LE DOCTORAT DE NOTRE ÉQUIPE DE RECHERCHE (AULD, WOODARD, ROCHETTE) …. DONT LE TITRE SERA …. JE TE DEMANDE PARDON …. À PARTIR DU MANIFESTE DE LA NANO-CITOYENNETÉ PLANÉTAIRE QUE CONSTITUE LE TEXTE DE SA CHANSON …. ARTICULERA SON FIL D’OR … CONTE POUR UN FEU DE JOIE …. (GAELLE ÉTÉMÉ) EN RACONTANT …. DANS LE IER CHAPITRE ….. D’ABORD LES JARDINS DE MARLENE ….. PUIS …. LA NON-TRICHERIE DE MICHEL … POUR ENFIN RACONTER L’ARCHÉTYPE HOLOGRAMMIQUE DU VAGABOND CÉLESTE QUAND IL A ÉTÉ ACCUEILLI PAR MARLENE ET MICHEL … LE 7 DÉCEMBRE 2007 … DONT TROIS HEURES D’ARCHIVES VIDÉOGRAPHIQUES …. SERVIRONT DE SOCLE À LA CRÉATION DE NOS CONSEILS D’ADMINISTRATION DE LA CRÉATIVITÉ VERSUS NOS ABCEPTS … SOIT LA VIE PERSONNELLE OEUVRE D’ART, LA NANO-CITOYENNETÉ-PLANÉTAIRE ET LE PAYS OEUVRE D’ART

Que le fil d’or du doctorat de notre équipe de recherche (Auld, Woodard, Rochette) prend de plus en plus la forme d’un CONTE POUR UN FEU DE JOIE ( GAELLE ÉTÉMÉ)….

Je sais maintenant que le début du ier chapitre de notre doctorat sera consacré à l’archétype de Marlene la jardinière en dialogue avec l’homme qui plantait des arbres de Giono, qu’elle commentera en fonction de sa propre vision de son archétype…

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TEXTE DE JEAN GIONO… DU FILM D’ANIMATION DE FRÉDÉRIC BACH … DIT PAR PHILIPPE NOIRET ….

1: Il y a bien des années, je faisais une longue course à pied  sur des hauteurs absolument inconnues des touristes dans cette très vieille région des Alpes qui pénètre en Provence.

2: C’était au moment ou j’entrepris ma longue promenade dans ces déserts des landes nues et monotones vers 1200 ou 1300 mètres d’altitude.

3: Il n’y poussait que des lavandes sauvages.

4: Je traversais ce pays dans sa plus grande largeur et après trois jours de marche, je me trouvais dans une désolation sans exemple.

5: Je campais à côté d’un squelette de village abandonné. Je n’avais plus d’eau depuis la veille et il me fallait en trouver.

6: Ces maisons agglomérées en ruines comme un vieux nid de guêpes me firent penser qu’il y avait dû y avoir là, dans le temps, une fontaine ou un puits. Il y avait bien une fontaine, mais sèche.

7; Les 5 à 6 maisons, sans toiture, rongées de vent et de pluies, la petite chapelle au clocher écroulé, étaient rangées comme le sont les maisons et les chapelles dans les villages vivants, mais, toute la vie avait disparu.

8: C’était un beau jour de juin, avec un grand soleil, mais sur ces terres sans abri et hautes dans le ciel, le vent soufflait avec une brutalité insupportable. Ses grondements dans les carcasses des maisons étaient ceux d’un fauve dérangé dans son repas. Il me fallut lever le camp.

9: À 5 heures de marche de là, je n’avais toujours pas trouvé d’eau et rien ne pouvait me donner l’espoir d’en trouver. C’était partout la même sécheresse, les mêmes herbes ligneuses.

10: Il me sembla apercevoir dans le lointain, une petite silhouette noire, debout. Je la pris pour le tronc d’un arbre solitaire. À tout hasard, je me dirigeai vers elle.

11: C’était un berger. Une trentaine de moutons couchés sur la terre brûlante, se reposaient près de lui. Il me fit boire à sa gourde. Un peu plus tard, il me conduisit à sa bergerie. dans une ondulation du plateau. Il tirait son eau excellente d’un trou naturel, très profond, au-dessus duquel il avait installé un treuil rudimentaire.

12: Cet homme parlait peu. C’est le fait des solitaires. Mais on le sentait sûr de lui et confiant dans cette assurance. C’était insolite dans ce pays dépouillé de tout.

