Michel Bitbol
de l’intérieur du monde
pour une philosophie
et une science des relations
p.391
extrait
Cette stratégie théologique de la co-incidence de deux plans de description que la philosophie naturelle sépare est ensuite appliquée par Thomas d’Aquin à la question générale de savoir SI UNE ONTOLOGIE DE PURES RELATIONS EST CONCEVABLE.
Sa réflexion se développe en deux moments dialectiques.
Dans un premier temps il rappelle, par la voix de Saint-Augustin, que dans la conception la plus courante LES TERMES ont une forme d’autonomie par rapport aux relations. Ne serait-ce que parce que, à côté du prédicat relatif considéré, d’autres prédicats, généralement monadiques, convergent vers ces termes et les singularisent indépendamment d’un rapport qu’ils entretiennent.
Dans un second temps, Thomas d’Aquin développe sa réplique. Il admet que l’analyse prêtée à Augustin convient «aux créatures»; que pour «une créature», la relation à une autre suppose «quelque chose d’absolu» en elle et dans l’autre, et que ce quelque chose d’absolu diffère DES PRÉDICATS RELATIFS.
Mais lorsqu’il s’agit de Dieu, le «quelque chose d’absolu» et le prédicat relatif censé s’y adjoindre NE SE DISTINGUENT EN AUCUNE MANIÈRE; «ils sont une seule et même réalité». Dès lors, «en Dieu il n’y a pas à distinguer l’être relatif de l’être essentiel; CE N’EST QU’UN SEUL ET MÊME ÊTRE. »
Les relata et les relations, les personnes et leurs rapports, y participent D’UNE SEULE RÉALITÉ INVISIBLE.
Alors qu’elles tendaient à être reléguées à un rang subalterne en philosophie naturelle, LES RELATIONS ATTEIGNENT LA DIGNITÉ ONTOLOGIQUE LA PLUS HAUTE DANS LE DOMAINE THÉOLOGIQUE.
EN DIEU, LES RELATIONS SONT COEXTENSIVES AU SUBSTRAT ABSOLU QUI LES PORTE
à suivre…