Ma Bohème
Arthur Rimbaud
Je m’en allais, les poings dans mes poches crevées ;
Mon paletot aussi devenait idéal ;
J’allais sous le ciel, Muse ! et j’étais ton féal ;
Oh ! là ! là ! que d’amours splendides j’ai rêvées !
Mon unique culotte avait un large trou.
– Petit-Poucet rêveur, j’égrenais dans ma course
Des rimes. Mon auberge était à la Grande-Ourse.
– Mes étoiles au ciel avaient un doux frou-frou
Et je les écoutais, assis au bord des routes,
Ces bons soirs de septembre où je sentais des gouttes
De rosée à mon front, comme un vin de vigueur ;
Où, rimant au milieu des ombres fantastiques,
Comme des lyres, je tirais les élastiques
De mes souliers blessés, un pied près de mon coeur !
Arthur Rimbaud, Cahier de Douai (1870)
————–
Chaque habitant de l’espace-monde sur la planète terre est et cela pour toujours qu’importe son statut ou son époque, un errant de par le fait de sa naissance (ne sachant pas d’où il vient) et de sa mort (ne sachant pas où il s’en va. Il y a trois sortes d’errances possibles, fantomatique, axiologique ou poétique (céleste à cause de Neil Amstrong)
Mon enfance sur la rue Gouin à La Tuque, d’où l’horizon consistait en un moulin et une rue (Tessier où est né et a grandi Félix Leclerc) d’un côté et la voie ferrée de l’autre, en fut une qui m’a pris des années à cartographier. Aujourd’hui je peux avancer l,hypothèse forte suivante….
Chaque citoyen de la ville de La Tuque était un errant axiologique, prisonnier d’une structure sociale moyen-âgeuse régie par une église catholique luttant contre une église anglicane qui, du haut de son capitalisme spirituel faisait travailler les ouailles du chapelet du bas-clergé dans un moulin à papier, architecte d’un futur désenchantement du monde par l’émergence d’une société laïque de consommation…. En fait ce citoyen axiologique se réduisait en une personne dont le capital social dépendait abusivement de son asservissement à la loi du groupe, qu’importe son gain de capital social dans l’échelle du pouvoir inter-esclavagiste.
Les errants fantomatiques eux vivaient deux rues en arrière de chez nous… un orphelinat d’autochtones, invisibles, sans statut et sans aucune chance de capital social, comme les sans papiers ou les réfugiés sur les routes européennes.
Puis parfois, un espoir de poésie…. sur la voie ferrée…. au dessus des trains, des vagabonds…. profitaient du ralentissement au bout de notre rue Gouin pour sauter en bas avant de se faire ramasser par la police au centre-ville. Souvent ils se ramassaient chez mon grand-père Lefebvre (mon grand-père travaillait pour la compagnie de train) pour manger une soupe ou dormir sur un banc de quêteux, et cela au centre-ville.
Sur la galerie de la rue Gouin, pendant que je tenais la couverture d’un livre où était dessiné le vagabond JEAN NARRACHE, des hobos couchés au-dessus d’un wagon en marche m’apprenaient qu’il y avait autre chose que la nature et la culture, l’individu et la personne, la survie fantomatique et l’esclavage axiologique, et ce quelque chose-là, cela m’a prit toute une vie pour en saisir le fondement… à cet époque je n’avais pas les mots… mais maintenant…oui…. ce quelque chose-là s’appelait la poésie du Canada pays œuvre d’art.
sur Google
Pierrot vagabond
www.lepaysoeuvredart.ca
Michel le concierge