13: Il n’habitait pas une cabane, mais une vraie maison en pierre ou l’on voyait très bien comment son travail personnel avait rapiécé la ruine qu’il avait trouvé là à son arrivée. Son toit était solide et étanche.  Le vent qui le frappait faisait sur les tuiles le bruit de la mer sur les plages. Son ménage était en ordre. Son parquet balayé., son fusil graissé. La soupe bouillait sur le feu.

14: Je remarquai alors qu’il était aussi rasé de frais, que tous ses boutons étaient solidement cousus, que ses vêtements étaient reprisés avec le soin minutieux qui rend les reprises invisibles.

15: Il me fit partager sa soupe, Comme après, je lui offrais ma blague à tabac,  Il me dit qu’il ne fumait pas. Son chien, silencieux comme lui,  était bienveillant, sans bassesse.

16: Il avait été entendu que je passerais la nuit là, le village le plus proche étant encore à plus d’une journée et demie de marche. Je connaissais parfaitement le caractère des rares villages de cette région. Il y en a 4 ou 5, dispersés, loin les uns des autres, sur les flancs de ces auteurs, sur les saillis de chênes blancs à la toute extrémité des routes carrossables.

17: Ils sont habités par des bûcherons qui font du charbon de bois. Ce sont des endroits ou l’on vit mal. les familles, serrées les unes contre les autres, dans ce climat qui est d’une rudesse excessive aussi bien l’été que l’hiver, exaspèrent leur égoïsme en vase clos. L’ambition irraisonnée s’y démesure dans le désir continu de s’échapper de cet endroit. Les hommes vont porter leur charbon à la ville, puis retournent . Les plus solides qualités craquent sous cette perpétuelle douche écossaise.

18: Les femmes mijotent des rancoeurs. Il y a concurrence sur tout. Aussi bien que pour la vente du charbon de bois que pour le banc à l’église pour les vertus qui se combattent entre elles , pour les vices qui se combattent entre eux et pour la mêlée générale des vices et des vertus, sans repos.

19: Par dessus, le vent également sans repos irrite les nerfs. Il y a des épidémies de suicides et de nombreux cas de folies , presque toujours meurtrières.

20: Le berger qui ne fumait pas alla chercher un petit sac et déversa sur la table un tas de glandes. Il se mit à les examiner l’un après l’autre avec beaucoup d’attention, séparant les bons des mauvais.

21: je fumais ma pipe. Je proposai de l’aider. Il me dit que c’était son affaire. En effet: voyant le soin qu’il mettait à son travail, je n’insistai pas. ce fut toute notre conversation.  Quand il eut du côté des bons un tas de glands assez gros, il les compta par paquet de 10. Ce faisant, il éliminait encore les petits fruits ou ceux qui étaient légèrement fendillés car il les examinait de fort près. Quand il eut ainsi devant lui 100 glands parfaits, il s’arrêta et nous allâmes nous coucher.

22: La société de cet homme donnait la paix. Je lui demandai le lendemain la permission de me reposer tout le jour chez lui. Il le trouva tout naturel, ou, plus exactement, il me donna l’impression que rien ne pouvait le déranger.  Ce repos ne m’était pas absolument obligatoire mais j’étais intrigué et je voulais en savoir plus.

23: Il fit sortir son troupeau et le mena à la pâture. Avant de partir, il trempa dans un sceau d’eau le petit sac ou il avait mis les sacs soigneusement choisis et comptés. Je remarquai qu’en guise de bâton, il emportait une tringle de fer grosse comme le pouce et longue d’environ d’un mètre cinquante.

24: Je fis celui qui se promène en se reposant et je suivis une route parallèle à la sienne. La pâture de ses bêtes était dans un fond de comble. Il laissa le petit troupeau à la garde du chien et monta vers l’endroit ou je me tenais. J’eu peur qu’il vint pour me reprocher mon  indiscrétion Mais pas du tout. C’était sa route. Et il m’invita à l’accompagner si je n’avais rien de mieux à faire. Il allait à 200 mètres de là sur la hauteur.

25: Arrivé à l’endroit ou il désirait aller, il se mit à planter sa tringle de fer dans la terre : Il faisait ainsi un  trou, dans lequel il mettait un gland, puis il rebouchait le trou. Il plantait des chênes.! Je lui demandai si la terre lui appartenait. Il me répondit que non . Savait-il ç qui elle était? Il ne le savait pas. Il supposait que c’était une terre communale ou peut-être, qu’elle appartenait à de gens qui ne s’en souciaient pas? Lui ne se souciait pas de connaître les propriétaires. Il planta ainsi ses 100 glands avec un soin extrême, Après le repas du midi, il recommença à trier sa semence. Je mis, je crois, assez d’insistance dans mes questions puisqu’il y répondit.

