrice ni dans une optique de jugement, mais d’analyse, souligne Louise Richer. On est encore en démarche de valorisation des “humor studies”. Et pourtant, ce sont des corpus qui en disent beaucoup sur nous : dis-moi de quoi tu ris, je te dirai qui tu es. L’humour est une couleur d’expression omniprésente, un mécanisme fondamental d’adaptation, de socialisation, de cohésion, de dédramatisation, de relativisation, de résilience. Sans humour, on se tirerait tous une balle dans la tête ! »
Malgré tout, l’avenir semble prometteur, notamment grâce à la parution de l’Encyclopedia of Humor Studies de Salvatore Attardo (Sage Publications, 2014), membre phare de l’ISHS, et à la perception de l’humour qui tend à être plus positive. « Ce livre a beaucoup contribué à l’avancement des études, c’est un important point de repère dans la littérature scientifique, une bonne piste de départ pour les chercheurs. Comme Attardo l’explique, souvent on tient pour acquis ce qui fait partie du paysage quotidien et il n’y a pas plus grand acte de communication au quotidien que l’humour », conclut Christelle Paré.
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