LA JEUNE RÊVEUSE QUI AVAIT DE L’OR DANS LES YEUX

Une des grandes joies d’un vieux nomade, c’est le décès de ses pulsions provoqué par l’agonie des passions d’intérêt personnel. Un beau matin, tu te lèves, tes pieds ont fait le tour de ta personne et te voilà sculpté en grand-père de la beauté du monde honoré par le miraculeux village de Caraquet offrant le mystèere de l’océan entre toi et ta jeunesse.

Je marchais, avec mon bâton PRENDS-TON TEMPS, après un après-midi à la bibliothèque… Un camion arrête… une jeune femme aux yeux magnifiques me dit: “Monsieur vous êtes un vrai nomade, n’est-ce pas? Parce que moi aussi d’habitude je voyage sur le pouce seule avec mon chien, à travers le Canada. Je suis même partie l’hiver pour Terre-Neuve, puis l’été pour le Yukon et l’Alaska”

– Quel âge avez-vous mademoiselle?
– 23 ans, qu’elle me dit…

Me permettez vous de vous poser les quatre questions qui m’ont fait faire le tour des grands rêveurs er grandes rêveuses du pays?

– Je peux-tu les noter dans mon journal qu’elle me dit?

Je me présente … Pierrot vagabond, grand-père de la beauté du monde. Quel est ton rêve? Dans combien de jours? qu’as-tu fait aujourd’hui pour ton rêve? En quoi ton rêve prend-il soin de la beauté du monde?

A la quatrième question, ses yeux se sont mis à briller.

Vous savez, qu’elle me souffle comme un vent d’une fraîcheur inouie, j’ai convaincu mon patron qui dirige un commerce de fabrication de produits raffinés à partir du sirop d’érable, de me laisser nomader sur les routes du pays pour faire déguster nos produits et ainsi ouvrir un marché par de nouvelles commandes. Je me suis créé un emploi, suis payée au kilométrage, je suis payée pour vagabonder avec mon chien..

Mademoiselle, que je lui dis, vous n’êtes pas entrain de vous créer un emploi, vous êtes en train de dessiner un pays oeuvre d’art par votre vie personnelle oeuvre d’art. A 23 ans, vous êtes déjà une géante de la liberté.

La liberté chez moi, propos qu’elle accentue par une pose fière, est un besoin.

Mademoiselle, croyez un vieux rêveur nomade, la liberté est un devoir dont on a le privilège d’être l’architecte. Dans ce pays, la liberté fut d’abord considérée comme une rareté possédée par les coureurs des bois qui l’apprirent des autochtones…

Monsieur Pierrot, qu’elle me dit, Mon chum voyageait dans son char avec son chien.. La chicane a pogné, il est parti à Souris. On a convenu de se rejoindre aux Iles de la madeleine, le temps que je complète ma run. J’aime tellement ma liberté que ça m’a comme soulagée, mais lui y vient de virer de bord parce qu’y peut pas vivre sans moi. Je ne me sens pas respectée là-dedans.

Quand j’ai vu l’or dans ses yeux embrumé de pluie, son rêve mis en péril par l’intensité et la confusion d’émotions contradictoires, je lui ai dis: Viens on va marcher le long de l’océan et tu vas pouvoir reprendre le dessus…

On a pris une longue marche sur la grève sauvage… elle a parlé parlé parlé mais jamais ses mots n’ont fait déshonneur à son rêve… Je lui ai dis… quand on est nomade, le dialogue avec un sédentaire est toujours un apprentissage, les deux souffrent de ne pas habiter le même univers… c’est comme l’agriculteur et le pêcheur ici-même à Caraquet:))))

Son chum téléphone… il est presque rendu à Caraquet, il a roulé toute la journée… Je la laisse à son camion, elle est prête à partir mais ses yeux me supplient de ne pas la laisser seule tout de suite… mais avec cette élégance fière que si je n’avais pas été grand-père de la beauté du monde, je n’aurais pas intuitionner la qualité intrinsèque de sa détresse.

– Viens, le vagabond te paye une pizza. Devant moi au restaurant, elle dit à son chum (au téléphone) qu’elle est avec un vieux nomade Pierrot, et qu’ils se rejoindront après.

Je lui dis… tu sais au 21eme siècle, le couple existe de moins en moins mais de nouvelles notions comme celle de PARTENAIRES DE RÊVE naissent par l’individualisme nano-moderniste… Il serait peut-être sain de vérifier si vos rêves réciproques sont compatibles.

Son chum téléphone, il est rendu à Caraquet… elle lui dit ok, on va se parler tout de suite… Et le vieux monsieur en moi qui se dit… une simple chicane d’amoureux qui annonce une négociation et un nouveau départ…

Le lendemain matin, je rentre par hasard dans un restaurant, avec Jules Bossé, le fabuleux rêveur en bicycle… celui avec qui j’échange des trucs de nomade depuis 3 jours… Les deux jeunes amoureux sont là, la nomade et son sédentaire… la jeunesse… l’avenir de la beauté du monde…

Pierrot vagabond