26: Depuis 3 ans, il plantait des arbres dans cette solitude. Il en avait planté 100,000. Sur les 100,000, 20,000 étaient sortis. Sur ces 20,000, il comptait encoreen perdre la moitié du fait des rongeursou de tout ce qu’il y a impossible à prévoir dans les desseins de la providence. Restaient 10,000 chênes qui allaient pousser dans ces endroit ou il n’y avait rien auparavant.

27: C’est à ce moment-là que je me souciai de l’âge de cet homme. Il avait visiblement plus de 50 ans. 55 , me dit-il. Il s’appelait Elzéar Bouffier. Il avait possédé une ferme dans les plaines Il y avait réalisé sa vie. Il avait perdu son fils unique, puis sa femme. Il s’était retiré dans la solitude ou il prenait plaisir à vivre lentement, avec ses brebis et son chien.

28: Il avait jugé que ce pays mourait par manque d’arbres. Il ajouta que n’ayant pas d’occupation très importante, il avait résolu de remédier à cet état de choses. Mon jeune âge me forçait à imaginer l’avenir en fonction de moi-même et d’une certaine recherche du bonheur.

21: je lui dis que dans 30 ans, ces 10,000 chênes seraient magnifiques! Il me répondit très simplement, que si Dieu lui prêtait vie, dans 30 ans, il en aurait planté tellement d’autres que ces 10,000 seraient comme une goutte d’eau dans la mer.

22: Il étudiait déjà la reproduction des hêtres. Et il en avait près de sa maison une pépinière issue des faines. Les sujets qu’il avait protégés de ses moutons  étaient de toute beauté. Il pensait également à des bouleaux pour des fonds ou, me dit-il, une certaine humidité dormait à quelques mètres de la surface du sol.  Nous nous séparâmes le lendemain.

23: L’année d’après, il y eut la guerre de 14 dans laquelle je fus engagé pendant 5 ans. Un soldat d’infanterie ne pouvait guère y réfléchir à des arbres.

24: Sorti de la guerre, je me trouvai à la tête d’une prime de démobilisation minuscule, mais avec le grand désir de déguster un peu d’air pur. C’est sans idée préconçue, sauf celle-là, que je repris le chemin de ces contrées désertes. Le pays n’avait pas changé.

25: Toutefois, au-delà du village mort, j’aperçus dans le lointain une sorte de brouillard gris. qui recouvrait les hauteurs comme un tapis. Depuis la veille, je m’étais remis à penser à ce berger planteur d’arbres. 10,000 chênes , me disais-je, occupent vraiment un très large espace.

26: J’avais vu mourir trop de monde pendant 5 ans pour ne pas imaginer facilement la mort d’Elzéard Bouffier, d’autant que lorsqu’on en a 20, on considère les hommes de 50  comme des vieillards à qui il ne reste plus qu’à mourir.

27: Il n’était pas mort. Il avait changé de métier.! Il ne possédait plus que 4 brebis, mais par contre, une centaine de ruches. Il s’était débarrassé des moutons  qui mettaient en péril ses plantations d’arbres. Il ne s’était pas du tout soucié de la guerre. Il avait imperturbablement continué à planter.

28: Les chênes de 1910 avaient alors 10 ans et étaient plus hauts que moi et que lui. Le spectacle était impressionnant. J’étais littéralement privé de paroles! Et comme lui ne parlait pas, nous passâmes tout le jour en silence à nous promener dans sa forêt.

29: Elle avait en trois tronçons 11 kilomètres de long et trois kilomètres dans sa plus grande largeur. Quand on se souvenait que tout était sorti DES MAINS ET DE L’ÂME DE CET HOMME, sans moyen technique, on comprenait que les hommes pourraient être aussi efficaces que Dieu dans d’autres domaines que la destruction.

30: Il avait suivi son idée et les hêtres qui m’arrivaient aux épaules, répandus à perte de vue en témoignaient. Les chênes étaient drus et avaient dépassé l’âge ou ils étaient à la merci des rongeurs. Quand aux desseins de la Providence elle-même, pour détruire l’oeuvre crée, il lui faudrait désormais avoir recours aux cyclones.

31: Il me montra d’admirables bosquets de bouleaux qui dataient de 5 ans, c’est-à-dire de 5 ans, de l’époque ou je combattais à Verdun. Il leur avait fait occuper tous les fonds ou il soupçonnait, avec juste raison, qu’il y avait de l’humidité presqu’à fleur de terre. Ils étaient tendres comme des adolescents et très décidés,

32: La création avait l’air d’ailleurs de s’opérer en chaîne. Il ne s’en souciait pas. Il poursuivait obstinément sa tâche très simple. Mais, en redescendant par le village, je vis couler de l’eau dans des ruisseaux qui, de mémoire d’homme, avaient toujours été à sec.

