QUE RESTE-T-IL DU TEMPS OÙ LE VAGABOND CÉLESTE ALLUMAIT DES RÊVEURS SUR LES ROUTES DE SON PAYS?

Il y eut des moments magiques durant ces quelques années où avec un sac à dos, un bâton de pèlerin et une vieille guitare j’allais poétiquement allumer des rêveurs un par un avec la certitude qu’un jour, longtemps après ma mort, le Canada en entier serait illuminé par ses «rêveurs vies personnelles œuvre d’art» comme par des chandelles sur un gâteau de fète.

Mais on dirait que ma mémoire a perdu l’ordre chronologique de sa poésie. Un été entre autres, au moment où un camionneur du lac à Beauce s’arrêtât pour me remercier d’avoir composé «la chanson du camionneur» que je lui avais chantée sur la route de La Tuque l’année précédente, un jeune homme apparaît de nulle part et me dit… Veux-tu venir dans ma forêt… j’ai vu ta guitare, j’ai besoin de parler de mon rêve car je ne sais pas où je m’en vais…

Nous sommes arrivés sur une presqu’île, où il vivait seul avec sa tente… Sans doute se reconnaitra-t-il. C’était un jeune entrepreneur qui avait gagné le premier prix du Québec dans un concours quelconque pour avoir tenu commerce international d’épices… mais il vivait tout cela pour son rêve… Il rêvait d’écrire de la musique contemporaine qu’il ferait jouer là où était sa tente pendant qu’il ferait déguster ses épices à des mélomanes….

C’était exceptionnel… Quand j’avais 25 ans et que je faisais le tour du Québec comme chansonnier, j’avais dans mon aotomobile 45 exemplaires du «LOUP DES STEPPES» DE hERMANN hESSE À DONNER À TOUT ARTISTE INQUIET….

Mais cet été-là . sur la route de la Gaspésie je ne rappelle plus très bien oû, je dis à ce rêveur exceptionnel… J’ai dans mon case de guitare un film culte…« TOUS LES MATINS DU MONDE»… J’ai de quoi là-dedans à nourrir la flamme de ton rêve jusqu’à ta mort… On peux-tu aller l’écouter ensemble…

Il me dit.. mes parents restent pas très loin… ils sont absents… il y a une télévision et un video… Nous écoutâmes le film et je lui dis… Un jour, le Canada publiera une carte géographique avec les lieux exacts de tous ses grands rêveurs et grandes rêveuses vies personnelles œuvre d’art vivant comme des flambeaux de liberté anonymes…et il y aura un pèlerinage pour saluer ce pays œuvre d’art qu’ils porteront en eux… Je serai mort depuis longtemps… mais je sais que toi… avec un rêve d’une si grande intensité… tu seras là, avec ta tente à présenter ta musique contemporaine et à faire déguster tes épices….  ici même dans cette forêt.

J’y dormis et le lendemain très tôt, pour ne pas gâcher la magie, pendant qu’il dormait, même si je crevais de faim, je repris la route en douce, étant toujours prêt à mourir pour mon rêve.

Et je repartis… fuyant ma propre vie de village en village… sans cesse épuisé d’un rêve trop grand pour mes forces… mais confiant parce que les bottes pour aller plus loin dans la vie que mon grand-père Lucien avait échangées contre son cheval à St-Raymond de Port-Neuf prenaient soin épiquement de mes ampoules aux pieds….

Rêver l’humanité œuvre d’art du 21eme siècle en allumant les rêveurs un à un sur la route fut peut-être ma plus belle tentative d’errance poétique….

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Marlene Auld, jardinière du pays œuvre d’art
Michel Woodard, concierge du pays œuvre d’art
Pierrot vagabond