33: C’était, la plus formidable opération de réaction qu’il m’ait été donné de voir. Ces ruisseaux secs avaient jadis porté de l’eau dans des temps très anciens.

34: Certains de ces villages tristes dont je parlais au début de mon récit s’étaient construits  sur des emplacements d’anciens villages gallo-romains dont il restait encore des traces dans lesquelles les archéologues avaient fouillé et ils avaient trouvé des hameçons à des endroits ou, au 20eme siècle, on était obligés d’avoir recours à des citernes pour avoir un peu d’eau.

35:  Le vent aussi dispersait certaines graines. En même temps que l’eau réapparut, réapparaissaient les saules, les osiers, les prés, les jardins, les fleurs et une certaine façon de vivre. Mais, la transformation s’opérait si lentement qu’elle entrait dans l’habitude sans provoquer d’étonnement.

36: Les chasseurs, qui montaient dans la solitude à la poursuite des lièvres ou des sangliers avaient bien constaté le foisonnement des petits arbres, mais, ils l’avaient mis sur le compte des malices naturelles  de la terre. C’est pourquoi, personne ne touchait à l’oeuvre de cet homme. Si on l’avait soupçonné, on l’aurait contrarié. Il était insoupçonnable. Qui aurait pu imaginer: dans des villages et des administrations, une telle obstination dans la générosité la plus magnifique?

37: À partir de 1920, je ne suis jamais resté plus d’un an sans rendre visite à Elzéard Bouffier. JE NE L’AI JAMAIS VU FLÉCHIR, NI DOUTER. Et pourtant, Dieu sais si Dieu même y pousse.! Je n’ai pas fait le compte de ses déboires. On imagine bien cependant que pour une réussite semblable, il a fallut vaincre l’adversité. Que pour assurer la victoire d’une telle passion, il a fallut lutter avec le désespoir.

38: pour avoir une idée à peu près exacte de ce caractère exceptionnel, il ne faut pas oublier qu’il s’exerçait dans une solitude totale. … Si totale que…vers la fin de sa vie … il avait perdu l’habitude de parler. ou, peut-être, n’en voyait-il pas la nécessité?

39: En 1933, il reçut la visite d’un garde-forestier éberlué! Ce fonctionnaire lui intima l’ordre de ne pas faire de feu dehors. de peur de mettre en danger la croissance de cette forêt naturelle. C’était la première fois, lui dit cet homme naïf, qu’on voyait une forêt pousser toute seule.

40; En 1935, une véritable délégation administrative vint examiner la forêt naturelle. Il y avait un grand personnage des Eaux et des Forêts, un député, un technicien. On prononça beaucoup de paroles inutiles. On décida de faire quelque chose et heureusement, on ne fit rien, sinon la seule chose utile mettre la forêt sous la sauvegarde de l’état et interdire qu’on vienne y charbonner, car il était impossible de n’être pas subjugué par la beauté de ces jeunes arbres en pleine santé. Et elle exerça son pouvoir de séduction sur le député lui-même.  J’avais un ami parmi les capitaines forestiers, qui était de la délégation. Je lui expliquai le mystère.

41: Un jour de la semaine d’après, nous allâmes tous les deux à la recherche d’Elzéard Bouffier. Nous le trouvâmes en plein travail, à 20 kilomètres de l’endroit ou avait eu lieu l’inspection.  Ce capitaine forestier n’était pas mon ami pour rien. Il connaissait la valeur des choses.

42: J’offris les quelques oeufs que j’avais apportés en présent. Nous partageâmes notre casse-croûte en trois. et quelques heures passèrent dans la contemplation muette. du paysage. Le côté d’ou nous venions était couvert d’arbres de 6 à 7 mètres de haut.

43: Je me souvenais de l’aspect du pays en 1913 … le désert. … Le travail paisible et régulier, l’air vif des hauteurs, la frugalité et surtout la sérénité de l’âme avaient donné à ce vieillard une santé presque solennelle. C’ÉTAIT UN ATHLÈTE DE DIEU. Je me demandais de combien d’hectares il allait couvrir il allait encore couvrir d’arbres.

44: Avant de partir, mon ami fit simplement une brève suggestion à propos de certaines essences auxquelles le terrain d’ici paraissait pouvoir convenir. Il n’insista pas pour la bonne raison me dit-il après, que ce bonhomme en sait plus que moi.

45: Au bout d’une heure de marche, l’idée ayant fait son chemin en lui, il ajouta: Il en sait beaucoup plus que tout le monde. IL A TROUV. UN FAMEUX MOYEBN D’ÊTRE HEUREUX. C’est grâce à ce capitaine que non seulement la forêt, mais le bonheur de cet homme fut protégés.

46: L’oeuvre  ne courut qu’un risque grave que pendant la guerre de 1939. Les automobiles marchant alors aux gazogènes On n’avait jamais assez de bois. On commença à faire les coupes dans les chênes de 1910, mais ces quartiers sont si loin de tout réseaux routiers que l’entreprise se révéla très mauvaise au point de vue financier. On l’abandonna.  Le berger n’avait rien vu. Il était à 30 kilomètres de là continuant paisiblement  sa besogne. ignorant la guerre de 39 comme il avait ignoré la guerre de 14,

47: J’ai vu Elzéard Bouffier pour la dernière fois en juin 1945. Il avait alors 87 ans.  J’avais donc repris la route du désert mais maintenant, malgré le délabrement dans lequel la guerre avait laissé. ce pays, il y avait un car qui faisait le service entre la vallée de la Durance et la montagne. Je mis sur le compte de ce moyen de transport relativement rapide le fait que je ne reconnaissais plus les lieux de mes premières promenades.

48: J’eu besoin  d’un nom de village pour conclure que j’étais bien cependant dans cette région jadis en ruine et désolée. Le car me débarqua ç Vergone.

49: En 1913, ce hameau de deux ou trois maisons avait trois habitants. Ils étaient sauvages, se détestaient , vivaient de chasse au piège. Leur condition était sans espoir. Tout était changé. L’air lui-même.

50: Au lieu des bourrasques sèches et brutales qui m’accueillaient jadis, soufflait une brise souple, chargée d’odeurs. Un bruit semblable à celui de l’eau venait des hauteurs. C’était celui du vent dans les forêts.

51: Enfin, chose plus étonnante, j’entendis le vrai bruit de l’eau coulant dans un bassin. Je vis qu’on avait fait une fontaine qu’elle était abondante et ce qui me touchait le plus: On avait planté près d’elle un tilleul, symbole incontestable d’une résurrection.

52: Par ailleurs Vergons portait les traces d’un travail pour l’entreprise duquel l’espoir est nécessaire.  L’espoir était donc revenu. On avait déblayé les ruines, abattu les pans de murs délabrés,  Les maisons neuves, crépies de frais, étaient entourées de jardins potagers ou poussaient, mélangés mais alignés, les légumes et les fleurs, les chous et les rosiers, les poireaux et les gueules de loup., les cèleris et les anémones. C’était désormais un endroit ou l’on avait envie d’habiter.

53: À partir de là, je fis mon chemin à pied. La guerre dont nous sortions à peine n’avait pas permis l’épanouissement complet de la vie, mais Lazare était hors du tombeau.

54: Sur les flancs abaissés de la montagne, je voyais de petits champs d’orge et de seigles en herbes. Au fond des étroites vallées, quelques prairies verdissaient.

55: Il n’a fallut que les 8 ans qui nous séparent de cette époque pour que tout le pays resplendisse de santé et d’aisance. Sur l’emplacement des ruines que j’avais vues en 1913, s’élèvent maintenant des fermes propres, bien crépies. qui dénotent une vie heureuse et confortable.

56: Les vieilles sources, alimentées par les pluies et les neiges que retiennent les forêts, se sont remises à couler. À côté de chaque ferme dans des bosquets d’érables, les bassins des fontaines débordent sur des tapis de menthe fraîche.

57: Les villages se sont reconstruits peu à peu Une population venue des plaines ou les terres de vendent cher s’est fixée dans le pays y apportant de la jeunesse, du mouvement, de l’esprit d’aventure. On rencontre dans les chemins des hommes et des femmes bien nourris, des garçons et des filles qui savent rire et ont repris goût aux fêtes campagnardes.

58: Si on compte l’ancienne population méconnaissable depuis qu’elle vit avec douceur et les nouveaux venus, plus de 10,000 personnes doivent leur bonheur à Elzéard Bouffier.

59: Quand je pense qu’un homme seul, réduit à ses simples ressources physiques et morales a suffi pour faire surgir du désert, ce pays du Canaan., je trouve que malgré tout, la condition humaine est admirable.

60: Mais, quand je fais le compte de tout ce qu’il a fallut de constance dans la grandeur d’âme et d’acharnement dans la générosité pour obtenir ce résultat, je suis pris d’un immense respect pour ce vieux paysan sans culture qui a su mener à bien cet oeuvre digne de Dieu.

61: Elzéard Bouffier est mort paisiblement en 1947, à l’hospice de Banon.